Darius était accablé par la réponse de Lunaya. Il n'avait jamais réfléchi à sa mort, mais il se croyait capable de l'affronter avec le courage dont il avait toujours fait preuve. Cependant, de l'entendre annoncer qu'il ne lui en restait plus pour longtemps, qu'un compte à rebours était lancé et qu'il pouvait mourir dans la semaine, c'était... traumatisant. Effrayant. En fait, le garde ne trouvait aucun mot pour décrire ce sentiment. Il entendit à peine Fireball qui voulait lui parler, et contempla d'un air absent Malco qui s'effondrait sur le sol. D'une voix qu'il espérait ferme, il commença par répondre à Lunaya :
- Très bien, tu as été honnête et je ne peux te blâmer pour la nouvelle que tu m'annonces. Je vais aller chercher ton médaillon pour toi. Comme mon temps est compté, Shaco peut bien me trouver dans son bureau, ça ne me dérange pas. Cependant, je ne suis officiellement plus de service et j'espère tout de même pouvoir faire cela discrètement. Aussi, je vais aller me coucher et je t'apporterai ton objet le plus tôt possible. Fireball, même chose pour toi, je te parlerai une autre fois. Quant à Malco, il ne servirait à rien de l'amener à l'infirmerie si l'on n'a pas d'antidote, alors je vais le laisser là. Sa garde s'en occupera si elle le souhaite.
Là-dessus, il tourna le dos aux prisonniers et se dirigea d'un pas rapide vers l'escalier menant au dortoir. Bizarrement, l'homme se sentait empli d'une énergie nouvelle. L'annonce de sa fin prochaine l'emplissait d'un étonnant sentiment de liberté, puisque tout ce qu'il ferait n'aurait pas beaucoup de répercussions sur lui. Darius était aussi empli d'une grande énergie, la même que celle qu'a un bambin le soir avant de s'endormir, la veille de son anniversaire. Il allait briser les règles pour la première fois de sa vie depuis la mort de son frère. Il espérait bien sûr trouver un antidote, mais les chances étaient faibles et il préférait agir en considérant qu'il mourrait. Arrivé dans sa couchette, juste avant de s'endormir, le garde ne put s'empêcher de faire apparaître un sourire carnassier sur ses lèvres. Maintenant que l'homme pouvait se permettre d'utiliser les moyens des pires criminels enfermés ici, Shaco n'allait sûrement pas survivre longtemps.

Le roi blanc reposant habituellement dans la main du jeune homme heurta le sol. Apparemment, la notion du nom « Royblant » avait eu l'air de troubler Khyle ; la garde avait vu juste, le sourire du prisonnier avait totalement disparu de son visage. D'après ses propres dires, il avait essayé d'oublier après ses années de prison. Oublier son propre nom, certes méprisé par beaucoup, revenait-il à faire une croix sur son passé ? Lottie regarda le prisonnier dont elle avait la charge : il avait vraiment l'air perdu dans ses flots de pensées. Puis Khyle se retourna vers elle :
- Sais-tu que le pion est souvent désigné comme l'incapable, l'esclave ? Mais une fois qu'il se trouve dans le territoire ennemi, il peut devenir la pièce la plus importante du jeu. Celle qui finira par donner un "échec et mat" à l'adversaire.
Echec et mat... répéta-t-elle intérieurement. Le prisonnier l'avait désignée comme le pion un peu plus tôt, il parlait donc bien d'elle. Sous-entendait-il qu'elle se retournerait contre le "roi" actuel, Shaco ? Oui, elle le savait elle-même au fond d'elle, les agissement du Bouffon ne devaient pas continuer à se perpétrer de cette façon, mais qui oserait le mettre hors d'état de nuire ou même essayer de l'empêcher d'agir ? Quelques minutes en sa compagnie suffisaient largement à faire comprendre à quiconque que, devant l'étendue de ses pouvoirs, tenter de s'opposer était une pure folie.
Lottie chassa ces pensées de son esprit, l'échec et mat n'était pas près d'arriver selon elle. Elle ne pouvait s'empêcher de penser que le nom de famille allait à merveille à Khyle et son attirance pour les jeux d'échecs. La garde décida de ne pas lui poser de questions au sujet de son passé, la discussion viendrait et il avait l'air assez tourmenté par la simple notion de son patronyme pour en rajouter une couche. Il comprendrait seul que le sujet était clos pour le moment.
Un regard vers la cellule opposée lui apprit que l'agitation était toujours présente là-bas. En effet, Lunaya semblait en pleine conversation avec Darius mais Lottie ne portait pas réellement attention à ses paroles, sa vision était focalisée sur le bras de Fireball. Son membre était passé à l'écarlate, peut-être l'endroit où la fléchette avait atteint ? La garde tendit une oreille pour suivre la conversation : un poison mortel et un antidote presque inaccessible ? L'unique chance de s'en sortir pour les victimes de l'agresseur serait que le fameux antidote se trouvât dans la prison... et la probabilité était presque nulle... sauf si l'agresseur prévoyait une réserve personnelle pour son compte, mais même dans ce cas, il faudrait trouver cette fameuse réserve. Fireball et Darius seraient donc condamnés ? Non, pas seulement eux, n'importe qui touché par une des flèches empoisonnées connaîtrait probablement le même sort. La jeune femme se serait bien occupée de son prisonnier ; mais sans antidote, le conduire à l'infirmerie ne serait qu'une perte de temps. Elle ne voulait pas interrompre la conversation en commentant, mais Malco venait de s'écrouler sur le sol, Darius était parti se coucher, personne ne semblait prêter attention à lui. Lottie s'agenouilla en face de la cellule qu'elle gardait et détailla le bras carmin de Fireball. Elle n'avait pas de question particulière à lui poser, Lunaya avait répondu à toute éventuelle interrogation lorsqu'elle avait parlé à Darius.
Elle ne pouvait pas s'occuper de Malco, affalé à terre. Laureya le pourrait lorsqu'elle retournerait monter la garde. La jeune fille retourna à ses réflexions sur son siège, Ténébris et Shaco n'étaient toujours pas sortis de la salle noire, elle venait de découvrir que le poison s'avérait être mortel pour déjà deux membres de la prison, et peut-être bientôt plus, l'assassin courait toujours... Aussi sécurisée qu'elle eût pu être, la prison Barek semblait demeurer l'un des endroits les moins sûrs d'Alysia.

Les yeux jaunes de Khyle considérèrent Lottie un long instant. Comme prévu, la phrase qu'il lui avait adressée avait provoqué un trouble chez elle. Avait-elle des difficultés à interpréter cette métaphore ou ne pensait-elle seulement ne pas être prête à affronter Shaco ? Quelles que fussent les pensées de la garde, Khyle ne voulut pas en savoir plus : le destin de la jeune fille n'appartenait qu'à elle-même et même s'il l'avait voulu, Lottie aurait refusé d'aborder le sujet à nouveau. Pour l'instant.
Le regard de la garde, perdu dans le vague, s'était enfin dirigé vers un point fixe : Fireball, ou plus précisément son bras. Effectivement, il avait viré au rouge sang à l'endroit où la fléchette meurtrière l'avait frappé. Pour l'une des rares fois, Khyle s'approcha doucement vers son voisin de cellule et observa son membre blessé d'un œil attentif. Il étudia le ton de rouge précis de cette infection, la façon dont elle s'était éparpillé autour de la piqûre... Après cette rapide étude, le blond soupira profondément et retira de l'un des replis de ses vêtements crasseux quelque chose que de nombreuses personnes dans cette prison avaient gardé pour elles-même : une fléchette empoisonnée. En effet, lorsque Khyle avait été lui-même agressé par ce mystérieux assassin, il avait esquivé la fléchette en la laissant se planter dans sa pièce d'échec. Dès lors, il l'avait gardée en pensant qu'elle serait utile.
Khyle pressa l'ongle pointu de son index contre la pointe de l'arme. Une gotte de son contenu se déversa sur elle. Le prisonnier posa alors son doigt sur ses lèvres et absorba la perle de poison qu'il avait récoltée. Il ferma les yeux, cherchant à reconnaître le goût. Comme il s'y attendait, il vacilla en arrière, répugné par la saveur acide et brûlante.
- C'est bien ce que je craignais... dit il, la voix toujours imprégnée de dégoût. Du Blèkfloeur, venin directement extrait de la Fleur Noire elfique. La jeune elfe n'avait pas tort en fin de compte.
En effet, bien qu'ayant l'air absent, Khyle écoutait souvent les conversations des autres mais ne réunissait que les informations qu'il jugeait utiles.
- Il est très délicat et n'a de l'effet que lorsque qu'il accède directement au sang de la victime sans passer par d'autres organes. De plus, lorsqu'il est à l'état de goutte, la salive le pulvérise en peu de temps. Ce sont là les deux raisons pour lesquelles je l'ai ingéré. Si je m'étais trompé sur sa nature, ça m'aurait coûté la vie, mais après tout, quelle différence ça aurait fait ? ... Qu'un condamné de plus !
Il ricana doucement à l'issue de cette dernière réplique. Malgré cela, il savait très bien qu'il était l'un des seuls qui n'avait pas été touché. Si cet agresseur était aussi doué qu'il le laissait paraître, il allait finir par trouver un moyen de venir à bout du prisonnier. Enfin... seulement si la mort du blond lui apporterait quelque chose.
- Contrairement à ce que vous devriez penser en ce moment, je n'ai jamais fait usage, moi-même, de ce poison, reprit-il plus calmement. Je trouve que l'usage du Blèkfloeur serait la chose la plus sotte pour un assassin voulant rester discret. Comme vous le constatez, ce poison tue lentement sa victime en la faisant inutilement souffrir pendant son long chemin vers la mort. Ce moment durerait assez longtemps pour que la victime réunisse assez d'informations jusqu'à connaître la véritable identité de son assassin. Il réprima un rire. Ce qui est plus que ridicule pour ce fameux agresseur.
Khyle s'éloigna de Fireball. La vue de l'infection si familière qu'il avait au bras augmentait son envie d'éclater de rire, ce qui n'était pas une bonne chose dans la situation du moment. Il s'assit au bord des barreaux et appuya sa tête contre la paroi de métal, le regard dirigé vers le couloir qui menait à la salle noire. Là où Ténébris était toujours retenue captive.
- A mon avis, l'objectif premier de cet agresseur masqué n'est pas faire souffrir toutes les personnes présentes ici, même si ça rendrait évident l'usage du Blèkfloeur. Chacun de vous devrait connaître le fameux proverbe : une vengeance n'a lieu que si la victime reconnaît son assassin. Qui sait ? Ce mystérieux agresseur ne devrait que chercher à se venger.

Spoiler:

Darius se réveilla en sursaut, la douleur présente dans son cou. Cette maudite piqûre... Le garde mit un instant à se rappeler où il était, et soupira quand ce fut fait. Il savait d'expérience qu'il ne s'endormait jamais trois fois dans la même nuit, et c'était son second réveil. Il ne restait plus qu'à espérer qu'une bonne partie de la nuit était passée. Brusquement, il se rappela pourquoi il s'était réveillé. Le poison qui circulait en lui, le compte à rebours avant sa mort... et Malco qui vivait sans doute la même chose sans que sa garde fût au courant ! L'homme avait été négligent, il n'avait pas pris la peine de parler de cela à Laureya. On n'allait sûrement pas le sauver à l'infirmerie, mais il y avait sans doute des produits contre la douleur. Darius se leva et se dirigea jusqu’à l'endroit où la belle blonde s'était assoupie. Il contempla un instant son visage endormie. Elle semblait paisible, contrairement à l'air qu'elle avait quand elle était réveillée, surveillant ce qui se passait. A la réflexion, les gardes devaient tous être ainsi. Cependant, ils n'avaient sans doute pas tous cette grande beauté. Un peu en colère contre lui-même pour ses pensées qui se détournaient de son but premier, il secoua sa collègue plus ou moins brusquement jusqu'à être certain qu'elle se réveille.
- Désolé de te sortir de ton sommeil pour une mauvaise nouvelle, mais Malco a aussi été victime d'une attaque. Si tu veux l'amener à l'infirmerie pour que l'on essaie de le traiter, libre à toi, mais n'oublie pas de prévenir Shaco. Tu lui diras en même temps que la relève est arrivée.
Après cela, il se détourna de la garde et retourna à son étage habituel. A présent qu'il avait les idées claires, il voyait mieux la situation. Il devait inspirer plus confiance à ses autres collègues que le Bouffon ténébreux, et même en ce cas, sa réputation d'homme fidèle aux ordres devrait les convaincre qu'il ne faisait rien de mal. Il était donc temps d'honorer sa promesse. Il se dirigea vers le bureau de son chef, d'un pas calme. Aussitôt qu'il fut hors de vue, il se mit à courir sans faire de bruit. Il avait besoin du plus de temps possible pour réaliser son plan. Il ne fallait absolument pas que Shaco sût qu'il allait fouiller son bureau.
Arrivé à destination, il se mit à chercher partout, du mieux qu'il put, mais il ne devait pas faire de bruit. Réfléchissant rapidement, il se dit qu'il y avait peu de chances que Shaco ait touché aux objets personnels des prisonniers, aussi essaya-t-il à l'endroit où il était lorsqu'Erza commandait encore. Il ouvrit une boîte et... Il ne s'était pas trompé. Les objets étaient un peu en désordre, mais le médaillon que l'elfe voulait semblait briller au milieu des autres effets personnels. Se dépêchant de le saisir, il rangea les objets, espérant avoir tout remis à sa place, puis retourna vers la salle principale. Alors qu'il s'installait sur une chaise et promenait un regard qui était attentif en apparence sur le reste de la salle, le poids du médaillon dans sa poche lui sembla soudain énorme. Le garde avait le sentiment que ce qu'il venait de faire aller lui retomber dessus d'une façon ou d'une autre, et que ce serait très douloureux.

Une jeune fille courait a travers le bois, meurtrissant ses petits pieds nus. Les quelques branches qui fouettaient son visage de gamine lui importaient peu. La peur au ventre, la jeune fillette au yeux bleus courait le plus vite qu'elle pouvait en direction de la maison. Soudain, une lueur d'espoir traversa son regard quand elle aperçut la fin des arbres gigantesques qui entouraient le terrain. Elle déboucha rapidement dans une plaine avec une belle maison au milieu. Pas très grande, mais merveilleusement accueillante. Un petit feu brûlait dehors et une odeur agréable flottait, portée par la douce brise. C'était une magnifique soirée douce et le soleil se couchait a peine. Devant le tableau, la jeune fille faillit ralentir. Puis elle se rappela la raison de sa course démenée. Elle reprit donc le chemin et pénétra dans la maison qui était la sienne. La peur régnait toujours sur son cœur d'enfant et la sueur perlait sur son front. Les cheveux blonds poisseux et sales coulaient telle une rivière dans son dos lorsqu'elle entra dans la petite cuisine. Ses deux parents préparaient un girawa qui semblait délicieux tout en se lançant des regards amoureux. La jeune fille ouvrit la bouche et hurla un : « La femme aux cheveux noirs arrive! Elle veut tuer papa ! ». Elle se sentit tomber sur le sol et se mit à trembler.

Laureya ouvrit les yeux sur le regard de Darius. Elle cacha les larmes qui montaient dangereusement et écouta le garde qui devait avoir une bonne raison de la réveiller.
- Désolé de te sortir de ton sommeil pour une mauvaise nouvelle, mais Malco a aussi été victime d'une attaque. Si tu veux l'amener à l'infirmerie pour que l'on essaie de le traiter, libre à toi, mais n'oublie pas de prévenir Shaco. Tu lui diras en même temps que la relève est arrivée.
La blonde n'eut pas le temps de répondre plus qu'une syllabe qui ressemblait à : « Hum ? » que son collègue avait disparu par la porte. Elle secoua la tête, question d'y voir clair. Bien entendu, la garde voulait aider Malco. En revanche, affronter le terrible Bouffon pour un prisonnier ? Elle hésitait. Finalement, la conscience reprit le dessus. Laureya ne voulait pas d'une mort sur la conscience et décida donc d'aller voir Shaco. Un peu endormie, elle enfila son armure de garde et se dirigea d'abord vers son étage. Elle arriva sur le spectacle de Khyle qui racontait ce qu'il savait. Elle n'y porta pas vraiment attention et se dirigea vers la cellule que Malco partageait avec Lunaya. D'un rapide coup d’œil, la jeune femme vit que le prisonnier était mal en point. Prenant son courage à deux main, elle se dirigea vers la tristement célèbre salle noire. Sachant très bien ce que Shaco y faisait, elle redoutait d'entrer. Son esprit était brouillon, elle ne se comprenait plus. Si souvent elle avait rêvé de voir Ténébris souffrir ! Mais là, alors que c'était exactement ce qui se passait de l'autre côté de la porte, Laureya redoutait le spectacle. Elle inspira une grande bouffée d'air, toqua un peu a la porte et la poussa. La jeune femme atterrit devant un spectacle horrifiant et en oublia presque le corps de Malco étendu dans sa cellule. La respiration coupée, elle fixait le terrible chef de garde qui tenait la tueuse par le cou. Et l'espace d'un instant, si court fût-il, Laureya se demanda qui des deux était vraiment le plus dangereux...

Fireball avait retiré son bras de la grille par laquelle il l'avait montré. Une nouvelle douleur le paralysa, une douleur intense, une douleur intenable, une douleur qui le fit s'agenouiller ; il ne pouvait rien faire pour calmer cette douleur, il ne pouvait rien mettre dessus car cela brûlait en quelques secondes. Il respirait avec difficulté. Il murmura :
- Laissez-moi une minute, ça va aller...
Il avait réussi à se relever malgré la grande douleur ressentie et répondit a Khyle :
- Je ne sais pas si tu as remarqué, mais nous sommes au beau milieu de la prison la plus "gardée" d'Alysia et du monde elfique. Et les personnes ici présentes ont sûrement tué des tas de personnes, toi non plus tu n'es pas un saint ! Comment retrouver l'agresseur ? La seule raison qui puisse mener à une telle vendetta est surement un crime particulièrement atroce. Mais ce n'ai clairement pas ce qui manque dans notre palmarès. Alors nous en sommes au point mort ou dans ton langage au début de la partie.
La douleur reprit de plus belle ; il s'assit donc sur ce qui lui servait de lit, tentant encore une fois de calmer cette douleur ardente. Il s'adressa ensuite à l'ensemble de la prison.
- Je n'ai pas peur de la mort ! La seule chose qui me rendrait triste, c'est de ne pas découvrir l'identité de ce traqueur...

- Te m'en vois désolé de te l'apprendre, mais je n'ai point compris un traître mot de ce que tu viens de prononcer.
C'est calmement et sans se retourner vers son voisin que Khyle lâcha ces paroles. En effet, les phrases de Fireball étaient très confuses et désordonnées, sans doute à cause du mal qui le rongeait. Mais même s'il avait compris les propos de son compagnon, le prisonnier n'abandonnerait en aucun cas son raisonnement. Songeur, sa tête reposait toujours sur les barreaux, laissant ses longs cheveux s’emmêler sur les parois de métal, et son regard restait rivé vers la salle noire. Ce regard ne suivit pas Darius quand il entra dans le couloir, ni Laureya qui s'engouffrait dans cette salle. Il guettait la porte de la pièce obscure et attendait de voir Ténébris en sortir, triomphante, de son conflit avec Shaco... mais quelque chose en lui criait le contraire. Cette même voix lui murmurait également autre chose de plus significatif.
La protéger est mon but...
Ses mains s'agrippèrent aux barreaux. Ces barreaux qui l'empêchaient non seulement de sortir de sa cellule, mais de sortir de ses pensées. S'ils n'étaient pas là, il aurait volé au secours de Ténébris même s'il devrait mourir sous les coups de Shaco. Il ne voulait pas le faire en tant que héros cherchant à sauver la belle princesse, mais en tant qu'un homme cherchant à accomplir l'objectif qu'il s'était fixé.
Néanmoins les barreaux étaient là, froids et solides... La seule chose qu'il pouvait faire pour elle était uniquement espérer de tout son cœur qu'elle s'en sorte. Chose médiocre n'aboutissant à rien.
- S'il ne se montre pas avant ta mort, cela veut dire que tu lui importes peu, dit-il à Fireball sans changer ses hypothèses sur l'objectif de l'agresseur.
Mais si ces idées étaient vraies, qu'est-ce qui avait poussé cette vengeance ?
Les doigts de Khyle desserrèrent leur étreinte sur les barreaux. Les mains frêles glissèrent sur la paroi métallique et l'une d'elles s'empara d'une pièce d'échecs qui reposait au sol, juste à côté de lui. Elle ne représentait pas un roi blanc, mais un fou. Un fou sculpté dans de la roche obscure, d'un noir de jais. Il la porta à la hauteur de ses lèvres et la manipula entre ses doigts crochus, tout en murmurant à voix très basse :
- La vie de Ténébris n'a pas l'air de s'avérer suffisante pour assouvir ta soif...
... Shaco ...

Avec lenteur, Lunaya se leva et se dirigea à pas lourds vers son piège : il n'avait pas fonctionné ; l'agresseur devait avoir compris qu'elle était en état d'alerte. Précautionneusement, elle déplaça les différents composants du piège, et à sa grande surprise, découvrit dessous une bonne vingtaine de flèches plantées dedans. Ou bien il est myope, ou bien il veut absolument me tuer....
Après réflexion, elle se dit que, finalement, ces gouttes de poison pourraient l'aider à fabriquer l'antidote.
C'est alors qu'elle remarqua un curieux détail : le tissu n'était même pas roussi ! Ainsi donc, le poison n'agissait que sur la chair !
Elle décoinça les flèches, remit son piège en place et s'approcha à pas lents de la porte.
- Eh ! Je sais comment on peut se protéger ! Il suffit de se couvrir d'une épaisse couche de tissu ! J'ajoute que, pour ceux qui veulent découvrir qui est l'agresseur, il leur suffit de piocher à l'endroit que j'indiquerai ! Elle marqua une pause, puis ajouta : J'aimerais également savoir s'il m'est possible de faire des expériences avec des fléchettes que j'ai retrouvées plantées dans du tissu.
Puis, patiemment, elle attendit une réponse et le retour de Darius.

Entendant ce que lui avait dit Lunaya, Darius se retourna vers la prisonnière avec un sourire sarcastique aux lèvres. Cette fille pensait-elle vraiment qu'il allait accepter ? Sans doute pas, mais vu qu'elle était dans une prison, elle pouvait sans doute tenter n'importe quoi.
- Ainsi donc tu t'imagines que je laisserai des armes à une prisonnière ? Je ne m'offusquerai pas, tu me connais sans doute peu, mais je suis très prudent quand cela concerne les détenus. Quant à ton idée, tu nous suggères de nous draper dans d'énormes pièces de tissu alors que nous sommes dans un désert ? Cela pourrait peut-être intéresser ceux qui n'ont pas encore été empoisonnés, mais pour mon cas je préfère mourir du poison plutôt que de déshydratation. Maintenant, donne-moi les fléchettes s'il te plaît.
L'homme avait dit ces mots, mais dans sa bouche, ils sonnaient plutôt comme un ordre. S'avançant lentement vers la cellule où gisait encore Malco (il eût été temps que Laureya revînt), il tendit la main vers la jeune elfe et attendit patiemment qu'elle se soumette en lui remettant les fléchettes, ou qu'elle se rebelle en l'attaquant. Dans l'un ou l'autre des cas, il serait gagnant, parce que étant déjà contaminé par le poison, l’agression de la jeune fille ne lui fournirait qu'un prétexte pour se défouler sur elle.

- Ainsi donc tu t'imagines que je laisserai des armes à une prisonnière ? Je ne m'offusquerai pas, tu me connais sans doute peu, mais je suis très prudent quand cela concerne les détenus. Quant à ton idée, tu nous suggères de nous draper dans d'énormes pièces de tissu alors que nous sommes dans un désert ? Cela pourrait peut-être intéresser ceux qui n'ont pas encore été empoisonnés, mais pour mon cas je préfère mourir du poison plutôt que de déshydratation. Maintenant, donne-moi les fléchettes s'il te plaît.
- Tiens. L'elfe lui tendit les flèches et ajouta : Si je suggère de se couvrir de tissus, c'est parce que je doute que vous arriviez à vous déplacer en permanence dans l'angle mort de tous les angles de la prison. Il y a peu de temps, je me suis rendu compte qu'il y avait des souterrains à Barek. Ils seraient négligeables s'ils n'étaient pas aérés par des petites ouvertures à chaque angle. J'ai de bonnes raisons de penser que l'agresseur se déplace dans ces tunnels.
Lunaya fit une pause, puis termina :
- Pour les expériences, je tentais simplement de sauver la vie des empoisonnés, dont la tienne, en trouvant un contre-poison qui donnerait un délai suffisant pour trouver le véritable antidote si nécessaire.
Puis elle recula, remit la boule de tissu dans le trou et s'assit en prenant soin d'être impossible à atteindre à partir de l'autre angle.

Quand Laureya entra dans la salle, Shaco rentra dans une colère monstre et balança la pauvre Ténébris inconsciente. En une fraction de seconde l'homme se retrouva derrière la jeune garde figée comme une statue.
- Laureya ma chère petite, j'avais bien dit de ne pas me déranger... Tu as désobéi et pour ça tu dois être punie... Quelle ironie, tu vas donc mourir ici pour garder mon secret...
Ensuite Shaco frappa la jeune fille en plein visage avec une force phénoménale.
- Allez, défends-toi !!!

Dès que Lunaya lui tendit les fléchettes, Darius les camoufla rapidement dans sa tunique. Bien qu'il eût dit à la prisonnière qu'il ne voulait pas lui laisser les fléchettes pour ne pas risquer qu'elle s'en serve, c'était toujours une arme de plus contre Shaco. Non, c'est ridicule, la mort de mon chef n'est pas mon but premier. J'ai désarmé l'elfe pour la sécurité de Laureya et du reste du monde.
C'est seulement lorsque qu'il ouvrit la bouche qu'il se figea un instant, ce qui lui donnait un air ahuri, qu'il réalisa ce qui lui était passé par l'esprit. Il avait accordé une importance plus importante à Laureya qu'au reste du monde, alors qu'il avait fait toujours passé son devoir avant lui-même. Secouant la tête en grognant un peu, le garde reporta encore son regard sur Lunaya pour finalement lui répondre.
- Désolé, mais je ne peux pas permettre tes expérimentations. C'est bien trop dangereux, tu aurais des chances de t'évader. Et je ne ferai jamais passer ma vie et celles de quelques personnes avant la sécurité du monde. Pour ton agresseur, t'a théorie est à revoir, parce que leur entrée est connue parmi les gardes, mais moi-même je n'y ai pas accès. Il faudrait donc que ce soit Quelqu'un de mieux placer que moi qui soit responsable de ces crimes.
Ca, c'était la bonne attitude. Penser à la sécurité du monde avant tout. Alors qu'il retournait s'asseoir, le garde s'interrogea encore une fois. Comment avait-il pu penser à la jeune fille avant tous les êtres vivants ? Cette fille n'allait sans doute pas dévaster Alysia toute entière si elle s'évadait, mais possiblement une bonne cinquantaine de gens importants. De plus, si elle libérait les prisonniers... ?
Le poison dans ses veines devait commencer à le faire devenir un peu fou, c'était la seule explication.

La frêle Ténébris sent une douleur fulgurante parcourir tout son corps. Elle se retrouve les genoux à terre ; pantelante, elle porte la main à son ventre. Elle saigne. Plusieurs gouttes de sang tombent au sol qui n'est désormais plus d'un blanc immaculé. Une ombre menaçante s'approche, Ténébris sent le vent lui caresser ironiquement le visage.
- Je t'avais demandé de te défendre, ma fille... murmure son père d'une voix glaciale dépourvue de tout sentiment.
Trop épuisée pour répondre, la jeune fille n'émet qu'un râle. Cela semble agacer Darkhell, qui exagère un soupir.
- Tu as désobéi et pour ça tu dois être punie...
Le Sorcier Noir lève soudain la main ; au bout de son poing brille une lumière qui ne présage rien de bon.
- Pitié...
Dans un élan de désespoir, Ténébris rampe péniblement dans la direction opposée.
- Allez, défends-toi !!!

- Allez, défends-toi !!!
Ténébris ouvrit les yeux, mais elle voyait flou et discernait à peine les contours des deux autres silhouettes présentes dans la pièce. Tout lui revint soudainement à l'esprit : Shaco. Sa tête la faisait atrocement souffrir. Incapable d'esquisser le moindre geste, elle resta là, sur le sol froid et dur qui dégageait une écœurante odeur de sang. Son sang.
La prisonnière ignorait totalement qui avait pénétré dans la salle noire ; après tout, cela importait peu.
Pour la première fois depuis tant d'années, Ténébris pria pour rester en vie. Elle était morte trop de fois pour recommencer.

La phrase prononcée par Khyle tournait en boucle dans la tête de la garde. Quelle que fût la façon dont elle essayait de l’interpréter, elle en arrivait à la même conclusion ; « tuer Shaco » ... La jeune fille sortit de ses pensées en entendant à nouveau la voix de Khyle, mais qui, cette fois-ci, s'adressait à Fireball. Le détenu semblait recueillir des informations parmi tout ce qu’il entendait et bien qu'il ait toujours semblé absent, il s'intéressait bien à cette affaire d'assassin courant entre les murs Barek.
Le jeune homme avait goûté le poison et avait fait sa propre expertise... une expertise digne d'un expert ! L'espace d'un instant, Lottie avait oublié que derrière les barreaux, les prisonniers étaient redoutables... au moins deux d'entre eux étaient très informés aux sujet du poison, la seule explication étant que lesdits poisons devaient être leur arme avant qu'ils ne se fassent interner à la prison, même si Khyle niait avoir jamais utilisé ce poison lui-même.
- Qui sait ? Ce mystérieux agresseur ne devrait que chercher à se venger.
Se venger... et de qui, au juste ? songeait la rousse, les yeux à demi clos.
Elle rouvrit ses paupières en entendant le bruit des pas de Laureya s'éloigner. Elle s’inquiétait pour sa jeune collègue qui semblait aller tout droit vers la salle noire dans laquelle Shaco exerçait probablement ses atrocités sur Ténébris... Si elle le troublait, elle le paierait sûrement très cher.
Lottie se releva de sa chaise et se tourna en direction de la cellule dont elle avait la garde.
- Khyle, tu sembles bien informé au sujet du... "Blèkfloeur", lança-t-elle. Tu dois donc savoir si l'antidote est possible à fabriquer à partir du produit lui-même comme l'affirme Lunaya, non ?
Puis elle détailla encore une fois le bras rouge vif de Fireball. Le jeune garçon semblait atrocement souffrir, même lui ne méritait sûrement pas un sort comme celui-ci.
Il y avait beaucoup trop de victimes des flèches empoisonnées pour qu’il puisse s’agir d’une vengeance personnelle ; d’après Lottie, si Shaco était à l’œuvre, le désir de se débarrasser des prisonniers serait une bonne explication… seulement le Bouffon n’avait aucune raison de ne pas les tuer de ses propres mains. Penser que l’un des détenus était responsable s’avoisinait à de la folie, à moins d’avoir un quelconque complice, car captifs derrière leurs barreaux, ils ne pouvaient rien faire. L’hypothèse restante serait celle qu’un garde fût la cause de cette histoire, mais ça semblait improbable également. Fireball avait raison, ils en étaient « au point mort ».

Il était bien rare qu'un garde interroge un prisonnier sur ses expériences en tant qu'assassin. Ou plutôt, dangereux pour ce certain garde. C'est ce que se disait Khyle lorsque Lottie lui avait adressé la parole. La jeune fille parlait d'une voix nette et déterminée, mais le prisonnier faisait attention à cette ombre dans ses yeux chocolat, chose qu'elle cherchait avec soin à occulter. Ces temps étaient sombres, sûrement les jours les plus obscurs de la prison Barek. Khyle pensait d'abord que cette ombre avait pris place dans les yeux de Lottie car elle était, tout comme les autres personnes présentes, inquiète pour le sort de Barek. Ce n'était pas la seule cause. Cette expression était la même que lorsqu'il lui avait confié : « Sais-tu que le pion est souvent désigné comme l'incapable, l'esclave ? Mais une fois qu'il se trouve dans le territoire ennemi, il peut devenir la pièce la plus importante du jeu. Celle qui finira par donner un "échec et mat" à l'adversaire. »
Khyle sourit. La jeune garde allait-elle interpréter cette phrase comme il le désirait ? Si c'était le cas, même si cela allait apporter la justice à Barek, Lottie allait commettre un meurtre. Comme c'était un assassin qui la poussait à le faire, cela signifiait qu'elle se faisait tenter par un démon. Khyle comptait-il vraiment pervertir cette âme emplie de justice ?
Il haussa les épaules. Dépraver une âme pure pour en sauver une autre... C'est un échange comme toute autre. Après tout, la vie comprend toujours des sacrifices.
Par politesse, il prit soin de répondre à la question de la garde :
- J'en sais beaucoup plus sur ce poison que tu ne le penses, puisque mon organisme a déjà été touché par le Blèkfloeur. Je suis un criminel, certes, mais j'ai déjà été victime. Et ce dans tous les sens du terme.
Il s'allongea sur le sol dur comme s'il était toujours affecté par le mal dont il parlait. De nombreuses mèches de sa chevelure lui retombèrent sur le visage, le cachant à moitié. Les yeux jaunes, dirigés vers Lottie, perçaient l'ombre.
-Apparemment, tu sais des choses sur ma famille et à quel point elle était persécutée. Une persécution qui peut arriver jusqu'à l'attentat. Evidemment, un beau jour de printemps, l'armée à voulu nous faire souffrir davantage en attaquant notre manoir. Tous armés de fléchettes à Blèkfloeur. Aucun Royblant n'a vu la mort, mais l'un d'eux l'a frôlé. Moi...
Khyle s'empara de son roi blanc et commença à le faire rouler au sol avec ses doigts.
- Mon frère, Horyal (vous devriez le connaitre, c'est lui qui m'a dénoncé) s'est occupé de moi pendant que le poison me rongeait. J'étais au bord de la mort quand il a enfin découvert le remède. Si je me souviens bien, il récoltait un peu de mon sang pour en prélever le poison. Preuve que notre amie elfe a bien raison : l'élixir est fait à partir du Blèkfloeur lui-même. Sur l'élixir lui-même, Horyal ne m'a rien dit. J'ai deviné qu'il refusait que cela me tombe entre les mains, vu ce que je suis, mais dans son laboratoire, j'ai trouvé un livre ouvert et une phrase soulignée au marqueur rouge « Toute fleur naît au printemps et se fane en hiver ».
Le blond arrêta sa pièce et la logea dans sa paume. Il écarta quelques-unes de ses mèches de cheveux et ajouta :
- Voilà tout ce que j'en sais. Si vous découvrez le sens de cette phrase, les infectés auront peut-être une chance de rester en vie. Dans le cas contraire, ceux qui veulent survivre... Sa voix prit un ton ironique. ... Couvrez-vous de bon draps douillets comme le propose notre amie elfe.

Fireball réfléchissait en entendant les dires de Lunaya et de Khyle.
- Il y a peu de temps, je me suis rendu compte qu'il y avait des souterrains à Barek. Ils seraient négligeables s'ils n'étaient pas aérés par des petites ouvertures à chaque angle. J'ai de bonnes raisons de penser que l'agresseur se déplace dans ces tunnels.
- Effectivement, des souterrains, dit le blondinet. Mais les conduits d'aération, est-ce que tu y as pensé ? Il suffit que le poison, qui, je suppose, est un liquide, soit changé en gaz par je ne sais quel moyen et qu'il soit renvoyé par les conduits d'aération de façon importante et nul doute que ce ne sont pas de vulgaires draps qui nous protégeraient...
Il avait avoué ça à toute la prison, certes de façon funeste, mais si l'agresseur procédait ainsi, une mort lente et douloureuse s'imposerait à toute la prison. A moins que qu'il ne fût coincé à temps.
Plus tard, il se rendit compte que l'agresseur pouvait sûrement les écouter et que ce plan n’était pas mauvais. Il s'adressa donc à Lottie :
- Lottie, si tu veux sauver Darius, prends donc un peu de mon sang. Darius n'est sûrement pas assez atteint pour trouver assez de cette salop**** partout...

- J'avoue que c'est impressionnant, cher Fireball. Lorsque tes lèvres remuent ce sont uniquement des paroles sans aucun sens qui en sortent. Ton sang est inutile à présent. Au stade où tu te trouves, le Blèkfloeur s'est complètement dissout dans tes veines et uniquement un matériel spécial, indisponible en ces lieux, serait capable de le prélever. La meilleure source de poison à notre disposition sont les fléchettes et il me semble que tu en as récolté une bonne réserve, non ? Alors garde ton sang là où il est, veux-tu ? Khyle tourna le dos à son voisin puis souffla silencieusement. Un sot digne de ses trois lettres...
Son regard s'arrêta sur le fou noir qu'il avait récemment sculpté. L'image de cette pièce posée sur la poitrine ensanglantée du cadavre de Shaco lui prit tout de suite l'esprit. Khyle avait déposé un grand nombre de ces pièces obscures sur les corps sans vie de ses proies, notamment un fou noir semblable à celui qu'il avait sculpté. A cause de tout cela, il était à présent derrière les barreaux. Lorsqu'un être humain en tue un autre, ce crime ne fait que faire perdre l'humanité à celui qui a tué et le monstre obtenu doit immédiatement être mis en cage.
Les doigts de Khyle se resserrèrent sur la pièce noire. La première fois où il a ôté la vie... jamais ce moment ne s’effacerait de sa mémoire... Lorsque le cœur de sa victime s'arrêtait de battre, le sien n'était déjà plus celui d'un être humain. Il pensait ressentir de la peine en voyant toute trace de vie s'effacer de son visage, mais tout ce qu'il avait ressenti n'était que hargne mélangée à une joie toute nouvelle. Pas cette joie qu'il ressentait lorsqu'il était en présence de sa famille, loin là. Plutôt une joie sanguinaire et meurtrière, une satisfaction de ce qu'il venait de faire. Faire quoi ? Un homicide ou un suicide ? Les deux en même temps. Khyle Royblant, doux et gentleman, s'était tué en commettant ce crime, laissant le relai à un Khyle assoiffé d'une envie intarissable de meurtre. La prison était devenue la seule façon de contenir le monstre en lequel il s'était changé.
Depuis qu'il était détenu, ce souvenir ne cessait de refaire surface en son esprit. Mais cette fois-ci, au lieu de se voir lui-même, posant une pièce d'échecs sur le corps de sa victime, souriant, il vit Lottie. Lottie, le doux visage déformé par le démon du crime qui prenait possession d'elle. Si elle assassinait Shaco, la garde n'allait plus être la même et Khyle le savait. Peut être même que sa place dans la prison changerait aussi. D'un coté des barreaux à l'autre...
D'une pichenette, Khyle poussa la pièce du fou noir. En roulant, elle dépassa la barrière et s'arrêta au pied de la chaise sur laquelle Lottie s'était assise. Sans attendre la réaction de la jeune femme, le prisonnier se mit à genoux et se colla aux barreaux de sa cellule. Ses lèvres, à quelques millimètres de l'oreille de Lottie, s'ouvrirent en un murmure :
- Crois-tu que l'âme ambulante qu'est l'agresseur et l'âme sadique qu'est Shaco animent deux corps distincts ? Si ce n'est pas le cas, un seul et même coup suffirait à faire disparaître deux des gênes de cette prison.

Le regard de la rousse était perdu dans le vide afin de ne laisser paraître aucune frustration, mais elle analysait chacune des paroles de Khyle. Ce jeune homme… Combien avait-il de facettes ?
Elle n’avait jamais prêté attention aux idées préconçues, qu’elle jugeait mensongères, et par conséquent n'avait pris en compte les rumeurs concernant la famille de Khyle qu'à moitié. Peut-être étaient-ils vraiment victimes dans cette histoire… Tout ce qui sortait de la bouche de Khyle avait un accent de vérité, on eût pu croire qu'il n'avait aucun bénéfice à mentir et lui accorder sa confiance facilement. Un parfait manipulateur, songea Lottie.
La garde continua à écouter silencieusement, sans faire la moindre intervention. L’elfe de la prison avait effectivement vu juste, le poison en lui-même était la source de l’antidote, antidote qui pourrait épargner bien des morts. Mais fallait-il vraiment venir en aide aux condamnés et surtout, était-ce possible ? En supposant que quelqu’un trouve comment élaborer le contrepoison, il faudrait que cela soit fait à temps et…

« Toute fleur naît au printemps et se fane en hiver. »
La jeune fille fixa Khyle, allongé sur la roche dure et glacée de sa cellule. Pour elle, c’était clair, l’esprit malicieux du prisonnier avait forcément percé le message caché dans ces quelques mots.

Fireball la tira hors de ses réflexions. Son hypothèse des gaz aurait pu être intéressante, seulement, si le meurtrier avait pu procéder ainsi il l’aurait probablement fait, à moins qu’il ne voulût préserver la vie d’au moins un des détenus. Dans ce cas il n’y avait pas de souci à se faire.
Son regard passa de Khyle à Fireball. Ils étaient si différents et pourtant, tous les deux du même côté : derrière les barreaux.
- Fireball, lança-elle en laissant flotter son regard sur la pièce d’échecs que manipulait l’autre prisonnier du bout des doigts. L'agresseur aurait déjà mis cette idée à profit si elle l’avantageait, d’après moi. Après tout il est assez astucieux pour avoir blessé plus d’une personne ici sans être démasqué, il y aurait pensé, poursuivit-elle. Pour ce qui est de ton sang… Khyle est bien plus informé que toi et moi réunis, même si je ne le devrai peut-être pas, je prête confiance à ses propos sur ce point… D’ailleurs, pourrais-tu me remettre les fléchettes que tu as récoltées ? acheva-t-elle en tendant la main.
Elle voulait se persuader qu’elle faisait cela pour ne pas laisser d’arme en possession d’un détenu, en réalité en faisant l’acquisition des fléchettes, elle possédait elle-même un moyen de tuer… Pourquoi les propos de Khyle lui trottaient-ils dans la tête sans relâche, pourquoi envisageait-elle… l'irréparable ? Elle ne devait pas s’abaisser au niveau d’un prisonnier, c’était l’ordre qui lui avait toujours dicté sa conduite, pourquoi changer ? Mais n’était-ce pas, après tout, rétablir l’ordre que de mettre hors d’état de nuire un individu comme le Bouffon de Barek ?
Lottie secoua la tête ; comment une simple phrase pouvait-elle lui faire tant d’effet ? Elle suivit le mouvement de la pièce du regard, un fou… couleur ébène.
- Crois-tu que l'âme ambulante qu'est l'agresseur et l'âme sadique qu'est Shaco animent deux corps distincts ? Si ce n'est pas le cas, un seul et même coup suffirait à faire disparaître deux des gênes de cette prison.
Elle sourit. Khyle lisait vraiment dans son esprit. Malgré tout, une nouvelle perspective s’ouvrit à la gardienne : que Shaco s’autodétruise.
- Voilà qui serait amusant, non ? déclara Lottie d’un air narquois.
Elle se baissa et ramassa la pièce d’échecs qui gisait à ses pieds avant de la redresser dans sa paume – la manipulant de façon similaire à celle du jeune Royblant.
- Tu es un être intimidant, Khyle…. susurra-t-elle. Au sujet du remède, tu le sais, n’est ce pas ? Tu sais comment interpréter la phrase que tu as lue dans l’ouvrage de ton frère. Ne me fais pas croire que ç'a pu échapper à ton esprit si perspicace ! Mais tu préfères laisser chacun interpréter les choses de la façon qu’il le veut, proposa-elle en souriant à demi. Ca ne fait que quelques jours que je suis ici et j’ai l’impression que l’atmosphère de la prison m’a déjà changée, pensa-t-elle à haute voix, qu’est-ce que ça risque d’être dans quelques années... en supposant que l’agresseur ne se soit pas débarrassé de tout l’étage, bien sûr, conclut la jeune fille en refermant son poing sur le fou noir.

La tête de Laureya lui tournait, elle avait mal au cœur et elle sentait le vomi remonter tranquillement dans sa gorge. Qu'avait-elle encore fait ? La douleur dans sa tête était intense et sa mémoire lui faisait défaut. Elle dormait, puis quelqu'un l'avait réveillée. Oui, mais qui ? Un tambour sonnait dans sa tête et le plancher froid lui donnait des frissons. Une tentative d'ouvrir ses lourdes paupières lui fit regretter sa misérable existence, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Darius ! C'était lui qui l'avait réveillée pour lui annoncer une mauvaise nouvelle. Mais quoi donc ? Des trous noirs s'imposaient dans son esprit de jeune femme et la faisaient souffrir lorsqu'elle tentait de se rappeler quoi que ce fût. La tête baissée et les yeux fermés, Laureya tenta de nouveau de se souvenir, ignorant sa tête trop lourde. Un prisonnier... Oui, c'était cela ! Un prisonnier avait des ennuis. Son prisonnier ! Bon sang, Malco ! Le poison ! L'assassin ! Shaco... Un frisson parcourut son dos lorsqu'elle retrouva les souvenirs des dernières minutes écoulées. Elle avait voulu demander la permission de Shaco avant de transporter son prisonnier à l'infirmerie et ce qu'elle avait vu n'avait pas plu au Bouffon. Ténébris en train de se faire massacrer... Le pire, c'est qu'au fond d'elle-même, Laureya savait que ça lui avait plu. Elle savait que voir la terrible tueuse de ses parents dans un si mauvais état lui faisait un bien certain. Même que l'espace d'une seconde, avant la baffe, elle avait failli se jeter dans les bras de Shaco. Puis, son côté plus humain avait été horrifié. Et la pauvre garde s'était retrouvée sur le sol, quelques larmes perlant sur ses joues et un mal de tête douloureux. Puis finalement, les mots du fou lui revinrent en tête.
- Allez, défends-toi !!!
Non. Elle ne voulait pas se battre contre le chef des gardes. Et elle ne voulait pas mourir... La simple pensée de se relever pour affronter le regard du Bouffon lui donna un nouveau frisson. Mais si elle ne se battait pas, Laureya savait quel sort il lui réservait. Le même que celui de Ténébris. Ou avec un peu de chance, il ne perdrait pas son temps et l'éliminerait tout de suite. Penser se battre contre Shaco était fou et stupide. S'enfuir de la Salle Noire était tout aussi impossible. Il ne lui restait qu'un choix. La jeune garde inspira lentement, leva mollement sa tête douloureuse et regarda le fou, une expression de supplication sur son visage d'enfant, mais une idée dans la tête.
- Je suis désolée de vous avoir désobéi, maître. Si le châtiment que vous voyez pour moi est la mort, que votre volonté soit faite. Mais, je crois pouvoir vous aider. Je peux vous être utile, maître. Les autres gardes ont confiance en moi, je peux vous obtenir des informations. Je sais déjà qu'ils ont la nette intention de se débarrasser de vous. Je peux vous aider, mon puissant maître. Laissez-moi une chance. Je vous en supplie. Je ferai tout ce que vous voudrez. Je serai fidèle. Si je vous déplais, je donnerai ma vie pour satisfaire votre volonté. Je ne suis pas stupide, je sais que vous êtes le plus fort. Je souhaite être à vos côtés pour vous servir. Laissez-moi vous prouver à quel point je vous serai fidèle, grand maître...
Laureya regrettait déjà ses paroles. Mais elle n'avait plus le choix. Darius allait la détester. Et Lottie aussi. Et probablement le reste des personnes de Barek. Mais sa vie en valait la peine, non ? Le cœur serré et la tête baissée, elle attendait le dernier jugement de Shaco. Un poids lourd traînait dans son cœur et elle revoyait encore Déawan lui dire :« Ma petite, il vaut mieux mourir que de s'allier aux forces du mal. Ne fais jamais rien contre tes valeurs... »
Ses longs cheveux blonds cachaient son visage et la jeune femme tremblante s'accorda quelques larmes. Peut-être les dernières de sa vie, ou bien peut-être les premières d'une très longue série...

Ténébris fut définitivement ramenée à la réalité lorsqu'elle entendit Laureya promettre d'être désormais entièrement soumise à Shaco, qu'elle appelait « maître ». La prisonnière avait l'esprit encore bien embrouillé, si bien qu'elle était incapable de déceler dans la voix de Laureya la moindre trace de peur ou de mensonge... ou même de regret. Ténébris lui adressa un regard à la fois furieux et étonné, faisant les gros yeux dans l'espoir de faire changer la garde d'avis, ce qui ne sembla pas vraiment fonctionner.
Ténébris ignorait si Shaco allait accepter cette offre ; il savait pertinemment que de nombreuses personnes voulaient sa mort, alors pourquoi autoriserait-il Laureya à se joindre à lui ? D'autant plus que son ego surdimensionné n'allait pas obligatoirement apprécier qu'une femme lui proposât si ouvertement son aide... non, ses services ! Surtout si la prisonnière assistait à leurs échanges.
Mais qu'exigerait-elle en retour ? Ténébris se le demandait bien. Si Laureya aidait Shaco à contrecœur, ce n'était sûrement pas pour bien se faire voir ; l'enjeu devait être bien plus important : l'on ne devenait pas l'allié de Shaco sans raison, Ténébris était bien placée pour le savoir.
Mais à l'époque où la prisonnière combattait aux côtés du Bouffon, elle était libre, puissante, bercée par les illusions inculquées par son père. Laureya était sans doute plus faible qu'elle autrefois. Oui, l'enjeu devait être immense pour prendre une telle décision.
Plus Ténébris songeait à cette nouvelle alliance qui allait peut-être se former sous ses yeux, moins elle se disait que Laureya rejoindrait Shaco par pure idéologie. La garde avait malgré tout un sens de la morale ; les épisodes à Barek l'avaient prouvé. Mais le Bouffon était vide de tout sentiment empathique : il suffisait de voir son sourire inhumain pour en avoir la preuve.
La prisonnière était là, comme tenant la chandelle, sans avoir l'énergie d'éteindre la bougie et de fuir.
Fuir.
Elle n'avait qu'une envie : se libérer du joug de Shaco pour pouvoir définitivement franchir les portes de la prison et ne plus avoir à y retourner. Mais l'assassin rôdait toujours et Ténébris n'était de loin pas à l'abri d'une fléchette empoisonnée.
Quoique...
A la réflexion, Ténébris semblait être la seule à n'avoir pas frôlé la mort. Pratiquement tous ses codétenus y étaient passés. Elle n'était pas particulièrement plus à l'abri qu'eux, et pourtant elle n'avait pas été agressée...
Elle resta là, songeuse, ignorant totalement le dialogue entre Laureya et Shaco.
L'assassin avait eu des dizaines d'opportunités de la tuer. Mais il ne semblait pas avoir envie d'ôter la vie à Ténébris. Pourquoi ? La prisonnière n'en avait absolument aucune idée. Un allié inconnu mais puissant pouvait être encore plus effrayant que de connaître l'identité de son ennemi.

Déçue, Lunaya était retournée dans son coin. Elle y avait écouté les propos des uns et des autres.
Oui, songea-t-elle, Fireball a raison : rien ne pourrait nous protéger si le poison était introduit sous forme de gaz...
La phrase du frère de Khyle retint définitivement son attention. Lunaya s'approcha du mur et ouvrit le compartiment secret. Elle se saisit de son coffret et referma la cachette, priant pour que les gardes ne s'en rendent pas compte.
Farfouillant dans son coffret, l'elfe dénicha finalement ce qu'elle cherchait : une pierre plate et blanche, ainsi qu'un morceau de charbon. Elle utilisa le charbon comme un crayon et écrivit lentement : « Toute fleur naît au printemps et se fane en hiver. »
Lunaya se mit à penser tout haut:
- Hum... Cette phrase est logique, bien sûr... mais elle ne s'applique pas à la Blèkfloeur !!! Cette fleur est particulière : elle naît en hiver et se fane au printemps ! Du moins, l'espèce elfique...
Elle s'accorda un instant de réflexion avant de se décider à parler à Khyle. Ce prisonnier l'intimidait, même si elle ne l'avouerait pour rien au monde.
- Eh, Khyle ! C'est peut-être une question légèrement indiscrète mais.... Saurais-tu exactement comment ton frère t'a guéri du poison ?

Comme s'il était sourd aux mots de Lottie, Khyle conserva sa position : à genoux, le corps et le visage contre les froids barreaux de sa cellule, c'est-à-dire le plus proche d'elle possible.
- Voilà qui serait amusant, non ?
Le détenu laissa échapper une discrète exclamation de surprise. En entendant la voix de la garde, il eût préféré être réellement sourd. Sa voix avait pris un timbre narquois et mystérieux s'apparentant presque à son propre ton. Pour couronner le tout, après s'être emparée de la pièce, la jeune femme s'était mise à la manipuler tout comme lui lorsqu'il méditait sur ses crimes. Lorsqu'il proposait à Lottie de tuer Shaco, il espérait voir la peur et l'incertitude se succéder pendant longtemps sur son charmant visage, preuve qu'elle était encore quelqu'un de pur, quelqu'un que le crime effrayait encore. Mais ces expressions avaient fait place à celle qu'il regardait à présent. Maintenant, tuer était « Amusant » pour elle.
Dans les propos qui suivirent, Lottie prétendait que le prisonnier connaissait la réponse à la phrase dans le livre et faisait l'éloge de son esprit acéré. Ceux-ci lui firent retrouver le sourire... Sourire qui s'évanouit aussitôt :
- Ca ne fait que quelques jours que je suis ici et j’ai l’impression que l’atmosphère de la prison m'a déjà changée, qu’est-ce que ça risque d’être dans quelques années...
Khyle s'éloigna enfin de Lottie. Cette phrase était la confirmation de ses pensées : il avait réussi à la pervertir. Dans l'échiquier que son esprit avait construit, il avait réussi à effectuer un nouveau mouvement contre l'ennemi.
Le pion avance d'une case... vers le fou noir.
Mais quel était ce remord qu'il ressentait tout au fond de lui ? Lui qui ne voyait aucun inconvénient dans la phrase « Sacrifier l'âme pure de Lottie pour sauver la vie de Ténébris ».
Lunaya le sortit de ses pensées. Le regard perçant du détenu quitta Lottie et se posa sur l'elfe. Elle aussi pensait qu'il avait les réponses à leurs questions. Il décela sur le visage et dans la voix de la prisonnière qu'elle eût préféré ne pas lui poser cette dite question. Khyle eut un petit sourire amusé : s'il était capable d'intimider d'autres criminels, il devrait vraiment faire peur.
- Vous prétendez tous que mon esprit est acéré comme une lame. Une lame capable de se plonger dans toutes sortes d'énigmes. Khyle ricana. Je ne souhaite pas me montrer modeste en disant que c'est faux, mais cette lame acérée qui me sert d'esprit se plonge uniquement dans ce qui a de l'importance à ce qui se trouve devant : mes yeux. Jeune elfe, tu me demandes si je connais la recette de l'antidote ? Je l'ai dit tout à l'heure, j'étais trop aveuglé par la douleur qui me rongeait pour me rappeler quoi que ce soit. Je sais uniquement que Horyal s'est servi de mon sang pour récolter le poison et de cette phrase qui semble bien te marteler l'esprit.
Il parla ensuite à l'intention de l'elfe et également de Lottie.
- Mes yeux n'ont vu aucun intérêt à trouver l'antidote, je m'y suis donc tout de suite désintéressé. Il ajouta en esquissant un sourire énigmatique: Mais même si j'avais la réponse à cette phrase, qu'est-ce qui vous fait croire que je vous ferai part de mes connaissances ?
Encore plus énigmatique fut le regard qu'il posa sur Lunaya :
- Tu me sembles très disposée à sauver les autres, très ironique pour une criminelle qui a passé sa vie à tuer. Mais c'est connu : la volonté sert à beaucoup de choses. Peut-être bien qu'elle t'aidera dans ton but.
A ces mots, Khyle retourna dans le fond de sa cellule et s'empara à nouveau de son roi blanc. Décidément, il ne ressemblait pas du tout à Lunaya. Même s'il essayait, il ne parvenait à ressentir aucune compassion pour ceux qui avaient été empoisonnés. Il s'en réjouit en quelque sorte : son esprit criminel ne l'avait pas entièrement quitté. Surtout que pour lui, ces victimes étaient déjà condamnées à mourir. Quelques pièces blanches finiront mangées par les noires.
Il se réjouit surtout de la compassion dont il était victime. Il ne supportait le combat de ces deux forces, en lui : Khyle le démon du crime contre Khyle Royblant, affectueux et sensible au malheur des autres. D'abord Ténébris, maintenant Lottie. Toutes deux avaient fait renaître la pitié qui s'était fossilisée en lui. Lottie...Elle qui avait été pervertie par le crime, pervertie par lui-même...
Khyle leva son visage vers le plafond et appuya son crâne sur le mur. Il resta là. Les yeux rivés vers le haut, dans le vague. Les doigts manipulant doucement le roi blanc.
Le démon que je suis devenu ne cesse d'empirer... D'abord, il tue, maintenant il convainc les autres à tuer... Est-ce que cette autre force que je sens croître gagnera la partie contre lui ?

- Tu me sembles très disposée à sauver les autres, très ironique pour une criminelle qui a passé sa vie à tuer. Mais c'est connu : la volonté sert à beaucoup de choses. Peut-être bien qu'elle t'aidera dans ton but.
D'abord, Lunaya fut totalement estomaquée par cette réponse. Khyle était-il en train d'insinuer que son esprit criminel l'avait quittée, elle ? Si c'était le cas, elle allait le détromper... et tout de suite. Elle éclata d'un rire glacial, qui n'avait pas retenti depuis son dernier meurtre. Enfouie tout au fond d'elle, Kara la Sanglante ricana et lui susurra, comme à chaque fois qu'elle allait commettre un meurtre :
Oui... C'est bien, ma chérie... Montrons-leur de quoi nous sommes capables quand on nous chauffe...
Le rire dément de l'elfe s'intensifia, ses prunelles virèrent au rouge sang et elle sembla devenir subitement irrésistible sous l'influence de Kara, qui l'encourageait de plus belle. Lorsqu'elle parla, ce fut une voix grave et enjôleuse, cruelle mais douce, telle la caresse d'une lame tranchante :
- Que crois-tu ? Je ne « sauve » les autres que pour me sauver aussi ! Je suis encore une criminelle, mais une criminelle qui se sert de sa tête et ne fait rien d'interdit pour être sûre de sortir de ce trou à rat puant.
Lunaya fit une pause, puis enchaîna, sans laisser à personne le temps de se reprendre :
- Comme tu le vois, même dans mes coups de colère je ne fais rien d'interdit ! J'ai le droit de me mettre en colère ! Ha ha ha ! Et dire qu'avant je considérais les « Rois blancs » comme des gens intelligents ! Si tel est vraiment le cas, alors tu es sans aucun doute la honte de ta famille, le raté, l'incapable ! Ta seule force réside dans la ruse ! Et encore ! Une ruse grossière et stupide !!!
Lunaya apprécia ce moment de toute-puissance, elle le savoura même plus encore car elle savait que, depuis son arrivée, personne ne l'avait pas vue comme cela, dans cet état, Kara étant son joker. Les nouveaux gardes avaient lu le dossier la concernant, et elle savait qu'il y était écrit « Prisonnière calme, réservée, ne pose aucun souci ». A présent, c'était terminé. Plus de masque. Et ils allaient voir si elle n'allait pas leur en poser, des soucis !

Le Bouffon fut surpris de ce que venait de lui dire la jeune gardienne, c'était vraiment très étrange... Shaco était presque sûr qu'elle lui préparait un mauvais coup. L'homme regarda alors Laureya d'un air désapprobateur avant de lui mettre rapidement la main sur le front.
- Toi, jeune âme innocente, deviens mon pantin afin d'offrir à toutes ces âmes égarées leur place dans le spectacle macabre... Maintenant, marche et prends leur vie...
Quand Shaco retira délicatement sa main du front de la jeune gardienne un mot écrit en ancien alysien apparut, celui-ci était « Pantin »... Le visage de Laureya était aussi neutre qu'une feuille de papier blanc, ses yeux devinrent aussi vides que ceux des cadavres. Le Bouffon avait transformé la jeune fille en esclave immortel.
- La seule chose qui pourra te réveiller, jeune fille, c'est ma mort ou... Un sourire apparut sur le visage de l'homme. ... ton instinct de survie !!!
Par la suite l'homme sortit de la salle noire avec son pantin afin de massacrer toutes les personnes de l'étage...
- Que le spectacle commence...

- Désolé,mais je crains de ne plus être en possession de ces fléchettes depuis bien longtemps, c'est ta chère collègue qui les a prises. En parlant de ça... qu'est ce qu'ils font là-bas ?
Fireball alla ensuite s'allonger au sol, dans une traînée de sang ardent signifiant que l'infection de son bras gauche était achevée. Il se mit à penser lorsque Lunaya éclata d'un rire assourdissant. Il ne put s’empêcher de soupirer et de pouffer devant les propos tenus par l'elfe.
- Comme tu le vois, même dans mes coups de colère je ne fais rien d'interdit ! J'ai le droit de me mettre en colère ! Ha ha ha ! Et dire qu'avant je considérais les « Rois blancs » comme des gens intelligents ! Si tel est vraiment le cas, alors tu es sans aucun doute la honte de ta famille, le raté, l'incapable ! Ta seule force réside dans la ruse ! Et encore ! Une ruse grossière et stupide !!!
C'est bon,elle a enfin pété son câble ? J'espère au moins qu'on ne l'entendra plus... Il s'allongea sur ce qui lui servait de couchette et inspecta comme à son habitude les autres cellules. Il observa surtout sa garde, Lottie.
Celle qui tombait de plus en plus dans le jeu de Khyle, jusqu’à lui être dévouée corps et âme.
Celle qui, bien qu'arrivée récemment, était déjà de plus en plus troublée par l'aura maléfique et l'ambiance malsaine de la pire prison d'Alysia.
Il fut interrompu dans ses pensées par le retour de Laureya et Shaco ! Où donc était cette chère Ténébris ? Exceptés ces deux là, nul ne le savait...