Effondré par terre, Khyle toussa, faisant s'écraser au sol quelques gouttes de sang.
- Je préfère ça, murmura-t-il.
Depuis toujours, Khyle critiquait beaucoup le travail des gardes dans cette prison, mais ce n'étaient que des railleries, rien de plus. Ici, il venait de remettre en cause tout le travail d'un garde et en avait subi les conséquences. Etait-ce cette crainte pour la sécurité de Ténébris qui l'avait forcé à agir comme ça ? Si c'était le cas, jusqu'où allait-elle le mener ?
Khyle ne pouvait rien contre Darius. Le garde était dix ans plus âgé que lui et était dix fois plus fort que le frêle jeune homme qu'il était. De plus, Khyle évitait beaucoup les bagarres. Donc, niveau baston, il était déjà vaincu. Tant bien que mal, le blond redressa vers Darius son visage et força ses lèvres sanglantes à s'étirer en un sourire de défi :
- Tu as pleinement raison sur plusieurs points, Darius. Néanmoins, tu as tort sur d'autres. Comme la majorité des âmes qui déambulent dans cette pitoyable prison, tu vis dans la conviction que les seuls synonymes du mot "arme" sont : épée, dague, poignard, et j'en passe. Mais sache que même si nous, les prisonniers, avons été dépouillés de toutes nos armes, il nous en reste une qui, si l'on sait bien en faire usage, peut être plus puissante que n'importe quel joujou que vous utilisez : la parole.
Khyle fit une pause pour reprendre son souffle, rendu difficile à cause des coups qu'il venait de recevoir. Il se tint son ventre douloureux et continua :
- De plus... tout comme toi et les autres gardes, c'est le choix qui m'a mené dans ce trou à rats. Je...
Le reste de cette phrase resta un mystère car elle se fit couper par la toux du prisonnier qui ne cessait pas. Etait-ce volontaire ? Son corps était bien trop faible pour résister aux coups de l'imposant Darius, le jeune prisonnier sentait déjà ses forces l'abandonner. Bientôt, les muscles de son cou eurent du mal à soutenir le poids de sa tête. Il la laissa retomber sur le sol dur. Avant de fermer ses yeux et de s'immobiliser, il murmura d'une voix à peine audible :
- Après tout, la seule différence que vous avez par rapport à nous, c'est que vous pouvez frapper à votre guise... Vous ne valez pas mieux que nous...
Il ne vit pas Laureya s'approcher...

Lunaya était... sidérée. Oui. C'était cela. Sidérée. Quelle mouche avait piqué Khyle ? Et Darius ? Puis son étonnement fit place à la colère. Elle dut faire un énorme effort pour contenir sa rage. Enfin, elle réussit à articuler :
- Tout ce bruit à cause d'une simple question ? Je trouve cela très poussé. Je ne vous accuse pas, tous les deux, mais... Tout ça parce que j'ai posé une question ?
Puis, s'adressant à Darius, elle dit :
- Je sais bien que tu n'es pas médecin. Ce n'est pas ton métier. Je te remercie de m'avoir accordé la permission de surveiller Ténébris.
Elle renonça à parler à Khyle, qui venait de s'évanouir et n'osa pas s'adresser à Laureya, qui semblait plongée dans ses souvenirs.
Rapidement, elle se dirigea vers la place occupée précédemment par Darius et s'assit par terre en observant Ténébris. Qu'avait-elle bien voulu lui dire quand elle lui avait murmuré « Ca ira. Je ne peux... faire confiance... à personne. Je ne peux plus... être Ténébris.... Ma liberté... Korbo... » ? Pourquoi avait-elle parlé de Korbo l'Ombre Rouge, disparu peu avant la capture de la fille de Darkhell ? Pourquoi ne pouvait-elle plus être Ténébris ? Cela signifiait-il qu'elle ne pouvait plus être la tueuse qu'elle avait été ? Ou autre chose ?
Toutes ces questions tourbillonnaient dans sa tête.

Laureya ne s'était pas rendue compte que Khyle s'était réveillé. Elle sursauta légèrement lorsqu'il lui adressa la parole.
- Merci, Laureya. Sans toi, cette brute m'aurait mis en pièces. Regarde-moi. Mes os, aussi fragiles que la porcelaine, auraient fini par se rompre.
Elle ne savait pas trop quoi répondre et tentait de cacher les quelques larmes coulant toujours sur son visage. La garde n'eut pas le temps de se cacher vraiment parce que le prisonnier décela sa peine aussi rapidement qu'il s'était réveillé.
- Est-ce à cause de lui ?
Ces mots avaient fait sursauter encore plus Laureya. Elle ne savait toujours pas quoi lui dire. Elle ne savait plus...
- De rien, c'est normal... balbutia la jeune femme. Je .. en partie, oui. Mais ce n'est pas seulement sa faute. Il y a tellement de choses qui arrivent depuis que Ténébris est là... Et puis, il y a elle évidemment. En dépit du nombre important d'étages, ici, je suis enfermée avec elle... avec cette tueuse.
Laureya s'ouvrait à Khyle comme si elle l'avait toujours connu. Elle n'avait personne d'autre à qui le faire. Et de toute façon, son cerveau était un peu trop mal en point pour être stratégique et réfléchie.
- Parfois, j'ai tellement envie de lui sauter à la gorge. Elle m'a tout enlevé... Et puis Darius ne se rend même pas compte qu'il me plaît. Je n'ai personne ici, j'aurais aimé avoir un ami, une relation. Tu sais, ce genre de chose,. Et puis lui, il est si distant. C'est à peine s'il me remarque.
La blonde se rendit compte qu'elle était ridicule de raconter tout cela à un prisonnier qui était premièrement à la portée de ses clefs, et deuxièmement complètement fou. Mais cela lui avait fait le plus grand bien. Et Khyle n'était pas vraiment en état de faire une tentative de fuite...

Darius vivait un véritable dilemme intérieur suite à son agressivité envers Khyle et c'est à peine s'il entendit les paroles de Lunaya, mais cela suffit à le faire réagir. Il se releva, la regarda et se prépara à lui crier dessus. Mais il s'arrêta à temps.
Mais qu'est-ce qui me prend, tout d'un coup ? Khyle l'avait mérité, même si je dois reconnaître que j'y suis allé un peu trop fort... mais Lunaya ? Pourquoi est-ce que j'en ai après tout le monde, comme cela ? J'ai même failli m'emporter contre Laureya, alors qu'elle ne faisait qu'aider l'homme que j'avais blessé.... Je dois me calmer.
Il ne se reconnaissait plus. Après tout, Khyle avait visiblement été trop protecteur envers Ténébris, mais lui aussi avait connu ce sentiment d'inquiétude irrationnel envers une femme, il devrait être en mesure de le comprendre. Peut-être commençait-t-il à devenir comme les gens qu'il gardait à force de les côtoyer, mais cela ne suffisait pas à expliquer sa réaction. Pire encore, il ne pouvait même pas aller s'excuser auprès de Khyle, le prisonnier prendrait cela comme un aveu de la douceur dont il l'accusait.
Et Laureya doit me détester, maintenant... C'est mal parti pour notre collaboration. Je dois apprendre à modérer mes coups en fonction de la personne que j'attaque. Même s'il a dû être habile en baston pour assassiner toute ces personnes, il est désormais chétif et si j'avais continué, j'aurais pu le tuer ! Je dois me reprendre en main !
Le garde se redressa, résolu, et partit voir Lunaya.
- Laisse-moi surveiller Ténébris, je ne peux pas te laisser jouer le rôle d'un garde, tu n'es qu'une prisonnière. Tu peux la regarder de loin si tu veux, mais je ne te laisserai pas la surveiller, dit-il d'un ton suffisamment fort.
Il jeta un coup d’œil vers Khyle, qui était revenu à lui, en se disant que s'il l'avait vu, intelligent comme il était, il prendrait cela comme des excuses. Il espérait qu'il l'avait vu même s'il discutait avec sa collègue.

Khyle écouta attentivement Laureya du début jusqu'à la fin, sans manipuler la pièce de jeu d'échecs qu'il tenait toujours en main. Tout autant que la garde, le jeune homme était surpris de la voir en train de s'ouvrir de la sorte à un prisonnier fou comme lui.
Difficilement, Khyle se mit en position assise et ajusta les mèches blondes qui s’emmêlaient devant ses yeux. Cela n'arrangea en rien l'état de sa tignasse.
- Je le sens, depuis que Ténébris a mis les pieds ici, rien n'est plus comme autrefois... Toutefois, tu n'es pas seule à être enfermée avec elle. On est tous sur le même échiquier...
Khyle fit une pause. Il baissa les yeux pendant un moment puis les riva sur la jeune femme.
- Ne t'en fais pas pour Darius. Je connais vraiment ce type d'homme, de vrais rocs. Mais en-dessous de la carapace blindée, on trouve souvent un vrai cœur d'or. Trouve un moyen de rompre la carapace, tu obtiendras ainsi tout ce que tu voudras.
Le visage du jeune homme changea. Il fut illuminé d'un sourire réconfortant, un sourire qui rehaussait les restes de sa beauté perdue le rendant presque aussi beau qu'autrefois.
- Je sais très bien que Darius t'a dans son cœur. S'il ne t'aimait pas, il ne t'aurait pas laissée me porter secours. Profites-en. Je sais que tu as plus de chance d'avoir des amis que moi...
A cause de ces derniers mots, le visage de Khyle s'assombrit à nouveau et perdit toute trace de beauté. Mais ce fut juste pendant un court moment. Il sentit le soulagement grandir en lui quand il vit Darius posté devant la cellule de Ténébris. Elle était protégée. Il aperçut aussi que le garde l'observait, il semblait attendre quelque chose, une réaction de sa part. Le blond oublia les coups qu'il avait reçus de la part du garde et se contenta de lui adresser un clin d’œil, signe qu'il avait compris son message. Ses excuses.

Les yeux bleus de Laureya regardaient le prisonnier. Elle fut touchée par ses paroles. Autant elles étaient vraies, autant elles étaient réfléchies. Khyle, même s'il était un peu fou, était d'une grande sagesse. Lorsqu'il leva son regard vers elle, la garde le trouva plus gentil et doux qu'elle avait imaginé. Mais son sourire qui illumina son fin visage était encore plus beau que son regard. Jamais elle ne l'avait vu sous ce jour. Mais sa phrase lui fit un pincement au cœur... Darius. Elle voulait bien croire ce que disait le blond, mais la garde avait un peu de mal. Au moment où le sourire de Khyle s'effaça, le monde sembla déjà plus sombre, plus triste. Le regard de l'homme se tourna vers Darius qui gardait la cellule de Ténébris. Laureya put apercevoir le clin d’œil que le prisonnier lui fit. Elle sourit pour elle-même.
- Khyle, ne pense pas des choses comme cela. Moi, en d'autres circonstances, j'aurais voulu être ton amie...
Elle se retint fort pour ne pas le prendre dans ses bras puis quitta la cellule car il devait se reposer. La blonde se dirigea vers son coin habituel et se laissa tomber sur le sol. S’empêchant de poser son regard sur Darius, elle regarda plutôt Liliana, qui n'avait pas bougé.

Obéissant à Darius, Lunaya se leva et se dirigea vers sa cellule, avec l'intention d'y prendre sa collection secrète pour l'examiner. Rapidement, elle se dirigea vers son coin favori et actionna discrètement le mécanisme qu'elle avait découvert à son arrivée en furetant un peu partout. Une cache carrée d'une trentaine de centimètres environ s'ouvrit et dévoila une boîte haute d'une quinzaine de centimètres et longue d'une vingtaine. L'elfe se saisit de la boîte puis referma la cache. Elle se dirigea ensuite vers Laureya, la boîte dissimulée sous ses habits et lui demanda :
- Tu n'aurais pas du papier, une plume et de l'encre ? J'aimerais écrire quelque chose...

- Tu n'aurais pas du papier, une plume et de l'encre ? J'aimerais écrire quelque chose...
Aucunement méfiante, Laureya lui sourit puis lui dit gentiment :
- Désolée, je n'en ai pas. Mais tu peux toujours aller voir Erza, elle est dans les limites du temps libre.
Puis la garde revint à ses occupations, c'est-a-dire penser à Darius et fixer Liliana sans vraiment la voir.

Ténébris ne s'était pas évanouie très longtemps, mais suffisamment pour avoir manqué plusieurs disputes. Ce fut l'odeur de sang qui ramena la jeune femme sur terre. Sa vue était brouillée et craignait que ce fût pire en se levant. Elle se contenta de rester allongée, fermant les yeux mais écoutant avec attention les conversations qui reprenaient, radoucies après la tempête. Entendre Khyle et Laureya parler des histoires de cœur la fit d'abord sourire, puis elle ressentit une douleur aiguë dans l'estomac. Korbo. Tous les sujets finissaient par se tourner vers lui. Ténébris se retint de hurler une fois encore, se contentant de serrer les dents.
Son attention fut ensuite attirée par la voix de Lunaya.
- Tu n'aurais pas du papier, une plume et de l'encre ? J'aimerais écrire quelque chose...
L'elfe devait s'adresser à Laureya car celle-ci lui répondit aussitôt :
- Désolée, je n'en ai pas. Mais tu peux toujours aller voir Erza, elle est dans les limites du temps libre.
Ténébris ignorait totalement ce que manigançait Lunaya. Elle tourna la tête et dit calmement à l'elfe :
- J'espère que tu ne comptes pas m'assassiner en me coupant la gorge avec une feuille, hein. Ni m'empoisonner avec de l'encre, et crois-moi, je m'y connais ! Elle lui sourit. Non, plus sérieusement, à mon avis les gardes ne te laisseront pas t'emparer de la moindre plume pour écrire. Tu devras te contenter de te constituer des pense-bêtes en gravant dans la pierre.
Parler à nouveau la soulagea. Ténébris se sentait mieux. Désormais, elle avait un plan.

- J'espère que tu ne comptes pas m'assassiner en me coupant la gorge avec une feuille, hein. Ni m'empoisonner avec de l'encre, et crois-moi, je m'y connais ! Elle lui sourit. Non, plus sérieusement, à mon avis les gardes ne te laisseront pas t'emparer de la moindre plume pour écrire. Tu devras te contenter de te constituer des pense-bêtes en gravant dans la pierre.
L'elfe fit volte-face et se détendit quand elle s'aperçut que son interlocutrice était Ténébris.
- Ah, c'est toi ? Tu es réveillée ? Comment te sens-tu ? Et non, je ne vais pas t'empoisonner, ni te couper la gorge, d'ailleurs ! Est-ce que je peux te poser une question ?
Après une pause, Lunaya ajouta :
- Tu sais, ça ne me coûte rien d'essayer avec Erza... Mais de toute façon, je n'ai plus besoin de ce pense-bête... car il te concerne !

- Ah, c'est toi ? Tu es réveillée ? Comment te sens-tu ? Et non, je ne vais pas t'empoisonner, ni te couper la gorge, d'ailleurs ! Est-ce que je peux te poser une question ? Tu sais, ça ne me coûte rien d'essayer avec Erza... Mais de toute façon, je n'ai plus besoin de ce pense-bête... car il te concerne !
Ténébris pâlit. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne la sens pas. Lunaya est trop gentille, elle ne peut pas être si innocente qu'elle en a l'air.
Elle hésita, mais constatant que les gardes avaient un œil sur elles, elle répondit :
- Essaie toujours...

De retour aux cellules, Erza avait l'air paniquée. Contrairement à son habitude, elle ne s'arrêta pas devant les cellules ni ne fit de remarques aux autres. La jeune femme cherchait décidément quelque chose. Erza décida d'aller voir Khylen son grand ami depuis longtemps. Erza, complètement épuisée par le mal qui la rongeait, s'appuya contre les barreaux.
- Khyle j'ai besoin de ton aide... Je vais te sortir de ta cellule. Suis-moi dans mon bureau...
Erza ouvrit la cellule de Khyle et lui montra le chemin de son bureau.
- Allez, viens... s'il te plaît...

Darius observait les événements dans la prison. Erza n'avait-elle donc pas d'yeux pour voir ? Khyle aurait sans doute de la difficulté ne serait-ce que de se lever tout seul. Il reporta son attention sur Ténébris, qui s'était finalement réveillée, et Lunaya. Il se décida à établir un contact avec la prisonnière.
- Alors, bien dormi, Ténébris ? Ne faites pas trop attention à moi, je vous livre mon message et après je vous laisse. En fait, je m'adresse surtout à notre nouvelle prisonnière. Tant que tu seras ici, et ce sera pour un bon moment (au moins le reste de ta vie), c'est moi qui vais te surveiller, mais je ne suis pas trop sévère. Je ne ferai pas de châtiments physiques simplement parce que je suis de mauvaise humeur. Il regarda furtivement Lunaya, qui avait vu la scène avec Khyle. Sans une seule provocation. Ensuite, si tu veux me poser des questions, tu as le droit. Je te répondrai tant que je juge la réponse sans danger. Tu as le droit à l'information. Ca, c’est pour la partie règlement. Pour la partie personnelle, je dois dire que j'ai été heureux de ce qui t'est arrivé tout à l'heure. Pour éviter tout malentendu, le garde se reprit immédiatement. Je veux dire, que tu te rendes compte de tes crimes et de leur portée. Tu n'es pas toujours obligée d'être rebelle, tu peux aussi essayer de sympathiser. Voilà, je crois que c'est tout, amusez-vous.
Il se dirigea ensuite vers Laureya qui avait peut-être eu le temps d'apprendre quelque chose avant que Ténébris ne s'évanouît. Cependant, elle avait vu ce qu'il avait fait à Khyle. Aussi, pour jauger ce qu'elle pensait de lui, il commença la conversation avec un simple :
- Salut.
Il attendit ensuite pour voir qu'elle serait sa réaction.

Lunaya allait poser sa question quand leur discussion fut interrompue par Darius.
- Alors, bien dormi, Ténébris ? Ne faites pas trop attention à moi, je vous livre mon message et après je vous laisse. En fait, je m'adresse surtout à notre nouvelle prisonnière.
Darius lui expliqua le fonctionnement de la prison, ce qui n'avait pas été fait jusqu'à présent.
- Pour la partie personnelle, continua-t-il, je dois dire que j'ai été heureux de ce qui t'est arrivé tout à l'heure.
C'en était trop. Ténébris se préparait à lui assener un coup de poing, mais le garde rougit et se reprit aussitôt :
- Je veux dire, que tu te rendes compte de tes crimes et de leur portée. Tu n'es pas toujours obligée d'être rebelle, tu peux aussi essayer de sympathiser. Voilà, je crois que c'est tout, amusez-vous.
La prisonnière fut rassurée. Celui-ci aussi a failli y passer, pensa-t-elle en se disant qu'il fallait qu'elle soit moins impulsive pour éviter des ennuis supplémentaires.
Le garde se dirigea ensuite vers Laureya et engagea une autre conversation avec la gardienne.
- Salut.
Ténébris ne le laissa pas attendre plus longtemps la réponse de Laureya. Elle se leva péniblement, oubliant Lunaya quelques instants.
- Darius, attends ! Je ne sais pas pourquoi tu tiens tant à être sympa avec moi car mes crimes ne sont pas des plus glorieux. Mais... Hésitante, elle fuyait le regard de Darius. Elle prit une profonde respiration. Mais merci.
Elle n'attendit pas la réponse de l'homme, préférant tourner les talons et se rasseoir car elle commençait à avoir le tournis. Elle s'excusa brièvement auprès de Lunaya et hocha la tête pour inciter la prisonnière à l'interroger.

Lilliana n'en revenait pas. Depuis l'arrivée de Ténébris, les événements s'enchaînaient à très grande vitesse, si bien qu'elle ne parvenait plus à suivre.

Ténébris pique une crise, convulse et s'évanouit, pendant que Lunaya et Darius tentent de l'aider, chacun à leur façon. Khyle se plaint de la douceur des gardes, provoque Darius qui réplique avec les coups, réduisant le prisonnier à l'état de carpette. Laureya prend la défense du prisonnier, Lunaya s'étonne de la violence des protagonistes, Darius s'en veut, refuse à Lunaya le droit de "surveiller" Ténébris de sorte de se faire pardonner par Khyle. Lunaya demande du papier et un crayon pour finalement y renoncer et discuter aimablement avec Ténébris, qui a repris connaissance depuis. Erza débarque et demande à Khyle de la suivre dans son bureau. Darius finit par expliquer ses propres règles de la prison à la nouvelle captive, qui le remercie de sa gentillesse.

Je ne sais pas, d'eux ou nous, qui est le plus fou ...
Assise au sol, la jeune femme eut le geste mécanique de prendre sa tête dans ses mains, coudes sur les genoux. Elle se massa quelques minutes les tempes et finit par se relever. Elle ne savait combien de temps il lui restait de libre avant la fermeture des cellules. Elle espérait de tout cœur que ce laps de temps fût relativement court, car après le temps libre venait le repas. Elle était si affamée que même l'ignoble nourriture qu'ils leur servaient en prison lui donnait envie. Son ventre faisait des bruits étranges, mélange entre ronflements et cris d'agonie. N'y tenant plus, elle se décida enfin à poser la question.
Elle s'approcha doucement de Laureya et Darius, qui semblaient gênés de se retrouver face à face, et s'éclaircit la gorge. Cependant elle ne savait comment s'y prendre. Treize ans qu'elle vivait enfermée entre ces murs, côtoyant les mêmes personnes sans discontinuer, et le nombre de fois où elle leur avait adressé la parole pouvait se compter sur les doigts de ses deux mains et ses deux pieds. Elle hésita à se montrer polie, discrète, ou au contraire arrogante. Tous dans cette prison avaient une personnalité propre, elle mise à part. Les interférences que produisaient Gila dans sa tête l'empêchaient de se fixer une personnalité, si bien qu'elle pouvait se montrer agréable comme affreuse envers les gens. Finalement, elle décida de se comporter le plus naturellement possible.
- Ex... Excusez-moi ?
Elle n'avait pas parlé depuis si longtemps que le son qui sortit de sa gorge ressemblait à celui qui sortait de son ventre. Elle se racla plus fort la gorge et reprit.
- Je n'ai pas fait attention au temps qui passait. Dans combien de temps le temps libre se termine-t-il ?
Comme s'il souhaitait montrer sa véritable volonté, le ventre de Liliana se mit à gronder encore plus fort. Elle grimaça, gênée, et attendit la réponse des gardes.

Laureya, encore perdue dans ses pensées, n'avait pas vraiment suivit ce qui venait de se passer. Elle entendit seulement la voix de Ténébris, elle était donc réveillée. La garde sursauta lorsque Darius lui adressa un simple "salut" comme si rien ne s'était produit.
- Salut... répondit la jeune blonde.
Elle fuyait son regard, cherchant une sortie de secours à cette discussion qu'elle ne voulait pas avoir. Pas maintenant. Pas en public.
Mais qu'est-ce que je fais ? Je fuis encore ma situation. C'est exactement ce que Déawan me disait de ne pas faire. Aller, Lay, tu devras bien lui parler tôt ou tard, pensa-t-elle.
Alors que Laureya tournait la tête pour enfin planter son regard dans celui de l'homme, elle ne vit pas sa propre prisonnière s'approcher.
- Ex... Excusez-moi ? Je n'ai pas fait attention au temps qui passait. Dans combien de temps le temps libre se termine-t-il ?
La sortie de secours qui arrivait, un peu en retard... Le ventre de Liliana fit un énorme son et la jeune femme se rendit compte qu'elle-même avait faim.
- Je ne sais pas, c'est Erza qui décide. Tu devrais aller la voir pour plus d'informations. Désolée, répondit simplement Laureya d'un ton qu'elle voulait joyeux.
Ce qui n'avait pas vraiment réussi.

- Khyle, ne pense pas des choses comme cela. Moi, en d'autres circonstances, j'aurais voulu être ton amie...
Les paroles de la garde avaient doucement tinté dans les oreilles de Khyle, mais en un tintement dénué de sens.
- « En d'autres circonstances »... répéta-t-il, sa voix se muant en un soupir.
Il vacilla vers l'arrière et retomba dans sa couchette. Les yeux fermés, il entendait les pas de Laureya s'éteindre, baignant la cellule dans un silence de mort très habituel. Dehors, les conversations ne cessaient pas, mais Khyle ne parvenait pas à les déchiffrer. Il sourit légèrement quand il perçut la voix de Ténébris dans le brouhaha. Elle s'était enfin réveillée. Bien qu'il mourait d'envie de venir la voir et lui demander comment elle allait, le blond s'abstint. Il était trop faible pour se relever et s'il le pouvait, comment réagirait la brune en voyant un gentleman déchu et décharné qu'elle ne connaissait pas s'avancer vers elle les bras ouverts ?
Son repos fut interrompu par une voix qui lui était bien familière.
- Khyle j'ai besoin de ton aide... Je vais te sortir de ta cellule. Suis-moi dans mon bureau...
C'était Erza, sa garde. Il serait heureux de l'entendre dans d'autres circonstances, mais le ton haletant et chancelant qu'avait pris sa voix alerta le jeune homme. Brusquement, il ouvrit les paupières et observa la garde du coin de l’œil, complètement indifférent :
- Aller dans ton bureau ? C'est une galéjade, j'espère.
Mais Erza insista. Titubante, elle avait ouvert la porte de la cellule et l'avait imploré :
- Allez, viens... s'il te plaît...
Khyle se mit en position assise afin de lui montrer qu'il aurait beaucoup de mal à la suivre suite à ce qui s'était passé. Entre ses dents serrés, il prononça :
- Oui, je le ferai, à condition que tu m'aides à marcher jusqu'à ton fameux bureau et... Il joignit ses deux bras squelettiques et les tendit à la femme. ... que tu me fasses la jouissance de me mettre des menottes. Qui sait ? Je risque d'être un grand danger aussi loin de ma cellule.

Fireball avait toujours ses signe étranges, ce qui expliqua son éloignement vis-à-vis du groupe. Pourtant, il revint aux environs de sa cellule, à l'intérieur de laquelle Khyle n'était plus.
Tout à coup, Fireball se mit à cracher du sang. Rien de grave, mais ce sang était bien plus clair que la normale. Bon, je ne vais pas me tourmenter pour chaque fait de ma triste vie. Et puis même je suis en taule, qui se préoccupe de mon cas ?
Fireball soupira soudainement ; ses monologues l'attristaient car cela ne cessait de lui rappeler que son meilleur ami était lui-même. Et évidemment, il n'était pas très doué pour engager la conversation.
Sa plus grande question était avec qui engager la conversation. Un gardien, non. Un prisonnier est un peu plus approprié vu qu'il partagent plus de choses en commun. Ténébris ? Non. Lunaya ? Non plus, au vu des événements passés. Liliana ? Pourquoi pas, elle a l'air d'avoir le même problème que moi.
Fireball avait fait son choix, il tenterait de s'adresser à Liliana. Il s’avança vers elle et dit timidement :
- Salut... Ca va ?

- Salut... Ça va ?
La surprise cloua Liliana sur place. Elle était si habituée à la solitude qu'entendre Fireball lui adresser la parole la tétanisa. Elle fut si surprise qu'elle douta à un moment que c'était bien à elle qu'on s'adressait. Elle jeta un regard circulaire dans la pièce, mais constatant que Fireball la regardait timidement, elle comprit.
- Euh... Oui. Enfin, je crois. Pourquoi ?
Elle ne put s'en empêcher. Le ton suspicieux qu'elle avait pris était involontaire. Elle s'en voulut immédiatement. Rares étaient les personnes qui s'intéressaient à elle.
- Dé-désolée. Je... Et toi ?
A force de vivre en solitaire, Lilliana ne savait plus comment interagir avec les autres. Elle bégayait, elle ne savait pas quoi dire, ni comment faire. Et pour ajouter à sa gêne, son ventre recommença ses grondements...

Darius observa la courte conversation entre sa collègue et sa prisonnière, suivie des remerciements de Ténébris, puis le comique dialogue entre Fireball et Liliana. En fait, il se concentrait là-dessus pour éviter un moment son problème : Larueya. Finalement, il prit une grande inspiration et se lança.
- Ecoute, je suis désolée que tu aies assisté à cette scène, avec Khyle. Peut-être n'as-tu jamais vu ça, mais la plupart des gardes sont à un moment ou à un autre touchés par une crise de folie. La plupart passe au travers et cela ne reste au maximum qu'une tache à leur dossier. Je ne cherche pas à me faire pardonner, ce que j'ai fait à Khyle est inadmissible, mais je voulais t'expliquer ce qui était arrivé, et te prévenir. J'ai bien vu que tu regardais parfois Ténébris avec une lueur meurtrière dans le regard. Je ne te demande pas de ma raconter ton histoire, mais je te mets en garde. Imagine ce que tu pourrais faire à une personne que tu hais à ce point quand tu vois comment j'ai agressé Khyle sans grande raison. Méfie-toi et surveille tes pensées, Laureya.
Il resta là, encore une fois en attendant sa réaction. Selon sa réaction, il lui parlerait peut-être de son but premier quand il était venu la voir. Il ne le lui avait pas dit tout de suite parce qu'il avait appris à ses dépens qu'il fallait être doux avec les autres. Le garde se contenta alors de la fixer du regard.

- Essaie toujours....
Pèse bien tes mots, ma fille... se dit-elle.
Elle prit une grande inspiration et chuchota :
- Tu te souviens, l'autre jour... Tu m'as parlé de l'Ombre Rouge et tu as dit que tu ne pouvais plus être Ténébris... Que voulais-tu dire par là ?
L'elfe fit une pause puis ajouta, toujours en chuchotant :
- J'ai plein de questions à te poser... La plus importante est sans doute celle-ci : est-ce que l'on se ressemble ? Je veux dire... Quand tu exécutais tes crimes, qu'est-ce que tu ressentais ? Tu n'es pas obligée de me répondre, c'est dur pour moi de parler de ça... C'est peut-être la même chose pour toi...

- Ecoute, je suis désolée que tu aies assisté à cette scène, avec Khyle. Peut-être n'as-tu jamais vu ça, mais la plupart des gardes sont à un moment ou à un autre touchés par une crise de folie. La plupart passe au travers et cela ne reste au maximum qu'une tache à leur dossier. Je ne cherche pas à me faire pardonner, ce que j'ai fait à Khyle est inadmissible, mais je voulais t'expliquer ce qui était arrivé, et te prévenir. J'ai bien vu que tu regardais parfois Ténébris avec une lueur meurtrière dans le regard. Je ne te demande pas de ma raconter ton histoire, mais je te mets en garde. Imagine ce que tu pourrais faire à une personne que tu hais à ce point quand tu vois comment j'ai agressé Khyle sans grande raison. Méfie-toi et surveille tes pensées, Laureya.
Les mots frappèrent Laureya comme un poing en pleine figure.
- Je ne pense pas qu'un prisonnier puisse écoper de ta folie, Darius. Et en ce qui me concerne, j'ai déjà vu pire... bien pire.
Elle se retint de toutes ses forces pour ne pas penser à ses parents...
- Mais pas venant de quelqu'un comme toi. J'ai juste été surprise, je te croyais beaucoup plus calme. Mais bon, tu as plus d'expérience que moi, tu dois savoir si c'est admissible ou pas. Et puis je ne juge pas ta manière de traiter les prisonniers, mais disons que je apprécie pas particulièrement ce genre de spectacle. Cela me fait penser qu'on est comme eux..
Elle s’arrêta sur ces dernières paroles. Le regard de Darius planté dans le sien, elle ne savait que dire. Rapidement, la garde vit que l'homme n'avait pas fini et glissa un simple :
- C'est tout ?
Evidemment, la jeune femme ne lui avait pas exactement dit ce qu'elle pensait. Elle aurait été nettement moins polie, sinon. Avec un débit un peu plus haut. Il avait osé lui parler de son histoire. Avec Ténébris... Malgré la colère et la tristesse qui la submergeaient, Laureya tenta de rester clame et d'afficher un air plutôt froid et distant à l'égard de Darius.

- Non ce n'est pas tout, je pense comme toi, et je te cite, qu'un prisonnier ne peut écoper de ma folie. J'ai à ma façon présenté mes excuses à Khyle, tu peux le lui demander si tu veux.
Pour Darius, l'attitude de la jeune garde à son égard montrait qu'il avait touché un point sensible. Il avait remarqué ce que sa collègue pensait de lui, il n'était pas aveugle. Mais il ne voulait pas se lancer dans une relation, il avait trop souffert par le passé. De douloureuses images lui revinrent en esprit. Celle d'une de ses anciennes relations, le visage souriant, le même visage plein de surprise, un soir qu'il était rentré plus tôt de son travail quand il l'avait surprise avec un autre homme, et enfin encore une fois le même visage empli d'horreur quand Darius s'avança vers elle, alors que sont amant assommé gisait derrière lui. Le visage du garde se crispa un instant, puis il continua.
- Et d'après ta réponse et ton attitude, ma prisonnière a eu un impact important dans ta vie. Qu'a-t-elle fait ? Tué tes parents ? J'ai perdu les miens à onze ans, tués par mon frère, que j'ai ensuite pourchassé pour l'éliminer. Chose que j'ai toujours regrettée. Ténébris ne peut pas t'avoir fait pire selon moi.
Le garde lui avait jeté ces paroles au visage. Il se força à se calmer, Laureya n'avait pas à souffrir de ses souvenirs. Il se força à être plus doux.
- Bon, si tu veux encore parler de cela, ça ne me dérange pas, mais si tu essaies toi aussi de venger tes parents, je serai sur ton chemin.
Darius se détourna sans regarder derrière lui, connaissant assez la jeune femme pour savoir qu'elle ne l'attaquerait pas. Il retourna épier la conversation entre sa prisonnière et celle de la garde qu'il venait de quitter.

L'envie de sauter à la gorge de Darius était forte, très forte. Il la traitait comme si ce qui était arrivé devant ses yeux n'avait rien d'important. Il n'avait pas le droit. Non, il aurait pu tout lui faire, mais pas ça. Son monde s'écroulait devant ses yeux bleus pleins de larmes. Son regard fuit encore une fois celui de Darius. Les souvenirs la submergeant, Laureya laissa filer le garde. Mais cette fois, s'en fut trop. Les larmes roulèrent sur ses joues, identiques à celles d'il y avait de cela quinze ans. Que devait-elle choisir ? Pouvait-elle choisir ? La blonde ne savais même pas si elle serait capable de faire une telle chose. Par contre, la flamme de vengeance qui avait autrefois brûlé en elle reprenait parfois le dessus. Les yeux emplis de larmes salées, Laureya se concentra sur sa dague, essayant d'effacer le souvenir de l'homme lui crachant ces paroles au visage. La jeune femme avait réussi à ignorer Ténébris.
Mais en serait-elle toujours capable ? Pourrait-elle oublier que cette tueuse avait commis un crime qui avait ruiné son enfance ? Elle tenterait. Pour Darius. Et pour Déawan.