Darius avait écouté tout ce que lui avaient dit les quatre femmes, mais ce qui l'avait accroché quand elles avaient parlé avait été un nom. Lottie. Peut-être sa collègue le savait-elle déjà, mais lui l'ignorait. Un peu ennuyé de constater que la plupart des gens de l'étage semblaient continuer à le prendre pour le chef de l'étage alors que c'était faux, il s'efforça de répondre du mieux qu'il le pouvait. Le garde commença par faire face à Ténébris.
- Très bien. Si tu le souhaites, nous éviterons ce sujet pour le moment. Mais si tu souhaites en parler sans commencer à m'insulter, je suis toujours disponible.
Il regarda ensuite Laureya et sa prisonnière pour répondre à ce qu'elles avaient demandé.
- J'imagine, mesdames, que vous avez toutes les deux compris que je réponds à ce que vous avez demandé. Lunaya, il est interdit de livrer des informations importantes à une prisonnière. Je n'ai rien contre le fait que Ténébris te les communique à vive voix, je pourrai les apprendre en même temps et je ne suis pas ton garde. Et Laureya, ton idée aurait pu être bonne, mais ma prisonnière ne souhaite plus nous parler, et je ne suis pas très bon en torture. La plus efficace que je connaisse est de faire chauffer des lames jusqu'à en rendre le métal blanc, et puis de les enfoncer dans les yeux de la victime, mais le cri de douleur poussé attirerait Shaco.
Il se retourna ensuite vers Lottie. Son apparence physique l'avait accroché au début, mais avec ce nom, il avait de bonnes chances qu'elle fût qui il croyait.
- Jeune fille, auriez-vous par hasard un frère dans l'armée ?

Malco regardait silencieusement Lottie. La garde tremblait et suait à grosses gouttes, elle n'avait pourtant pas bougé de sa place. Quand Shaco avait enfin arrêté de tourmenter la rouquine, celle-ci se leva tout de suite et détacha Malco en lui enlevant les menottes. Enfin il pouvait de nouveau bouger les mains ! Après quoi, il s'en alla au fond de sa cellule et s'asseyant aussitôt sur le sol poussiéreux. Malco scruta sa cellule avec dédain. C'était une petite pièce sombre, poussiéreuse et qui dégageait une odeur assez désagréable. Heureusement que l'on s'habituait à l'odeur rapidement. C'était donc dans cette « cage » qu'il devrait purger sa peine de 40 ans. L'idée de vivre dans ce trou à rat ne l'enchantait pas, il devait s'échapper de Barek le plus vite possible. Malco fut arraché de ses pensées lorsqu’un des gardes s'adressa à Shaco :
- Shaco, vous savez sans doute qu'avant votre arrivée, j'étais en quelque sorte responsable de l'étage. Aussi, je vous propose quelque chose. J'imagine que vous n'êtes pas habitué à ce que l'on vous résiste, et pourtant je l'ai fait avant de connaître votre pouvoir. Aussi, peut-être voudriez-vous essayer de me dompter. Je vous propose donc de me tenir responsable de toutes les fautes commises par ces jeunes femmes et de me punir à leur place. Seulement elles, pas les prisonniers. Etes-vous intéressé ?
Malco ne trouvait pas ça courageux, mais stupide. Shaco n'accepterait jamais un tel marché et même s'il y adhérait, le garde ne pourrait pas supporter éternellement de tels supplices. Malco ne daigna même pas d'écouter la réponse. Soudain une jeune garde s'adressa à son tour à Shaco :
- Serai-je en charge du nouveau prisonnier ?
- Selon le plan, ma petite, c'est bien toi qui t'en occupes !!! Super, nan ?! Attention, ne le laisse pas faire quoi que ce soit, sinon...
Shaco avait rajouté quelque chose, mais Malco n'avait pas besoin d'en entendre d'avantage. Maclo esquissa un sourire : sa garde était une jeune fille dans la vingtaine, une novice. Elle n'avait sûrement aucune expérience, la chance était de son côté ! Malco posa ensuite son regard sur le coin le plus sombre de la cellule et remarqua quelqu'un. Il faisait trop sombre pour bien distinguer cette personne, mais il avait put néanmoins remarquer ses oreilles d'elfe. Il partageait sa cellule avec un autre prisonnier. Malco était méfiant et se tenait sur ses gardes. Il pouvait peut-être s'agir du prisonnier qui avait tué cette « Lil' ». Malco fixa le prisonnier pendant de longues minutes quand soudain celui-ci se leva. Ce n'était pas un prisonnier, mais une prisonnière. Elle s'approcha des barreaux de la cellule et lança :
- Ténébris... Tu connais Shaco, n'est-ce pas ? Si c'est le cas, je pense très sincèrement que tu devrais en parler aux gardes, voire même aux prisonniers. Darius, j'ai moi aussi des informations concernant Shaco. Enfin... Pas sur Shaco lui-même, mais sur ses méthodes de torture mentale. Et puis... j'aimerais assister à l'interrogatoire. Serait-ce possible ?
Ténébris ? La fille du Sorcier Noir était à Barek ? Elle était en plus à cet étage ? Malco était vraiment surpris. Il n'avait pas compris ce que sa colocataire avait dit, mais il était soulagé de savoir qu'elle n'était pas dangereuse : après tout, elle souhaiter aider les gardes et n'aurait pas pu assassiner « Lil' » ! Malco se recroquevilla sur lui-même pour se tenir au chaud et sombra dans un profond sommeil, il ne voulait pas en entendre d'avantage ce soir-là.

Ténébris avait encore ouvert la bouche, et avait cette fois clairement sous-entendu qu'elle ne parlerait pas de Shaco ni de qui que ce fût aux gardes. Lottie soupira ; on ne pouvait décidément pas faire confiance aux prisonniers. Soudain, sa collègue restée silencieuse depuis un petit moment eut un brusque accès de zèle. Elle leur exposa rapidement le début d'un plan. Lottie était d'accord sur au moins un point : il ne fallait pas se laisser manipuler par un prisonnier, quel qu'il fût. Elle opina et écouta ce que la garde avait encore à dire. Darius répondit immédiatement à la blonde. Et il avait raison, lui aussi... Ténébris ne dirait mot. Il ne serait pas aisé d'obtenir des renseignements sur leur nouveau chef pour l'instant. Il valait mieux attendre. Lottie finit de noter ce qu'elle avait appris puis alla directement se rendre au bureau de Shaco, mais Darius se retourna vers elle :
- Jeune fille, auriez-vous par hasard un frère dans l'armée ?
La rousse toussota. C'était la deuxième fois de la journée qu'on évoquait son frère, même si la première n'avait été qu'un bref flash. Elle pivota et se gratta le haut du crâne, puis elle répondit à son collègue gardien :
- Oui j'ai bien un frère, et il est effectivement entré dans l'armée quand j'étais plus jeune. Je ne sais même pas ce qu'il est devenu, d'ailleurs... Comment avez-vous été mis au courant ? Ca faisait partie des renseignements que vous avez obtenus avant que je n'intègre la prison en tant que garde, ou vous... ?
Elle n'acheva pas sa phrase. D'après elle, seul son prénom, nom de famille et C.V. a avaient été communiqués à la prison. Si Darius connaissait l'existence de son frère, c'est qu'il avait dû le rencontrer lors d'une quelconque occasion. Puis elle se frappa le front.
- Désolée Darius, s'exclama-t-elle brusquement. J'avais oublié Shaco. Je vais lui rapporter ce que j'ai à lui donner et nous pourrons en parler.
Lottie s’éclipsa rapidement. Oui, elle avait oublié un petit moment Shaco et la fichue besogne qu'il lui avait refilée. Elle se dirigea rapidement vers le bureau que le Bouffon avait élu domicile. La porte était légèrement entrouverte. Elle toqua et la poussa simplement. Le bureau était plutôt somptueux pour un simple bureau de garde. Un large secrétaire d’ébène était dressé en son centre. Lottie ferma la porte derrière elle pour garder ses paroles des oreilles indiscrètes. La gardienne ne s’attarda pas. Elle esquissa un semblant de révérence et se racla la gorge.
- Je me suis occupée de la tâche que vous m’avez confiée, et je ferai de mon mieux pour qu’un incident tel que celui de tout à l’heure ne se reproduise pas de sitôt, commença-t-elle. Enfin, bref : pour ce qui est des prisonniers et gardes de l'étage, nous avons tout d’abord Ténébris, la fille du Sorcier Noir. Elle a enfin été attrapée et cela n'fait pas vraiment longtemps qu’elle est emprisonnée à Barek. C’est Darius qui se charge de la surveiller. Ensuite, la seconde cellule accueille Lunaya, une jeune elfe, et Malco, le prisonnier présent lors de notre arrivée. C’est la jeune fille blonde, Laureya, qui se charge de les surveiller. Pour ce qui est de la dernière cellule, j’en suis en charge, elle contient deux jeunes hommes du nom de Fireball et... (Lottie n’avait pas eut le temps de réfléchir au fait que c’était elle qui allait s’occuper de l’autre prisonnier.) ... et Khyle. Ensuite, les armes présentes dans la prison sont bien évidemment vos dagues, le marteau de Darius, ainsi que les deux dagues de Laureya. Je possède moi-même une lance de garde standard laissée à l’entrée. Pour conclure, la prisonnière morte à notre arrivée est la victime d’un mystérieux assassin. On ne sait rien au sujet de son identité, je ne suis pas plus avancée que vous.
Elle reprit son souffle, la garde avait enchaîné rapidement et elle ne s’était pas rendue compte que sa respiration avait presque été stoppée. Elle avait l’impression que ce phénomène se produisait lorsqu’elle était en face du Bouffon des ténèbres ; restait à savoir si cela était uniquement dû à la peur que lui inspirait le personnage... ou pas. Elle attendit une réponse et arracha la petite feuille du bloc-notes glissé dans sa poche pour la rendre à Shaco.

Alors que Lottie partait dans le bureau du nouveau chef, Laureya choisit ce moment pour poser quelques questions a Darius. Se tournant vers lui tout en évitant son regard, qu'elle trouvait trop sévère, elle demanda :
- De quoi Shaco parlait-il tout à l'heure ? Au sujet de votre... affrontement verbal. Et aussi, tu sembles connaître Lottie, à ce que je vois ? Et pour terminer, t'aurais pas une idée de pourquoi elle dévisage Khyle depuis tout a l'heure ?
Alors qu'elle enchaînait ses questions, Laureya se rappela quelque chose d'autre dont elle voulait lui parler.
- Un dernier truc. T'es idiot d'avoir proposé une telle offre à Shaco ! Je suis, et Lottie aussi, j'en suis sûre, amplement capable de recevoir des châtiments. J'imagine que ça partait d'une bonne intention, mais pas trop stratégique ! Tu as vu, comme moi, qu'il est bizarre, ce nouveau chef de garde... T'aurais jamais dû lui proposer une telle opportunité de te faire souffrir ! En plus, il a réussi a te déjouer ! Je vais faire attention à ce que tu ne subisses pas mes erreurs, mais ouvre les yeux, on est dans une prison. Même si nous en sommes gardes, cela ne change rien. Tu dois mettre de coté tes manières de gentleman... sinon tu vas finir par y passer.
Pour la première fois depuis le début de son sermon, la jeune blonde leva les yeux, croisant son regard l'espace d'une seconde. Elle l'évita rapidement, se souvenant de la nuit qu'elle avait passée a pleurer. La jeune garde croisa les bras et attendit sa réponse.

L'homme n'avait pas vraiment écouté les paroles de la jeune garde qui s'était déplacée pour lui. Il était occupé par d'autres pensées... Il sentait que cette saleté de Ténébris manigançait quelque chose et il devait savoir quoi. C'est pourquoi il donna un certain ordre à Lottie, qui n'avait pas intérêt à désobéir si elle et Darius ne voulaient pas grandement souffrir :
- Lottie, je sais qu'il se trame quelque chose derrière mon dos... Et je dois savoir ce que c'est.. dit l'homme d'un ton froid, ce qui était contraire à son habitude. Il reprit après un long moment de silence. Emmène Ténébris dans la salle noire... Je veux savoir ce qu'elle manigance. Si tu ne le fais pas, tu risques de le payer très cher. Ah, j'oubliais : tu n’as pas intérêt à prévenir qui que ce soit... Il pourrait ce passer des choses déplaisantes, ici...
Quand l'homme finit de donner ses ordres, une sensation déplaisante se faisait sentir dans toute la prison. Le sourire habituel du Bouffon avait disparu pour une raison pour l'instant inconnue. Shaco reprit tout en dévisageant Lottie :
- Vous n'avez pas intérêt à vous dressez contre moi ; vous ne savez pas de quoi je suis capable et surtout, vous ne savez pas qui je suis... A ta place, ma petite, je réfléchirais bien avant de choisir mon camp.
L'homme s'approcha de Lottie et prononça quelques mots absolument insensés avant de sortir de la salle :
- Je les tuerai tous, je te le promets, Lottie...
Quand Shaco passa la porte, un vide se fit sentir.

Fireball cherchait toujours une raison a toute ces agressions. Il faut dire que la mort de Liliana l'avait profondément marqué. Il cherchait un détail en particulier ! Mais d'où l'agresseur pouvait-il bien tirer ces fléchettes ? Il chercha et regarda dans l'ancienne cellule de Liliana, quand un détail attira son attention : un léger trou sur l'angle de la cellule, pareil pour le coin de Lunaya.
Il ne put s'empêcher d'inspecter les autres cellules, qui étaient elles aussi marquées par les mêmes types de trou. Il alla observer le trou de sa propre cellule.
- Hmm... Assez grand pour faire passer un petit objet !
Nul doute est possible, l'agresseur se servait de ces trous... du moins la plupart du temps. Etonné, il interpella Laureya :
- Laureya ! Est-ce que c'est normal ces t....
Fireball ne put finir sa phrase. Il sentit un léger picotement puis ne put s'empêcher d'être à terre.
La chaleur ardente de la fléchette le faisait brûler de l'intérieur.
Et là, un étrange phénomène se produisit.
Miracle ?
Fireball était désormais debout, la tête vers le bas et dégageant une odeur de brûlé. Sur le coup, il ne put s'empêcher de frapper le mur avec une puissance inhabituelle.
Il murmura alors :
- Désolé, mais tu m'as l'air d'avoir échoué !
Il s'effondra.

« Shaco »...
... « Informations »...
Ces deux seuls mots permirent à Khyle de comprendre le pourquoi de cette réunion de gardes devant la cellule de Ténébris. La fille de Darkhell aurait-elle connu ce Bouffon égoïste par le passé ? En tant qu'ennemi, connaissance ou allié ? Dans le dernier cas, Shaco serait lui-même un criminel assoiffé de sang s'il avait participé aux massacres qu'avait commis la jeune femme. Dans ce cas, il s'était trompé en choisissant son côté des barreaux.
Curieux d'en savoir plus, Khyle s'approcha de façon discrète des barreaux de sa cellule et tendit l'oreille. Extirper une information de Ténébris avait l'air plus difficile que jamais ; un coup de poing dans le visage était-il nécessaire pour y parvenir ? Non. Et c'était la deuxième fois qu'il reprochait ceci à quelqu'un. Mais il ne doutait pas que Ténébris allait refuser de parler. Si elle ressemblait à cette personne profondément nichée dans le cœur du jeune homme, la faire parler serait beaucoup plus difficile que ces gardes ne le pensaient.
Donc, essayer d'écouter ses propos était complètement inutile. Khyle tapota les barreaux avec sa pièce d'échec qui, curieusement, produisaient chacun des sons différents. Il sourit. Ténébris pouvait garder en secret ses informations, mais Khyle arriverait un jour à les lui faire partager... à sa façon. Pourquoi s’intéressait-il à ces renseignements ? Car il s'était fait un ennemi. Quoi de mieux pour battre un ennemi que de bien le connaître, et surtout, connaître son point faible ? Ténébris connaissait-elle assez ce Bouffon égoïste pour lui faire part de ses points faibles ? Là était la question. Dès qu'il aurait sa réponse, il pourrait passer à l'action.
- Hmm... Assez grand pour faire passer un petit objet !
La voix de Fireball laissa Khyle indifférent : il devait sûrement commenter la disposition des barreaux. Et ce ne fut pas la phrase interrompue par un gémissement de douleur qui le fit bouger de sa place ; il était habitué aux fréquents évanouissement de son camarade. Mais ses instincts lui murmurèrent de se retourner et ils eurent raison : une fléchette s'était plantée dans le cou de son voisin qui s'écroulait au sol. Un nouveau coup de cet agresseur ? Probablement.
Khyle allait se baisser pour cueillir l'arme du crime lorsqu'un léger sifflement se fit entendre près du mur. D'un geste rapide, le jeune prisonnier leva sa pièce d'échec et une fléchette, semblable à celle qu'il allait saisir, vint s'y planter. De ses yeux experts, il analysa le projectile. D'après sa disposition, il était destiné à se loger dans sa nuque et avait commencé sa trajectoire... depuis le mur. Les paroles de Fireball eurent alors un sens nouveau. Il était allongé devant le mur d'où venait la fléchette et il y avait effectivement un trou qui permettait le passage du projectile.
Quel indiscret ! Attaquer une proie quand elle est en état d'alerte ? pensa-t-il en ricanant. Une chose de sûre : tu n'es pas d'ici.
Le prisonnier retira la fléchette de la pièce d'échec et inséra cette dernière dans le trou. Puis il attendit tranquillement que les gardes, alertés par Fireball, les rejoignent.

Darius n'avais pas obtenu grand chose de Lottie, mais au moins il savait qu'il avait eu raison sur qui elle était. Il espérait avoir l'occasion de le lui annoncer, mais en attendant, Laureya était venue le voir pour lui parler. Le début de ce qu'elle lui dit avait du sens, mais quand elle lui reprocha la proposition qu'il avait faite à Shaco, il dut se retenir pour ne pas pouffer de rire, autant parce qu'il était en train de se faire sermonner par une fille qui n'avait pas beaucoup plus de la moitié de son âge, mais aussi parce qu'elle n'avait visiblement rien compris à la politique. Il réussit à reprendre son sérieux un moment et lui répondit avant qu'elle ne se fâche pour de bon :
- Alors je vais t'expliquer ce que tu veux savoir. Au premier instant, Shaco ne m'a pas fait une bonne première impression. Il m'a demandé de l'amener à Erza, sinon il me blesserait. Dès cet instant, le jeu était lancé entre lui et moi. La politique, même sur une si petite échelle, n'est pas tant une question de puissance que d'attitude et d'impression de puissance. Je lui ai donc répondu sur le même ton avant de l'amener à notre ancienne chef. Ensuite, concernant ma proposition : s'il l'acceptait, alors c'était tant mieux, mais avec l'attitude que j'avais, j'étais presque certain que Shaco trouverait le moyen de me faire endosser la responsabilité de la moitié de vos erreurs, si peu nombreuses soient-elles. Ce sont les raisons de mes actes. Si tu n'es pas d'accord, alors tant pis, mais ce sont mes décisions. Ah, j'oubliais presque : j'ignore pourquoi Lottie réagit comme ça avec Khyle. Je ne savais même pas son nom avant qu'elle n'arrive. Mais qui sait, j'ai cru comprendre qu'il était un bel homme, peut-être est-ce pour cette raison. Ce serait surprenant, mais ça c'est déjà vu. Une dernière chose, tu peux interroger ta prisonnière si tu le souhaites, elle dit savoir comment s'y prend Shaco pour torturer les gens.
Darius n'avait pas pris la peine de baisser le ton, sauf pour la dernière phrase. Les renseignements qu'il avait donnés à Laureya pourraient peut-être aider les prisonniers. Il n'eut pas le temps de se réinstaller sur sa chaise que Fireball commença à se comporter bizarrement. Quand il commença à frapper le mur, le garde réagit. Il se dirigea dans le même couloir que Lottie pour la prévenir que l'un de ses prisonniers avait visiblement été agressé. En chemin, il croisa Shaco. Il lui fit un salut impeccable, un sourire ironique sur ses lèvres.
Un peu plus loin dans le couloir, il ressentit une douleur dans la nuque. Pris d'un mauvais pressentiment, il se dépêcha d'inspecter sa nuque, et en sortit rapidement la fléchette qui y était enfoncée. Durant cette opération, une chaleur s'était répandue dans son corps. Pas une chaleur bienfaisante, mais pas trop douloureuse non plus. Il eut le temps de faire encore trois pas dans le couloir avant de s'écrouler sur le sol. Retirer la fléchette rapidement avait peut-être empêché la plus grande partie du poison d'entrer dans son organisme, mais il en subissait quand même les effets. Le garde ne s'était pas attendu à être une cible, mais c'était logique. Hormis Shaco, il semblait être celui avec le plus d'autorité dans la prison, et l'agresseur pouvait très bien commencer à attaquer des gardes au lieu des prisonniers. Avant de s'évanouir, Darius poussa le cri de détresse qu’il avait appris dans l'armée qui servait à signaler si nous étions blessés ou si nous avions besoin d'aide, voire les deux. Finalement, il s'écroula sur le sol, perdant connaissance.

Ténébris écarquilla les yeux. Elle ne put croire ce qu'elle voyait. Un à un, les différentes personnes autour d'elles s'écroulaient. Il y avait eu Erza, il y avait eu Liliana. Puis elle avait aperçu Fireball qui agissait étrangement. Il avait dit soudainement :
- Laureya ! Est-ce que c'est normal ces t....
Il s'était effondré.
Ces quoi ? s'était interrogée Ténébris. Ces tables ? ces trucs ? ces tas ? A chaque nouvelle supposition, la jeune femme s'était montrée plus sceptique et davantage curieuse. Elle avait perdu espoir lorsqu'elle avait constaté que Fireball ne révèlerait jamais ce qu'il avait trouvé.
Mais contre toute attente, le jeune prisonnier s'était relevé puis avait frappé le mur avec violence. La jeune femme avait alors ouvert la bouche.
- Je...
Elle n'avait pas pu achever sa phrase. Fireball s'était à nouveau écroulé.
Son attention s'était reportée, une fois de plus, sur Darius, qui débitait à Lottie un long discours peu intéressant. Mais son garde avait été lui aussi victime du mystérieux agresseur.
Il y avait donc de quoi écarquiller les yeux.
Ténébris, la tristement célèbre fille de Darkhell le Sorcier Noir, Ténébris, la femme dont on disait qu'elle ne craignait pas la Mort car elle était la Mort elle-même, Ténébris, la puissante meurtrière aux lames plus tranchantes que les décisions des juges, avait peur. Elle comprit soudain les regards épouvantés que ses victimes lui avaient adressés juste avant de périr.
Ténébris n'incarnait plus la Mort ; elle avait perdu ce pouvoir. Un mystérieux et redoutable agresseur s'en était désormais emparé.

Fireball s’était relevé trente secondes après sa chute et était resté lucide pendant son incapacité.
- Si tu veux le savoir tant que ça, je parle des trous dans l'angle de nos cellules qui font de nous tous des cibles potentielles ! Des questions ?
Fireball avait désormais un caractère bien plus sombre et éloigné de l'enfance, la naïveté avait fait place à une ferme confiance en soi ! Pour un fois, il était sérieux.
Il s'aperçut soudain que Darius gisait au sol.
- Quelqu'un a l'intention de l'aider ou il faut que je le fasse moi-même ? Même si ça serait affligeant pour lui !
Fireball repartit alors dans le coin de sa cellule.
- Du moins, les jours de Darius ne semblent pas en danger ; il va se réveiller d'ici peu.

Shaco avait eu l’air absent lorsque la garde avait fait son rapport. Il avait même eu l’air de l’ignorer. Lui qui l’avait torturée à cause du temps qu’elle avait mis, maintenant qu’elle lui apportait le rapport, il s’en fichait totalement ? Elle contint encore une fois l’envie de répliquer par une remarque cinglante. Shaco avait l’air étrange. Il ne riait pas, il ne raillait pas, le Bouffon avait tout de quelqu’un de préoccupé.
- Lottie, je sais qu'il se trame quelque chose derrière mon dos... Et je dois savoir ce que c'est...
La jeune garde haussa les épaules. Elle se doutait bien que Shaco serait vite au courant des manigances. Puis elle reprit son sérieux. Le Bouffon avait évoqué la salle noire, et lui avait demandé d’y conduire Ténébris. Il comptait vraiment la torturer ou juste la menacer ? Et cela avait donc un rapport avec les informations que la prisonnière avait failli leur livrer ? Alors peut-être que leur histoire à tous les deux n’était pas que le simple rapport garde/prisonnier… La rousse ne comptait pas choisir de camp ; à ses yeux, à l'intérieur ou à l’extérieur de la cellule, les pensionnaires étaient aussi idiots que Shaco. En présence d’un meurtrier dans la prison, la logique aurait été de laisser les différends de côté, mais la logique n’était pas de mise à Barek...
- Je les tuerai tous, je te le promets, Lottie...
La garde toussota. Ces paroles lui faisaient un drôle d’effet sans l’effrayer pour autant. Elle savait que Shaco n’aurait pas recours au meurtre, de peur de moisir en prison lorsque les autorités le découvriraient… Néanmoins, cette phrase ne résonnait pas comme une menace à ses oreilles, mais comme une promesse. Lottie fut troublée dans ses réflexions par un faible hurlement. Ce bruit lui disait vaguement quelque chose, on eût dit un des fameux cris de l’armée… mais elle n’avait étudié ça que passagèrement, et elle n’aurait pu l’identifier avec certitude. La garde se dépêcha d’ouvrir la porte et se précipita dans le couloir. Elle aurait espéré que ce fût Shaco qui se trouvât à cette place. Darius était écroulé sur le sol, mais on pouvait de loin constater qu’il respirait encore. Lottie s’approcha du corps inerte et le releva par les aisselles pour le redresser et ainsi lui permettre de prendre le maximum d’air possible, puis elle appela sa collègue :
– Eh, Darius a perdu connaissance. Rapplique !
Elle avait un peu de mal à soutenir le poids du garde et à le répartir correctement, mais elle n’aurait pas pu le laisser inerte sur le sol. Son regard capta un détail : une légère entaille était visible sur sa nuque. Etait-ce à l'origine de son évanouissement ? Puis en reculant pour prendre appui sur le mur, la botte de la jeune fille heurta quelque chose au sol. Une fléchette… siffla-t-elle. Elle avait compris, c’était encore l’œuvre de l’assassin qui s’était occupé du cas de « Lil' ». Darius avait donc lui aussi été victime d'une agression? Lottie redressa son châle pour cacher sa propre nuque, bien qu'elle doutât de l'utilité de la manœuvre ; mais ce geste avait pour avantage de la rassurer. Elle frissonna. L'assassin ne lui faisait pas vraiment peur pour le moment, mais elle repensait à la besogne de Shaco... Amener Ténébris dans la salle noire ne lui faisait ni chaud ni froid, en revanche elle perdait du temps en attendant le renfort de Laureya, et plus elle tarderait, plus le chef de garde aurait de raisons de s'énerver. Sachant que s'énerver signifiait la torture pour lui, elle préférait ne pas trop y penser... Il fallait qu'elle se dépêchât au maximum dès qu'un garde prendrait la relève.

Au bout d'un moment, voyant que Darius ne prêtait pas attention à ses paroles, l'elfe retourna au fond de la cellule :
Tant pis, pensa-t-elle, je ne leur dirai rien.... Elle s'adossa à la paroi et se plongea dans ses pensées... Pas pour longtemps : Fireball avait crié, était tombé par terre. Elle se redressa, puis se désintéressa de lui car il s'était relevé. Une nouvelle agression ? Si c'est le cas, c'est raté.
Lunaya se rassit mais ne profita pas longtemps du calme ; de nouveau, quelqu'un avait crié. C'était Darius cette fois. Il avait perdu connaissance et Lottie, la nouvelle garde, le soutenait. Elle se leva avec l'intention de s'approcher des grilles et d'aider au maximum Lottie, mais, en se levant, elle s'était involontairement tournée le coin du mur. Ce qu'elle y vit lui fit oublier Darius. Un trou s'ouvrait au cœur du coin. Assez petit pour être difficilement repérable, assez grand pour lancer des fléchettes, il était parfait pour tuer une personne sans que nul ne se rendît compte. Elle s'approcha de l'autre coin de la cellule et l'observa quelques secondes : un trou pareil au "sien" s'ouvrait dans le mur. Elle frissonna en songeant qu'il pourrait bien y avoir un trou par cellule, voire même un trou par angle de la prison.
Elle se souvint alors qu'elle avait été agressée alors qu'elle se trouvait devant un angle. Mais Darius ? Il n'était pas devant un angle... Du moins... pas directement devant un angle. Il n'était pas impossible que la fléchette fût tirée d'un angle du couloir avec suffisamment de force pour la projeter jusqu'au garde. Soudain, une idée l'effleura. Et si les trous étaient les bouches d'aération de tunnels parcourant la totalité de Barek ? Si l'assassin se déplaçait par ces tunnels, il pouvait atteindre n'importe quel garde, n'importe quel prisonnier partout dans le bâtiment. Elle réfléchit en se disant qu'elle pouvait au moins essayer de sécuriser sa cellule. Elle entrevit alors une solution : si elle bouchait les trous avec du tissu, et qu'on voulait agresser quelqu'un à partir de cette pièce, ce on devrait écarter les tissus avec sa main. Elle pourrait alors tenter de le neutraliser en l'attachant à l'anneau de fer accroché au ras du sol dans le mur, tout près du trou. Elle décida de mettre son plan à exécution dans son coin. Elle fit basculer la trappe secrète qui cachait ses objets personnels, se saisit d'un maximum de tissus et les entassa dans l'orifice. Ensuite, elle vérifia que l'anneau avait les bonnes dimensions, et découvrit qu'on pouvait l'ouvrir de l'intérieur du bracelet, chose impossible pour quelqu'un attaché à cet anneau : il était parfait. Elle remarqua également un autre anneau qui pourrait servir à attacher l'autre main de l'agresseur, et qui s'ouvrait de la même manière. Elle ouvrit les deux bracelets de fer et se tint prête à attendre le prochain coup de l'assassin.

Lorsque Lottie quitta la salle, le Bouffon se leva tranquillement comme si rien ne s'était passé ici. Il en avait assez de jouer ce rôle qui ne lui procurait aucun plaisir. Sa seule récompense serait la mort de Ténébris. Après s'être levé, l'homme se regarda devant le seul miroir de cette prison et enleva le maquillage immonde sur son visage :
- Fini de jouer à cache-cache, ils doivent savoir qui je suis. Il doivent savoir que je ne suis pas ce Bouffon psychopathe que je parais être depuis le début... Mais bien ton protecteur...
L'homme ne supportait plus son accoutrement ridicule et décida de prendre le peu de vêtements qu'il portait d'habitude. Après avoir repris son apparence habituelle, l'homme s’avança dans les couloirs froids et sombres avant d'arriver devant Lottie visiblement en train de se dépêcher d'aller chercher Ténébris comme il lui avait demandé. Il tenait à faire toutefois savoir que ce n'était pas parce qu'il avait changé d'apparence que ses menaces ne tenaient pus :
- Lottie, dépêche-toi. Je n'aime pas attendre, tu le sais bien...
Après cette brève phrase l'homme reprit son chemin vers la salle noire comme si son changement n'avait choqué personne.
- Ténébris, j'ai hâte de discuter avec toi, ma belle... dit il avec enthousiasme avant de disparaître dans l'ombre.

Image :

Spoiler:

Laureya surveillait ses deux prisonniers lorsque Fireball était tombé. Elle s'approchait de lui qu'il se relevait déjà. La garde n'y porta pas vraiment attention, pensant plus à un de ses habituels malaises qu'à une agression. Elle entendit soudain un cri étouffé au coin du couloir. Avec un regard circulaire, la blonde se rendit compte que Darius et Lottie manquaient à l'appel. Sachant la rousse au bureau de Shaco, ce devait être son collègue. Les quelques secondes lui ayant permis de réfléchir avaient donné le temps à Lottie de se diriger vers le corps du bel homme.
– Eh, Darius a perdu connaissance. Rapplique !
Reconnaissant la voix de l'autre garde, Laureya jeta un dernier regard aux prisonniers et courut jusqu'au corps inerte. Elle prêta main forte à l'autre jeune femme et adossa Darius au mur. En prenant son pouls, la jeune garde aperçut Shaco qui sortait de l'ancien bureau d'Erza. Un Shaco tout à fait différent. Il semblait plus... normal. Mais il inspirait toujours la même peur en elle. Son supérieur se dirigeait quelque part, mais Lottie semblait avoir autre chose à faire que de surveiller un corps immobile. Consciente de l'agitation de la rousse, Laureya lui glissa quelques mots.
- Qu'est-ce qu'il manigance ? Si tu as quelque chose à faire, vas-y, j'ai pas trop envie de revoir le spectacle de tantôt. Je reste avec Darius. D'après moi, il devrait se réveiller d'ici peu de temps ; sa respiration est presque normale. Fonce, tu m'expliqueras plus tard ce que ce malade veut !

Khyle considéra son compagnon pendant un bref moment, puis détourna le regard. Concernant Darius, le jeune homme prenait espoir trop vite à propos du sort de l'homme. Si l'agresseur était un assassin en masse, il aurait choisi un poison si puissant qu'il aurait suffi d'une petite quantité pour tuer un homme. Si c'était le cas, comment Fireball, dont toute la dose s'était versée en lui, s'en était sortit vivant ?
Le prisonnier regarda presque indifféremment les deux autres gardes accourir vers leur compagnon. Une idée prit forme en son esprit à moitié dément : s'agissait-il d'une diversion? L'assassin était très malin sur ce point. Il savait que l'agression d'un des gardes allait attirer les deux autres laissant les prisons sans surveillance. Darius servait donc d’appât. L'assassin allait profiter de cette situation pour frapper.
Et ce n'était pas la première fois qu'il utilisait cette stratégie.
Lors de l'assassinat d'Erza, il en avait profité pour agresser Fireball et Liliana. Et lorsque Ténébris allait révéler des informations sur Shaco...
Khyle n'arrivait pas à croire que cette pensée l'avait traversé. Ténébris collaborait-elle réellement avec Shaco ? Avait-elle fait mine de connaître des renseignement sur le Bouffon égoïste pour attirer l'attention des gardes ? Cela expliquerait pourquoi elle les avait appelés pour finalement ne rien leur dire.
Lorsque le prisonnier posa son regard sur Ténébris, l'idée s'effaça aussitôt. La peau de la jeune fille était plus blême que jamais et ses yeux, rouges comme le rubis, étaient écarquillés d'effroi. Cette expression... Khyle la connaissait. Elle appartenait à quelqu'un d'autre.

- Khyle... C'est toi qui les.. qui les... as tués ? C'est toi qui as... tué tous ces gens ?! avait-elle dit, un jour en s'agrippant au costume ensanglanté du beau jeune homme.
Le concerné avait baissé son visage et avait vu celui de la petite fille, autrefois si fier et impulsif, maintenant blême et effrayé, brillant de larmes. Le cœur du jeune homme était lourd et serré, mais pourtant :
- Oui, c'est exact. Et c'est pour notre bien à tous.

... notre bien à tous...

Cette dernière phrase retentit dans son esprit, faisait écho dans son âme jusqu'à disparaître. Mais le nom continuait à résonner, infatigable, l'obligeant à le prononcer doucement :

- Mélie...

A présent il était là, derrière les barreaux et un meurtrier, décidé à tuer les meurtriers comme lui, rôdait dans la prison. A présent, plus que jamais, les gardes et les prisonniers étaient du même côté...
... sur le même échiquier.

Darius était dans un état semi-conscient, souffrant encore de la fièvre causée par la défense de son corps contre le poison. Quelque chose lui disait que s'il s'était réveillé, il était probablement tiré d'affaire. Au prix d'un grand effort, il ouvrit les yeux. Devant lui se tenait une jeune fille blonde avec un air inquiet sur le visage. Un nom lui vint en tête. Une voix dans sa tête lui soufflait des renseignements :
- Laureya... Une jolie jeune fille de moins de 20 ans. Elle t'a même déclaré qu'elle t'aimait. Pourquoi ne saisis-tu pas ta chance ?
- Non !, se disait Darius avec fermeté. C'est une collègue et rien de plus. C'est à peine si elle a plus de la moitié de mon âge.
Mais au fond de lui pourtant, il était ébranlé. La fièvre embrumait ses idées. Il ne savait plus que penser, quand même penser était difficile. Sa résistance faiblissait. Son bras se souleva, comme pour attirer sa collègue pour l'embrasser. Le bras retomba aussitôt quand le garde eut reprit possession de lui-même. Il ne pouvait pas faire cela. Elle sortait à peine de l'enfance, c'était immoral. Il s'efforça de son mieux de faire comme si son mouvement premier avait été de prendre appui sur le sol pour se relever. Lentement, il se remit sur ses pieds. Il gardait un air titubant, comme si il était ivre, tout en ayant un douloureux mal de tête. Il réussit à bredouiller quelques mots :
- Je vais bien, ça va, ne t'en fais pas pour moi.
La garde partit lourdement vers son endroit habituel, manquant au passage de tomber trois fois. Arrivé là-bas, il se força à prendre une voix résolue pour s’adresser à sa prisonnière.
- Certaines personnes pourraient se poser des questions à ton sujet, Ténébris. Les agressions qui commencent à ton arrivée, et surtout une attaque sur moi très rapidement après que je t'aie porté un coup, un peu comme une revanche. Malheureusement pour toi, je suis de ces personnes. Aussi, je vais laisser les clefs de ta cellule sur le sol, hors de ta portée bien sûr, et la première personne souhaitant t'amener en salle d'interrogatoire pourra le faire.
Darius fit ce qu'il avait dit, puis se rassit sur sa chaise. Aussitôt, Laureya revint dans son esprit. Il la chassa aussi rapidement qu'elle était apparue. Ce n'était qu'une collègue. Mais le garde avait surtout l'impression de tenter de se convaincre lui-même.

Lottie soutenait toujours Darius lorsque Laureya accourut. Elle ne put s’empêcher de lâcher un énorme soupir de soulagement. Sa collègue l’aida à maintenir le corps du garde puis lui glissa ces mots :
- Qu'est-ce qu'il manigance ? Si tu as quelque chose à faire, vas-y, j'ai pas trop envie de revoir le spectacle de tantôt. Je reste avec Darius. D'après moi, il devrait se réveiller d'ici peu de temps ; sa respiration est presque normale. Fonce, tu m'expliqueras plus tard ce que ce malade veut !
La rousse écarquilla les yeux, puis gratifia Laureya d’un immense sourire. Elle venait de faire exactement ce dont elle avait besoin. Lottie lâcha doucement le corps de Darius et le confia à sa collègue tout en la remerciant, puis se dirigea vers les cellules. En route, Shaco l’intercepta. Un Shaco différent. Son apparence était changée, il ne portait plus son maquillage voyant et moqueur, ni ses vêtements affriolants, et son visage, maquillé ou non, affichait une expression similaire à celle de plus tôt. Totalement neutre. Il lui intima encore une fois de se dépêcher et disparut. Au moins, il n'avait pas été brutal pour l’instant… Lottie pensa à ce qui s'était produit peu après son arrivée, puis à sa courte conversation au sujet de son frère avec Darius, et à Khyle aussi. Et les meurtres étaient toujours présents dans la prison. Et les autres qui veulent se dresser contre Shaco... Puis la garde secoua la tête. Elle était encore restée plantée là à penser à tout et n’importe quoi, et avait par conséquent encore perdu du temps. Elle courut vers les cellules, adressant un regard à Khyle. Il fallait vraiment qu’elle sût si c’était vraiment le Khyle. Puis en avançant vers la cellule de Ténébris, elle s’aperçut de la présence de clefs au sol. Elle ne s’en préoccupa pas et ouvrit simplement à l’aide du passe-partout et saisit le bras de la prisonnière en lui adressant ces mots :
- Shaco veut te voir… dans la salle noire, et de suite. Je ne sais pas ce qu'il te veut, mais bon, bonne chance.
Lottie referma une menotte autour d’un des poignets de la ténébreuse détenue et referma la cellule du pied. Elle l’entraîna vers la salle en question tout en lui laissant le temps d’avancer.
- Ah, et il a changé d’apparence, aussi. Tu vas être surprise… ou pas, si tu le connais bien assez comme je le pense, railla-t-elle. Je t’avoue que j’ai hâte d’en savoir plus sur vous deux. Enfin, ça viendra.
Puis elle s’engagea dans le couloir. Elle commençait à se demander si elle et la prisonnière atteindraient la fameuse salle avant d’être à leur tour à la place de la victime, de sentir la piqûre ardente de la fléchette pénétrer leur chair, de sentir leurs forces les quitter, puis de ne plus rien sentir du tout. A chaque pas, le risque subsistait.

Fireball venait de réfléchir sur l'identité de ce fameux agresseur, toujours à utiliser son poison pour tuer. Il décida de provoquer ce cher agresseur dans un but bien précis.
- Tu n'es pas d'ici, tu attaques en traître et par-dessus tout, tu veux notre mort à tous. Mais nous sommes bien moins frêles que tu ne le penses. Serais-tu un proche d'une des personnes que l'un d'entre nous a tuées et qui attaque également les gardes pour les empêcher de nous sauver ?
Une fléchette arriva à toute vitesse sur Fireball qui l'attrapa avec deux doigts.
- Aurais-je donc touché une corde sensible ? Je sais que tu vas maintenant tenter de m'attaquer d'un autre angle... Sa prévision s'avérait juste et une fléchette arriva bel et bien et Fireball bougea uniquement la tête afin de l'éviter. ... et que maintenant tu vas tenter d'assassiner Ténébris ! Fireball lança une des fléchettes qui ricocha avec celle lancée par le tueur. Bref, tu as échoué dans toute tes tentatives, à bon entendeur et merci à toi d'être tombé dans mon piège.
Il s'adressa cette fois aux gardes.
- Si le fameux poison vous intéresse, j'en possède un petit stock !
Il s'assit dos aux barreaux en attendant une quelconque réponse.

Ténébris fut interrompue dans ses pensées par un Darius remis sur pieds, mais qui tenait des propos plutôt sibyllins.
- Malheureusement pour toi, je suis de ces personnes.
- Gné ? avait-elle répondu.
Mais Darius ne l'écoutait pas. Il lâcha les clefs au sol et partit s'asseoir. Peu de temps après, la garde rousse s'approcha d'elle.
- Shaco veut te voir… dans la salle noire, et de suite. Je sais pas c’qu’il te veut, mais bon, bonne chance.
La garde ouvrit sa cellule, lui passa les menottes et l'entraîna dans le couloir.
- Ah, et il a changé d’apparence, aussi. Tu vas être surprise… ou pas, si tu le connais bien assez comme je le pense, railla-t-elle. Je t’avoue que j’ai hâte d’en savoir plus sur vous deux. 'Fin, ça viendra.
Elle profita du silence angoissé de Lottie pour murmurer, honteuse :
- Mieux vaut ignorer certaines choses. Mon passé et celui de Shaco en font partie. Elle baissa la tête et poursuivit avec hésitation. Mais mon histoire doit être bien plus qu'ignorée : il faut l'oublier.
Sa voix s'était évanouie, faisant place au silence. Le cœur de la jeune femme s'accéléra à mesure qu'elles parcouraient le chemin qui menait à cette mystérieuse salle noire. Elle eut le sentiment qu'elle n'en ressortirait pas facilement car Shaco l'y attendait.
Shaco... pensa-t-elle avec colère. Nous serons seuls, toi et moi. Comme autrefois. Je crois savoir ce que Père m'aurait demandé s'il avait été là...

Quand l'homme vit Ténébris entrer dans la salle accompagnée de Lottie, un large sourire apparut sur le visage de Shaco. L'homme avait attendu ce moment avec impatiente, il allait enfin pouvoir parler seul à seul avec Ténébris la fille du Sorcier Noir.
- Ténébris, ma chère invitée ! Assieds-toi, je t'en prie... dit l'homme avec un sourire bien accueillant. On va enfin pouvoir parler tranquillement sans être gênés... Son large sourire disparut comme glaçon au soleil. Maintenant dis-moi : que devrais-je faire ?
Shaco se leva de sa chaise de torture et s'entailla le bras avec l'une de ses lames. Le sang qui y coulait alla droit sur le visage de Ténébris qui ne pouvait bouger. L'homme récita ensuite une incantation en Alysien ancien. Après ceci une vague douleur effroyable s'empara de Ténébris.
- Maintenant, dis-moi ce que tu voulais dévoiler à toutes les personnes de cette foutue prison avant que la douleur ne devienne trop insupportable pour ton corps... Il se tourna ensuite vers Lottie. Toi, tu restes ici. J'aurai à te parler !

Spoiler:

Laureya pensait à la douloureuse beauté de Darius lorsque celui-ci fit un geste étrange. Elle comprit ensuite que son collègue tentait de se lever. La blonde fit un mouvement pour l'aider mais le garde était déjà sur ses pieds. Accroupie, elle se releva et remarqua une énième fois que Darius faisait une tête, presque deux, de plus qu'elle.
- Je vais bien, ça va, ne t'en fais pas pour moi.
Non, il n'allait pas bien. Et cela se voyait. Mais la jeune femme ne voulait pas être encombrante et le laissa partir. Il manqua de tomber plusieurs fois sur son chemin, ce qui fit apparaître un mince sourire sur les lèvres roses de la garde.
- Comment pourrais-je ne pas m'inquiéter pour toi ? murmura-t-elle pour elle-même.
Elle tourna alors le coin pour aider son collègue à garder l'étage. Elle eut à peine le temps de voir la rousse partir avec Ténébris que Fireball prenait parole.
- Si le fameux poison vous intéresse, j'en possède un petit stock !
Laureya se retourna en un mouvement, faisant voler sa longue chevelure blonde. Un stock ? Elle fixa le prisonnier d'un regard glacial. Comment l'avait-il obtenu ? Comme Darius ne semblait pas réagir, sûrement encore un peu affecté par le poison, elle se dirigea vers celui qui avait parlé.
- Un petit stock ? Intéressant. Mais plus intrigant encore, tu en possèdes. Je ne pense pas que tu sois l'agresseur, mais d'auters pourraient le croire. Méfie-toi de tes paroles, prisonnier... Je peux voir ? demanda-t-elle apres une courte pause.
Sur ce, elle déposa ses clefs et ses dagues plus loin, bien consciente du danger, afin que Fireball ne tentât rien, puis s'approcha des barreaux. Le prisonnier était assis donc elle s'accroupit et tendit la main. Son visage calme ne le laissait pas paraître, mais son coeur battait rapidement. Laureya s'était déja faite attaquer par une prisonnière, si cela se reproduisait, tout le monde verrait immédiatement son manque d'expérience. Rappelant à Darius à quel point elle était jeune. La jeune femme chassa cette idée en secouant la tête et attendit impatiemment, le cœur battant.

Darius regardait avec une certaine indifférence ce que arrivait autour de lui. Il prêta à peine attention au fait que Lottie fût venue chercher Ténébris sans lui parler. Normalement, il n'y avait que le garde affecté à la surveillance d'un prisonnier ainsi que le chef de l'étage qui pouvaient l'emporter n'importe où. Il se baissa simplement pour ramasser ses clefs, maintenant que Ténébris n'était plus dans sa cellule.
Soudain, Fireball annonça qu'il possédait un stock du poison. Il lui fallut un moment pour analyser ce qu'il avait dit. Dans ce laps de temps, Laureya avait répondu au prisonnier. Il se permit de sourire en entendant ce qu'elle disait. Elle ne le savait sans doute pas, mais son attitude avait changé depuis qu'il l'avait connue. Elle avait appris la prudence. Cependant, il se permit d'ajouter quelque chose sans pour autant empiéter sur l'autorité de sa collègue.
- Je ne sais pas comment tu as obtenu ce stock de poison, qui est d'ailleurs totalement inutile. Nous ne pouvons nous en servir contre l'agresseur, et nous connaissions déjà la fameuse substance. Lunaya a identifié le poison pour nous quand elle s'est faite agresser. Evidemment, donne tout de même ce que tu as à ma collègue. On ne peut te laisser une arme quelconque. Et, même si tu devais déjà t'en douter, même si tu attaques Laureya, elle n'ira pas seule à l'infirmerie. Une attaque à main armée sur la personne d'un garde peut facilement justifier des coups sur un prisonnier.
L'effort fourni pour se lever et garder une voix ferme l'avait épuisé. Maudite faiblesse. Il se rassit sur son siège, puis remarqua que Khyle ne semblait pas aller bien. Il soupira, mais il était un adulte et devait bien être capable d'oublier ses conflits avec quelqu'un pour un moment. Malgré tout, il était mal à l'aise quand il s'approcha de Khyle, en restant assis cette fois.
- Dis Khyle, tu ne sembles pas aller bien. Y a-t-il quelque chose qui ne va pas ? Si besoin est, je suis prêt à t'écouter.
L'homme resta assis en attendant la réponse du prisonnier. Et le garde avait l'intuition que, si Khyle se confiait à lui, il apprendrait quelque chose d'intéressant.

Perdu dans ses souvenirs, Khyle fut interrompu par la voix de Darius. Il leva ses yeux jaunes vers ceux du garde et y put lire qu'il se posait des questions sur la confiance que le jeune prisonnier lui accordait. Le blond eut un sourire en coin :
- N'es-tu pas assez compétent pour savoir qu'un prisonnier ne cesse de méditer sur son propre passé ? Un passé douloureux et digne de lamentations ? dit-il avec une petite pointe de sarcasme dans la voix.
Il ajouta, plus sombrement, à l'attention des deux gardes qui se tenaient devant lui :
- Je remarque que dans cette prison, ce n'est pas uniquement les prisonniers qui gardent leurs plaies ouvertes. Et ce n'est pas en propageant ses souvenirs qu'on peut espérer les faire cicatriser.
Cela dépend de la personne à laquelle on s'ouvre...
Le bruit caractéristique d'une ouverture de cellule attira l'attention de Khyle au-delà des deux gardes. Et elle venait de la prison de Ténébris. Il essaya d'en savoir plus, mais Darius s'interposait entre lui et elle, obligeant le prisonnier à se lever en chancelant. Il s'agissait effectivement de Ténébris, entraînée par la nouvelle garde vers une direction qui lui était inconnue.
- Où l'emmène-t-elle ? s'enquit-il en suivant du regard la prisonnière jusqu'à ce qu'elle disparût de son champ de vision.

- …. Mais mon histoire doit être bien plus qu'ignorée : il faut l'oublier.
Lottie s'était attendue à une réponse plus ferme de la part de la criminelle. Bien que d’apparence forte, elle avait l’air brisée et si vulnérable en évoquant son passé. Etait-ce un effet de la prison ? La garde eut presque envie d’étreindre la détenue malgré sa résolution de ne plus accorder confiance à n’importe qui. Elle se tourna vers Ténébris et lui sourit tristement, elles étaient arrivées devant la porte noire. Un sourire sadique étira le visage de Shaco lors de leur entrée dans la salle, sourire qui disparut des lèvres du chef de garde aussi vite qu’il avait pu apparaître. Lottie eut un mouvement de recul lorsque le bouffon s’approcha, mais il s’en prit directement à Ténébris, cette fois, lui envoyant une giclée de sang sur son visage opalin. Il avait de suite murmuré une formule étrange qui ne tarderait sûrement pas à faire effet sur la prisonnière.
- Maintenant, dis-moi ce que tu voulais dévoiler à toutes les personnes de cette foutue prison avant que la douleur ne devienne trop insupportable pour ton corps...
Et il ajouta en se tournant vers Lottie :
- Toi, tu restes ici. J'aurai à te parler !
La jeune garde lâcha la menotte. Ténébris allait probablement payer au prix fort son envie de parler. Elle avait l’impression de l’avoir conduite vers la mort… Puis elle regarda Shaco, hésitante.
- Euh… je… Est-ce vraiment nécessaire, Shaco ? L’assassin de la prison rôde toujours, et à mon avis la meilleure des solutions n’est pas de diviser et séparer détenus et prisonniers, et de former des clans pour s’en sortir ici, balbutia-t-elle en veillant à peser chacun de ses mots. Bien sûr, le choix n'appartient ni à moi, ni à n’importe quel autre garde ou prisonnier, mais si tout continue sur cette voie, j’ai bien peur que tout le monde ne finisse par y passer.
Lottie était parcourue de tremblements mais tentait de paraître ferme et résolue. Pourquoi ne s’était-elle pas tue lorsqu’elle en avait eu l’occasion ? Elle soutint au mieux le regard glacial de son « chef » et attendit une réponse.

Ténébris fut parcourue d'un frisson désagréable lorsqu'elle pénétra dans la salle obscure. Le visage de Shaco, dont l'apparence avait radicalement changé, s'illumina d'un sourire qu'elle jugea trop bienveillant à son goût.
- Ténébris, ma chère invitée ! [...] On va enfin pouvoir parler tranquillement sans être gênés... Le sourire du Bouffon disparut en une fraction de seconde. Maintenant dis-moi : que devrais-je faire ?
Mais la prisonnière ne l'écoutait plus ; le « chère invitée » lui avait donné une irrépressible envie de lui assener un violent coup de poing. Mais elle était attachée et ne pouvait bouger. Elle sentit plusieurs gouttes de sang perler sur son visage. Shaco l'avait éclaboussée. Shaco la souillait. Il se mit à murmurer des mots incompréhensibles.
L'effet fut immédiat.
Une douleur insupportable s'empara de Ténébris, qui manqua de crier. De toute manière, sa souffrance était telle qu'elle n'aurait pu hurler. En fermant les yeux, elle crut apercevoir une silhouette qu'elle ne connaissait que trop bien. Cette incantation avait tout pour la faire souffrir. Korbo... pensa-t-elle.
- Maintenant, dis-moi ce que tu voulais dévoiler à toutes les personnes de cette foutue prison avant que la douleur ne devienne trop insupportable pour ton corps...
Il n'attendit sa réponse qu'à moitié. Il s'adressa ensuite à la garde qui n'avait probablement pas manqué une seconde de souffrance
- Toi, tu restes ici. J'aurai à te parler !
La jeune garde lâcha la menotte, une lueur d'hésitation dans les yeux.
- Euh… je… commença-t-elle. Est-ce vraiment nécessaire, Shaco ? L’assassin de la prison rôde toujours, [...] j’ai bien peur que tout le monde ne finisse par y passer.
Sa voix était sèche et ferme, mes les tremblements qui la parcouraient trahissaient ses émotions.
Ténébris n'attendit pas la réponse de Shaco. Elle croisa brièvement le regard de Lottie. Un sourire furtif et compatissant se forma sur le visage de la jeune prisonnière. En se tournant vers Shaco, c'est un regard empli de haine qui se forma.
- Toi... dit-elle avec colère en lui crachant au visage, lui permettant de ne pas flancher sous la douleur aiguë. Je savais que tu écoutais mes conversations, y compris depuis ton bureau. Je n'ignorais pas non plus dans quoi je m'engageais en provoquant cette... entrevue. Elle se mordit la lèvre pour évacuer la tension. J'aurais dû te tuer quand j'en avais eu l'occasion ; ta trahison a mis mon père hors de lui. Ses projets les plus secrets n'étaient plus en sécurité. Ils se promenaient là où il ne pouvait les atteindre. La prisonnière déglutit, gênée d'avoir à être écoutée par une autre oreille que celle du Bouffon. Sais-tu ce que je faisais quand j'ai été arrêtée, puis jetée ici ? Je me rendais là où tu te cachais. J'avais acéré mes lames, j'avais répété des centaines de fois le mouvement qui ferait cesser de battre la pauvre pierre qui te sert de cœur. J'avais attendu suffisamment longtemps ; la vengeance est un plat qui se mange froid. Elle réprima, une fois encore, un cri de douleur. Le désespoir d'avoir perdu Korbo n'est pas la seule raison de ma capture aussi aisée ; ma haine pour toi était telle que je me suis laissée avoir, et me voilà à croupir ici, de l'autre côté des barreaux. Toi en face de moi. Ils sauront, Shaco. Ils sauront ce que tu as fait ; trahir le Sorcier Noir pour une cause encore plus sombre, il fallait en avoir l'ambition. Ils sauront, répéta-t-elle. Que je sois morte ou vivante, la vérité éclatera et tu subiras la sentence la plus terrible, je fais confiance aux juges pour ça. Ne crois pas me faire peur avec ta méthode de torture ; toutes ces années à tes côtés m'ont enseigné bien des choses.
Ténébris sentait qu'elle avait franchi une étape ; elle ne pouvait désormais plus revenir en arrière. Dans sa réflexion, elle se rappela une chose, et s'adressa cette fois aux deux gardes :
- Je sais pertinemment que tout le monde me soupçonne d'avoir commis ces crimes, qui font tomber un à un les membres de la prison. Détrompez-vous, je n'ai rien à voir avec cette histoire. Si je souhaite ôter la vie de quelqu'un en ce moment-même, c'est uniquement la tienne, Shaco.
Bien décidée à ne montrer aucun signe de faiblesse, la jeune femme ferma les yeux, pour essayer d'y trouver la force de faire face à ce traître. Le visage de Korbo apparut lorsque ses paupières se fermèrent quelques instants. Tu vois, mon amour, je répare mes erreurs. C'est extrêmement dur et douloureux, mais je crois que je me débrouille plutôt bien. Tu dois être fier de moi.