Khyle fut le dernier à sortir de sa cellule. Furtivement, il s'empara de sa pièce d'échecs et se dirigea vers les autres comme si sortir de sa cellule était toujours interdit. Il vit son compagnon de cellule, Fireball, s’effondrer devant ses yeux. L'ignorant, il enjamba son corps inerte et sortit de sa cellule le visage impassible. C'était tout à fait normal pour un prisonnier de s'évanouir avec le peu de soin qu'on leur donnait. Sortant rarement de sa prison où il y restait recroquevillé sur lui-même la plupart du temps, la démarche de Khyle était complétement disgracieuse et titubante. Impossible de revoir le beau jeune homme à la posture droite qui était arrivé à Barek il y avait de cela 6 ans.
Ce temps libre commençait très bien. A voir cette rage imminente dans les prunelles de gardes et prisonniers lorsque Ténébris avait fait son entrée à Barek, Khyle pensait que le temps libre était une occasion parfaite pour que tout le monde se jetât sur elle. Mais à sa grande surprise, ils se comportaient bien à son égard et Lunaya lui avait même proposé de discuter.
Khyle n'aimait pas énormément les temps libres. Pour lui, c'était comme un jour normal de prison où la seule différence était que la porte était ouverte. En effet, les temps libres étaient faits pour que les prisonniers discutent ensemble, compatir à leurs souffrances et apprendre à se connaître ; néanmoins, rares étaient ceux qui adressaient la parole à Khyle...Tous le considéraient comme un fou qui pensait et qui ne parlait que de jeux d'échecs. Tous les prisonniers avaient ce brin de folie dans l'esprit qui les poussait à commettre des crimes, mais d'après eux, personne ne pouvait être aussi fou que Khyle : cette pièce de jeu qu'il ne lâchait jamais, son regard pétillant, ses fréquents rictus, le tout mélangé à ses anciennes habitudes de gentleman faisait de lui un fou absolu.
Sans prévenir, l'annonce du rêve de Fireball lui revint à l'esprit. Qu'était-ce déjà ? ... La prison de Barek en flammes... Khyle haussa les épaules où retombaient ses cheveux blonds, un sourire forcé sur les lèvres.
- Un rêve peu avoir plusieurs interprétations, après tout, murmura-t-il. Tout comme une prophétie.
Sans poser son regard jaune verdâtre sur personne, il déambulait dans les couloir d'un coté vers un autre, sans but précis.

Spoiler:

Bon sang, Darius s'était à peine assis que Laureya revenait déjà ! Ah, l'impétuosité de la jeunesse... Après avoir écouté le plan de la jeune garde, il réfléchit un moment, puis donna son verdict.Ca pourrait marcher. Après tout, même si j'aurais fait ça pour n'importe qui, je l'ai immédiatement signalé quand elle s'est fait attaquée par sa prisonnière. Et puis, même si ça faisait partie de mon plan, je suis allé lui parler directement au début du temps libre. On pourrait trouver cela étonnant vu notre grand écart d'âge, mais ce ne serait pas impossible. Ca serait facile d'entretenir cette impression. se disait-il.
- Bon, ça me va de faire semblant, mais je mets deux conditions : premièrement, tu pourras te servir des informations que l'on aura récoltées comme tu le veux mais ce que tu feras à Ténébris ne devra jamais la tuer, sinon je t'en empêcherai ; ensuite, si Erza me pose directement la question, je devrai lui dire la vérité, mais seulement ce qu'elle a demandé, et non tout lui révéler tout le plan si elle demande par exemple si on amasse des infos sur ma prisonnière. Je ne peux pas mentir à ma supérieure, ce serait trop risqué. Si ça te va toujours, va écouter la conversation de nos prisonnières pendant que je surveille les autres.
Après quoi, le garde se tut et continua son travail de surveillant, maintenant que les deux avaient donné leurs conditions, Laureya n'avait plus qu'à les accepter ou les refuser.

Laureya avait sagement écouté les conditions de l'homme. Bon, d'accord, elle s'y attendait. Mais cela lui plaisait quand même. Cette fois, elle aurait de l'aide pour amasser des informations. La jeune garde avait bien vu que la différence d'age entre elle et Darius avait dérangé le garde au début. Mais il avait tout de même accepté !
- J'accepte. C'est un bon marché. Je ne tenterai rien qui puisse la tuer. Enfin, j'essaierai ! Je suis d'accord pour ce qui est d'Erza, mais moi je l'éviterai simplement, afin qu'elle n'ait pas de soupçons... De toute façon je n'ai jamais vraiment apprécié cette femme... Je vais les écouter. A tout à l'heure.
Elle se dirigea tranquillement vers l'endroit où Lunaya et Ténébris se tenaient, s'assit puis sortit sa dague et commença à jouer avec. Son comportement aurait pu paraître anormal si ce n'était pas ce qu'elle faisait toujours. Les criminelles n'eurent pas l'air de se rendre compte de quoi que ce soit et Laureya put rester assise à écouter ce qu'elles disaient.
Malgré tout, la jeune femme était un peu lunatique et ses pensées voguaient de temps à autre vers autre chose que leurs paroles. Elle pensa à la manière dont elle pourrait se venger de Ténébris, elle pensait aussi au beau Darius assis plus loin avec qui elle passerait plus de temps... Bref, l'arrivée de son ennemie jurée ne lui amenait pas que du mal si ce n'était que le souvenir douloureux de ses parents... Une fois de plus, écoutant distraitement la conversation des prisonnières, Laureya regarda le garde. Il avait de long cheveux noirs, de magnifiques yeux verts et était bâti... très bâti. Il aurait facilement pu plaire à la jeune garde s'il n'avait pas été aussi âgé, ni été son collègue.

Fireball après s’être effondré avait été envoyé au centre médical où lui fut diagnostiqué un trouble psychologique ; la moindre blessure à la tête pourrait lui causer de sérieux dégâts. Heureusement pour Fireball, ses visions s'arrêtèrent grâce au traitement.
Temps libre à la noix ! Je ne peux même pas dormir dans cette sphère.
A première vue, Fireball avait l'air d'avoir retrouvé son état normal. Malheureusement, il ne savait que faire de son temps libre.
Parler aux prisonniers ? Il n'avait jamais eu d'amis, étant plus jeune qu'eux, et ne savait pas réellement engager la conversation.
Alors il restait dans son coin à méditer, et c’était sûrement mieux ainsi.
Il pensait aussi à un plan d'évasion, même si Barek n’était pas une passoire et ne laissait sortir, et encore moins entrer les personnes à leur guise.
Il devait faire le point sur ce qu'il avait vu depuis son arrivée.

Bon, Darius était plutôt satisfait de son marché avec sa jeune collègue, mais il avait pris l'habitude de s'organiser un réseau d'informateurs presque partout où il allait. C'était un début mais ça ne lui semblait pas suffisant. Bon, il n'y a personne dans les gardes que je puisse intégrer dans mon réseau alors je n'ai pas le choix, je dois me tourner vers les prisonniers. Mais qui ferait l'affaire ? Pas Ténébris, elle vient d'arriver.
Il réfléchit un instant et la réponse lui parut soudain évidente. Khyle ! D'après ce qu'il avait pu voir, il avait un étrange comportement mais ça lui semblait être le seul susceptible d'accepter. Darius l'avait vu parler avec Erza. Peut-être pourrait-il lui fournir des informations. Et en plus, en s'y prenant subtilement, le prisonnier ne se rendrait pas compte des services qu'il rendrait au garde. L'ombre d'un sourire flotta un instant sur ses lèvres, mais disparut rapidement pendant qu'il s'approchait du prisonnier.
- Salut Khyle, tu veux parler ? Faut pas rester dans ton coin, les temps libres sont faits pour les prisonniers ! Si t'es tout seul, t'en profites pas ! Et puis, même si on n'est pas du même côté des barreaux, rien nous empêche de discuter ! Et puis, ça t'intéresse ?
Le garde attendit péniblement les secondes avant la réponse du prisonnier, espérant ardemment qu'il dît oui.

Khyle se retourna vers Darius et l'ombre d'un sourire plana sur son visage. En entendant la voix du jeune garde l'appeler, le prisonnier avait tout de suite pensé que son esprit lui jouait des tours. Néanmoins, quand il vit le regard vert du prisonnier plonger dans le sien, le blond constata que c'était bel et bien réel. Son rictus ne demeura que quelque temps pour ensuite laisser place à un air grave.
- Darius... Tu es la dernière personne qui figure dans la liste de ceux qui ont assez de résolution pour perdre leur temps avec moi. Mais c'est vrai, ce que tu dis : derrière ou devant les barreaux, quelle est la différence ?
Le jeune prisonnier prit place sur un des vieux tabourets rongés par les mites et fit poliment signe à Darius de s'asseoir sur le siège d'à coté. Khyle se méfiait beaucoup du garde. Ils avaient passé une très longue période sans échanger le moindre mot et ce jour-là, le garde arrivait et lui demandait s'il voulait parler. Tout ça paraissait suspect... Darius avait certainement autre chose derrière la tête que seule une conversation pouvait extirper.

Darius avait été soulagé que Khyle acceptât de parler avec lui. Cependant, quelque chose chez le jeune homme lui disait que c'était possiblement la personne la plus intelligente de l'étage. Le garde n'aurait d'ailleurs pas été surpris si le prisonnier s'était dit que son attitude était suspecte. Avec ce prisonnier, il faudrait être patient et des discrets, subtil et prudent pour obtenir ce qu'il voulait. Après s'être installé devant le prisonnier, il le regarda dans les yeux et s’efforça de prendre un ton amical.
- Heureux que ça te plaise ! Et on pourrait parler longtemps de la faible différence entre être devant ou derrière les barreaux. On est tous les deux ici sans avoir beaucoup d'activités pour passer le temps. Mais bon, j'ai cru comprendre que tu adorais jouer aux échecs... ? dit-il d'un ton légèrement ironique. Eh bien, si tu as eu le temps de fabriquer toutes les pièces, on pourrait faire une partie. Même si tu es sans doute meilleur que moi, je suis prêt à jouer. Sinon, ça ne fait rien, on peut discuter de ce que tu veux. Après tout, moi non plus j'ai pas grand chose à faire. C'est toi le patron sur ce point. Note bien que j'ai précisé sur ce point, alors ne me demande pas de te faire sortir hein ? lui dit le garde en s’esclaffant tout étant sérieux.

Ténébris savait que sa présence n'augurait rien de bon. Tous ces prisonniers, quels que soient les meurtres commis, la haïssaient. Elle sentait par ailleurs que la tension montait au sein de la prison, et ignorait si son dégoût d'avoir été capturée était à l'origine de cette atmosphère lourde.
Tout le monde l'épiait, c'était évident. Une elfe aveugle l'aurait remarqué. Et puis de quoi se mêlaient-ils, ces malfrats ? Ténébris frappa le sol avec son poing.
Elle intercepta une partie de l'échange entre Khyle et Darius, qui disait en s'esclaffant :
- J'ai cru comprendre que tu adorais jouer aux échecs... ?
Ténébris ne put s'empêcher de rire et de lancer au garde d'un air mauvais :
- C'est sûr, les échecs, c'est bien un jeu pour les gardiens de prison qui n'ont rien su faire d'autre dans leur vie. La prisonnière poursuivit en prenant un air ennuyé, de sorte à voir les lieux s'animer un peu. Et sinon, quelqu'un a un plan de Barek ? C'est pas tout, mais je ne compte pas passer ma vie ici.

- Eh oh ! Tu m'écoutes, au moins, la nouvelle ?! On a vraiment l'impression que tu es sourde !!! Ah, lala !!! Mais pourquoi je perds mon temps avec toi ?!
Agacée, Lunaya secoua la tête.
Mais qu'est-ce que je fais avec une pimbêche pareille ?! Qu'est-ce qui m'a pris d'aller lui parler ?!
- Ah, et pour info, personne, à part les gardes, et encore, n'a de plan de la prison ! Nos gardiens ne sont pas fous !
Histoire de passer le temps, l'elfe fouilla dans les replis de sa tunique qu'elle avait essayée de préserver au maximum, et en sortit bientôt son jeu de dames de poche. Puis elle proposa à Ténébris :
- Tu veux y jouer avec moi ? J'adore ce jeu, mais ce qui m'embête, c'est que j'ai toujours besoin d'un partenaire... Bon, alors, tu veux bien jouer ?

- Eh oh ! Tu m'écoutes, au moins, la nouvelle ?! On a vraiment l'impression que tu es sourde !!! Ah, lala !!! Mais pourquoi je perds mon temps avec toi ?!
Ténébris s'apprêtait à lui répondre, mais la dénommée Lunaya insista :
- Au fait pour info, personne, à part les gardes, et encore, n'a de plan de la prison ! Nos gardiens ne sont pas fous !
Ah, voilà un donnée intéressante !, pensa la nouvelle venue, qui se disait que cette elfe avait mine de rien des choses intéressantes à raconter. Cette dernière lui présenta une sorte de boîte en bois.
- Tu veux y jouer avec moi ? J'adore ce jeu, mais ce qui m'embête, c'est que j'ai toujours besoin d'un partenaire... Bon, alors, tu veux bien jouer ?

Ténébris toisa le jeu avec dédain. Puis ce fut la curiosité que l'on put lire dans son regard. Et puis pourquoi pas ? Si je suis amenée à croupir ici un bon moment, autant en profiter pour apprendre des choses. Elle se leva, s'approcha de l'elfe, malgré tout hésitante. Mais si elle me piégeait ? En plus... roh, et puis tant pis, tout le monde sait qui je suis, connaît la nature de mes crimes. Qui oserait me faire du mal dès mon arrivée ? Ces gens sont très intelligents, je ne dois pas l'oublier. Il leur faut du temps pour élaborer un plan digne de ce nom.
Le regard de Lunaya soutenait le sien. Ténébris lui sourit.
- Si tu m'expliques les règles, que je tâcherai de respecter, plaisanta-t-elle, je veux bien faire une ou deux parties.

- Si tu m'expliques les règles, que je tâcherai de respecter, plaisanta-t-elle, je veux bien faire une ou deux parties.
- Super !! Bon, je t'explique : c'est un jeu de dames, les règles sont très simples, alors c'est facile de les respecter, dit Lunaya en sortant des pions noirs et blancs, puis en les positionnant sur le plateau. Les pions ne peuvent avancer et prendre qu'en diagonale d'une case sur les cases noires. La dernière rangée de pions, là, elle désigna la rangée la plus près du bord, doit toujours être défendue, car si un pion du camp adverse arrive sur une de ces cases, il prend un de ses pions qui a été pris avant et devient une dame, qui avance en diagonale, mais de la longueur qu'elle veut, du moment que c'est sur la même diagonale. La dame peut être prise par un autre pion et n'est donc pas invulnérable. On ne peut pas prendre un pion ou une dame qui se trouve sur la bordure du plateau. Il faut toujours une case derrière pour prendre quoi que ce soit. On ne peut pas non plus prendre deux pions côte à côte sans case vide entre les deux. Il doit toujours y avoir un endroit où se "poser" après un "saut". On peut prendre plusieurs pions à la fois, si on respecte toutes les règles que je viens de citer. On est obligé de prendre : sinon, l'adversaire prend le pion qui aurait pu prendre mais qui ne l'a pas fait, et rejoue. Voilà. C'est les seules règles. Tu les a comprises ?

Lunaya lui expliqua aussitôt les règles, fort compliquées.
- Tu les as comprises ?
- Euuuh... commença Ténébris.
La prisonnière leva les bras pour attirer l'attention des autres.
- Excusez-moi, j'aurais besoin d'un interprète. Lunaya essaie de m'expliquer les règles d'un jeu, mais je n'ai absolument rien compris.
Elle regarda autour d'elle, espérant obtenir une réponse.

Pathétiques. Ils sont tous pathétiques.
Telles étaient les pensées de Liliana à cet instant précis. On s'eût cru dans une cour de récréation. Gardes et prisonniers parlaient joyeusement de choses et d'autres, Lunaya apprenait même à Ténébris comment jouer aux dames.
Comment peut-on être aussi... détendu en sa présence ? Et comment Ténébris peut-elle être aussi décontractée alors qu'elle vient d'entrer dans cet enfer ?
Elle doit être certaine de partir bientôt... lui répondit Gila.
Liliana renifla de dégoût pour la nouvelle prisonnière et détourna le regard. Tous étaient occupés durant ce temps libre. Elle décida de s'occuper elle aussi : autant en profiter. Elle se dégourdit alors les jambes dans le couloir, passant et repassant devant les duos garde/prisonnier ou double prisonniers. Etonnamment, les gardes ne parlaient pas entre eux. La jeune femme avait bien vu Laureya et Darius parler quelques instants d'un air conspirateur, mais ils s'étaient rapidement séparés.
Après maints regards suspicieux de la part de ses "colocataires", Liliana décida qu'il était temps de rentrer dans sa cellule. Elle sentait Gila sur le qui-vive, prête à attaquer pour prendre le contrôle. Il fallait absolument qu'elle se tînt à l'écart si cela se passait.
Quand te laisseras-tu donc faire, ma douce Liliana ? susurra la meurtrière en elle. Il serait si aisé de choisir la facilité... Tu te sentirais si libre de toi-même si tu me laissais m'exprimer autrement que dans ta tête !
C'est justement la facilité que je refuse de choisir. Et n'espère pas un relâchement de ma part.
Elle s'assit dans un coin de la cellule, le plus éloigné de la porte, et débuta une séance de relaxation. Inspiation, expiration...

Ténébris se noyait dans les instructions de Lunaya, dans le flot de personnes qui s'occupaient candidement, dans cette prison. Elle se leva brusquement, renversant violemment le plateau sur Lunaya, qui ne semblait pas comprendre ce qui se passait. Ténébris fit quelques pas pour s'éloigner des autres prisonniers. Elle enfouit la tête dans ses mains et pleura. De rage. Là n'était pas sa place. Sa prison mentale l'avait enfin attirée dans son puissant étau.
Tout se fit clair. Ténébris, la fille de Darkhell, n'était plus. Disparue, la femme qui vantait sa liberté. Et Korbo, qui l'avait presque livrée aux gardes, l'avait détruite. Tout refit surface. Elle eut un haut-le-cœur. Elle vomit sa haine. Et hurla.

Laureya avait écouté les longues explications de Lunaya sur le jeu des dames. Malheureusement pour elle, la garde n'apprit pas grand chose sur les deux prisonnières. Son attention se détourna des deux femmes et son regard se posa sur sa prisonnière, Liliana, qui marchait sans grande conviction. Ensuite, la belle brune se raidit puis se dirigea vers sa cellule pour s'y enfermer. Laureya la regarda, perplexe. Et si j'allais la voir ? pensa-t-elle. La jeune femme n'eut pas le temps de se poser la question plus intensément que Ténébris bougea. Son attention se reporta immédiatement sur elle, oubliant Liliana. C'est alors que Ténébris s'éloigna, prit son visage dans ses mains et commença à pleurer ! Laureya n'en croyait pas ses yeux ! Elle, célèbre tueuse, fille du sorcier Darkhell et meurtrière de ses parents, Ténébris pleurait. Et pendant un instant, si minime soit-il, la garde eut de la compassion pour la jeune femme. Mais elle se ressaisit rapidement lorsque celle-ci se mit à hurler. La blonde paniqua. Il fallait la remettre dans sa cellule, mais comme elle était la prisonnière de Darius, Laureya n'en avait pas l'autorisation. Le temps libre devait se terminer ou sinon tout le monde courrait a sa perte. Elle prit une décision. Et courut jusqu'au bureau d'Erza... La garde arriva en cherchant son souffle puis balbutia quelque chose comme :
- Ténébris... pleurer... crier... fin temps libre...

Lunaya sursauta quand Ténébris lui renversa le plateau sur les genoux et se leva brusquement. D'un rapide geste de la main, elle rangea les pièces dans le plateau et le plateau dans sa tunique. Ce jeu était son plus grand trésor et, hormis une chaînette qu'elle portait au cou, c'était le seul souvenir qu'elle tenait de ses vrais parents. Et la nouvelle avait failli le casser ! En colère, elle se leva pour aller dire deux mots à Ténébris. Elle était à mi-chemin lorsqu'elle hurla et commença à pleurer. Un instant, l'elfe s'immobilisa, comme pétrifiée. Puis elle se dit que Ténébris devait se sentir mal, ou autre. Mais pourquoi ? Puis une partie de son esprit, qu'elle croyait bouclée à double tour, prit le dessus et lui commanda d'essayer de réconforter Ténébris. Hésitante, elle s'approcha, s'attendant à être repoussée sans ménagement. Enfin, elle s'enhardit et réussit à articuler :
- Qu'est-ce que tu as ? Tu veux que je t'aide ? Tu peux m'en parler, tu sais. Je suis sûre que tu te sentirais mieux si tu t'ouvrais aux autres.
Lunaya lui parlait comme s'était adressée à un faon orphelin qu'elle avait sauvé, plusieurs années auparavant. Elle avait eu du mal à l'apprivoiser, et avait eu recours à des gestes lents et à une voix douce en permanence. En voyant ainsi Ténébris, elle avait eu l'impression de revoir ce faon craintif qu'elle avait trouvé dans un buisson, tremblant de froid, lorsqu'elle avait douze ans...

- Qu'est-ce que tu as ? Tu veux que je t'aide ? Tu peux m'en parler, tu sais. Je suis sûre que tu te sentirais mieux si tu t'ouvrais aux autres.
Ténébris fit un brusque mouvement menaçant pour éloigner Lunaya, qui, malgré sa peur apparente, essayait de l'aider. Elle murmura :
- Je n'ai pas besoin d'aide. Je n'ai jamais eu besoin de m'ouvrir aux autres. Je ne...
Elle voulut parler plus fort pour que Laureya ne prévienne pas les autres gardes, mais les forces lui manquèrent. Elle l'entendit vaguement, au loin, bredouiller, essoufflée :
- Ténébris... pleurer... crier... fin temps libre...
Ténébris tenta péniblement de se relever, mais trébucha et s'écroula au sol. Constatant que Lunaya était décidément affolée, la prisonnière prit l'elfe au niveau du poignet gauche, l'attira vers elle et lui glissa quelques mots dans l'oreille.
- Ca ira. Je ne peux... faire confiance... à personne. Je ne peux plus... être Ténébris.... Ma liberté... Korbo...
Elle ne put achever sa phrase car elle fut prise de convulsions qui l'obligèrent à lâcher prise. Avant de perdre connaissance, elle put apercevoir que certains prisonniers, qu'elle soupçonnait d'être emplis de haine, la fixaient sans le moindre signe de compassion.

Darius avait assisté à toute la scène, mais il se décida à agir quand Ténébris s'effondra sur le sol sans connaissance.
- Bon, les prisonniers, éloignez-vous de Ténébris, je vais m'en occuper. Continuez vos activités, vous pouvez rien faire d'autre.
C'est ma prisonnière, je dois bien faire ça. Et malgré ce qu'elle a fait, c'est quand même un être humain, je ne peux pas la laissez souffrir sans rien faire.
Et puis, surprenant les regards que lui lançaient certains prisonniers, il s'exclama :
- Non, je n'ai pas l'intention de la réanimer à coup de claques. Et même si c'était ça, vous ne pourriez rien faire. Alors éloignez-vous !
Il prit ensuite la prisonnière dans ses bras et l'installa sur sa couchette.
Il resta un instant auprès d'elle, s'assura qu'elle respirait correctement, puis sortit de la cellule. Il alla ensuite voir Erza pour lui rapporter l'incident. Arrivé là-bas, il remarqua Laureya, et vit que sa chef l'observait.
Eh bien, autant en profiter, songea-t-il. Il fixa Laureya un instant avec l'ébauche d'un sourire, puis secoua la tête un instant, retrouva son air indifférent, puis fit son rapport. Si ma chef ne comprend pas ce signe, alors je n'aurai pas besoin de me forcer pour avoir un peu de liberté. Après son rapport, il retourna s’installer sur son siège et surveilla sa prisonnière.

- Ca ira. Je ne peux... faire confiance... à personne. Je ne peux plus... être Ténébris.... Ma liberté... Korbo...
Ténébris lui avait agrippé le poignet et lui avait murmuré ces quelques mots. Deux choses empêchèrent Lunaya de lui répondre : prise de convulsions, Ténébris lâcha prise et Darius, un garde, leur demanda de s'éloigner de la fille de Darkhell. Puis Darius prit sa (peut-être) nouvelle amie dans ses bras et la porta sur sa couchette. Lorsque le garde revint après avoir fait son rapport, l'elfe lui demanda :
- Dis, qu'est-ce qu'elle a, exactement ? C'est grave ? Après une pause, elle ajouta : Si tu veux, je peux te remplacer...

Fireball, à peine remis de son malaise, essayait de profiter un maximum du temps libre lorsque le cri de Ténébris lui perça les tympans. Ce cri fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase et qui fragilisa Fireball à nouveau, il ne pouvait rien faire pour arrêter cela jusqu’à ce qu'il remarquât des sortes de signes qui apparurent sur son visage ,enfin ses visages car un des signes avait tracé un trait séparant sa tête en deux et étrangement les signes n'étaient que d'un coté.
Mais c'est quoi ces signes ? Il se passa quoi dans ma tête ?!
Je peux te le dire...
Mais qui es-tu ? se demandait intérieurement Fireball.
Fireball était devenu schizophrène après les longues heures passées en prisons... La face séparée avec des symboles représentait son mauvais côté.
Fireball était bon, au fond, mais fou.

Depuis le début de la conversation avec Darius, Khyle priait pour qu'elle eût un terme le plus vite possible. Il voyait clairement, qu'au fond, le garde ne prenait pas plaisir à parler avec lui et cela le dégoûtait.
N'y a-t-il personne de sincère, ici ?, se disait-t-il avec dédain.
En effet, il préférait largement voir quelqu'un lui balancer au visage tous ses défauts que s'efforcer à cacher ce qu'il pensait de lui. Même si la première option faisait plus preuve de sincérité, elle blessait tout autant que l'autre.
Le cri de Ténébris réveilla en lui autant de soulagement que d’inquiétude. Soulagement car ce cri marquait la fin de sa conversation avec Darius et inquiétude... il ne sut le dire. Comme tous les autres prisonniers, Khyle jeta un regard indifférent au corps de Ténébris qui se contorsionnait de douleur. Ce n'était pas la haine qui formait cette barrière qui bloquait sa compassion, mais l'habitude. Il avait vu beaucoup de gens mourir devant ses yeux dans des souffrances plus atroces que celles qu'endurait la fille de Darkhell.
Le jeune prisonnier s'écarta pour laisser passer Darius. Le garde faisait preuve de courage. Il laissait de coté sa haine et s'occupait d'elle de forme décente sans utiliser les claques par lesquelles Khyle était passé. Clairement, Darius avait dit aux prisonnier de reprendre leurs activités. Donc Khyle s’exécuta : il s'assit dans un coin près de la cellule de Ténébris et se remit à manipuler sa pièce de jeu d'échecs en pensant à tout et à rien.
L'image de Ténébris se convulsant vint se mêler dans ses pensées. En la voyant dans cette situation, il avait senti tout au fond de lui quelque chose qu'il n'avait pas ressenti depuis des années : l'inquiétude. C'était loin d'être l'inquiétude qu'il ressentait à chacun de ses crimes, la crainte que quelqu'un découvrît que la victime avait été tuée de sa main, c'était de la peur, la peur que quelque chose de grave arrivât à un être cher. Une inquiétude qui s'était fossilisée en lui venant d'être ravivée par ce qu'il venait de voir. Pourquoi ressentait-il tout cela ? Et pourquoi pour Ténébris ? Il ne sut répondre.
Ce n'était pas évident de savoir combien de temps s'était écoulé car les secondes passaient comme des heures, mais le fait était que Darius sortit enfin de la cellule et se rassit sur le tabouret où il s'affaissait habituellement. Khyle se leva et ouvrit la bouche pour demander des nouvelles, mais Lunaya était arrivée avant lui, l'obligeant à renoncer.

- Dis, qu'est-ce qu'elle a, exactement ? C'est grave ? Si tu veux, je peux te remplacer...
Comment peut-elle vouloir s'en occuper, surtout après la façon dont s'est comportée Ténébris avec elle ? Personnellement je ne m'inquièterais pas vraiment de la santé de la personne qui m'ignore et essaie de bousiller les trucs que je lui montre. Enfin, elle a droit à une réponse.
- Je sais que c'est difficile à voir, mais je ne suis pas un médecin, contrairement à ce que pourra laisser penser ma stature assez frêle ironisa-t-il. Mais d'après ce que j'ai pu voir, elle a tous les symptômes de quelqu’un qui s'est évanoui. Satisfaisant pour ce qu'elle a ? Ensuite, si tu veux jouer les gardes-malades, libre à toi, même s'il est vrai que j'ai autre chose à faire que de veiller une prisonnière que est censée être la plus dangereuse d'Alysia mais qui s'évanouit pour rien dès son premier jour en prison. Ah, et un dernier conseil : si tu t'imagines t'en faire une amie, abandonne tout de suite cette idée ! Maintenant, fiche-moi la paix et fais ce que tu veux !
Darius s'était levé et dominait la prisonnière d'une bonne tête. Il la regarda un instant, se rassit et lui tourna le dos, empli d'une rage impuissante contre tout l'univers.
Marre de cette existence en prison où je suis pas mieux traité qu'un prisonnier ! Marre d'obéir pour faire souffrir les autres ! Marre de cette existence ! J'en ai marre de cette vie ! Que quelque chose, n'importe quoi, modifie mon existence ! Il resta installé là à se calmer, sans bouger, attendant quelque chose qui nécessiterait son attention.

La proposition de Lunaya fut ridicule aux oreilles de Khyle. Une prisonnière qui joue le rôle d'une garde ? Si le blond ne ressentait pas toute cette inquiétude pour Ténébris, il serait sans doute mort de rire. Mais une pensée lui fit perdre cette envie. C'était sans doute un mensonge, Lunaya ne s'inquiétait pas du tout pour Ténébris, tout ce qu'elle voulait était sûrement s'infiltrer plus facilement dans la cellule de la criminelle et lui faire du mal pour assouvir sa hargne. Il se sentit rassuré car Darius n'allait jamais le permettre. Il n'était pas si bête.
Mais il eut tort. Même s'il lui avait répondu avec arrogance, Darius avait permis à Lunaya de garder la cellule. Le cœur de Khyle se mit à battre plus fort. Lunaya allait faire du mal à Ténébris... Il ne pouvait pas le permettre. Il ne savait pas pourquoi, mais il voulait absolument protéger Ténébris.
Les jambes du jeune homme le portèrent jusqu'à Lunaya et Darius. Il s'entendit hurler :
- Depuis la première fois que j'ai mis les pieds ici, je me suis demandé si l'autorité royale a fait le bon choix en choisissant les gardes de cette prison ! Des gardes qui cherchent à faire amitié avec les prisonniers, des gardes qui s'en occupent comme des mères et des gardes qui permettent à un prisonnier de prendre leur rôle ! Je ne suis pas masochiste, je dis seulement à contrecœur que vous, les gardes, avez en devoir de nous faire souffrir ! On est à la prison Barek ? La prison où sont détenus les pires criminels d'Alysia ? Que dirons les habitants de villages, de royaumes, quand ils apprendront que les assassins de leurs amis et de leur famille sont bien traités en prison et ne se lamentent pas de leurs erreurs passées ?! Hein ?!
Sur ces mots, Khyle fixa sur Lunaya ses yeux brillants de rage. Mais sa voix se fit plus calme :
- Ce sont les prisonniers qui sont cruels les uns envers les autres. Quand on s'y attend le moins, ils sont prêts à se faire du mal. Au fond, Darius, tu as raison de céder ta place à cette fourbe. Il pointa Lunaya du menton. Prisonniers ? Gardes ? Dans cette prison, où est la différence ?

Dairus tentait en vain de trouver un moyen de déverser sa rage, et voilà que Khyle arrivait... Tant pis pour lui, il allait écoper pour toutes les frustrations que le garde avait accumulées. Et tant pis si Erza le renvoyait, tout ce qu'il voulait, maintenant, c'était se défouler sur Khyle.
- Dis-moi, Khyle, tu trouves que nous sommes trop doux avec vous ? dit-il d'une voix tendre. Eh bien, ça peut changer, tu sais. Sa voix se fit plus dure. Le garde se projeta vers le jeune homme, le souleva de terre par le collet et se mit à crier. Tu veux savoir la différence entre nous et les ordures comme vous ? D'abord, on a des armes ! Ensuite, on peut vous taper comme ça...
Darius donna un coup de poing dans le visage de Khyle.
- ... ou aussi comme ça...
Cette fois, son poing arriva dans le ventre du jeune homme.
- ... sans que cela ait de conséquences sur nous ! Tu remarqueras ensuite que Lunaya pouvait être là parce que, pour commencer, la porte de la cellule est fermée et que j'ai les clefs, et ensuite que nous sommes en temps libre, elle peut donc aller où elle veut ! Une autre différence entre les gardes et les prisonniers : ce sont les choix que nous avons faits qui nous ont menés où nous sommes et, en observant nos positions respectives, permets-moi de me fier à mes décisions plutôt qu'aux tiennes, Khyle !
Il porta un dernier coup au prisonnier, un coup de genou dans l'entre-jambe cette fois, puis laissa s'effondrer la loque humaine qu'était devenu le jeune homme, le regarda un instant, et retourna s'asseoir comme si rien ne s'était passé.

Erza n'ayant pas vraiment répondu, Laureya attendit. Elle vit Darius arriver et un sourire se dessina sur ses douces lèvres. Le bel homme la regarda et lui afficha un sourire qui fit fondre la jeune femme. Puis elle réalisa à quel point elle était ridicule de s’attacher a quelqu'un qui ne faisait cela visiblement que pour crédibiliser son plan face à leur chef. Le sourire de la garde s'effaça en même temps que celui de Darius, qui avait repris son air froid habituel. Laureya admira le garde et ne put s’empêcher de penser à quel point il était beau. Elle se ressaisit lorsqu'elle le vit partir. Elle ne se rendit compte qu’après quelques minutes, Erza ne lui accordait aucune attention. Elle se sentit stupide.
Elle partit donc, adressant un bref signe de tête à sa supérieure. Lorsque la jeune blonde arriva au coin du couloir, elle entendit Darius s'emporter. Elle se raidit immédiatement. La garde osa franchir le coin et fut quelque peu effrayée par ce qu'elle vit. Ténébris était étendue dans son lit, toujours inconsciente, Lil' toujours dans sa cellule, Fireball n'avait pas l'air très bien non plus. Ce qui la choqua le plus fut le spectacle terrifiant de Darius qui se défoulait sur Khyle sous le regard de Lunaya. La jeune femme avançait à petits pas quand Darius porta son premier coup. Elle eut un mouvement de recul. Jamais Laureya n'avait pensé le beau garde si agressif... A son dernier coup, la jeune blonde réagit, incapable de voir le prisonnier traité de la sorte.
- Non mais arrête, Darius ! T'es fou ou quoi ?! Elle se rapprocha des trois. Tu tiens à te faire renvoyer ? Et puis qu'est-ce qu'il t'a fait, hein ? T'as pas honte de frapper un être humain de la sorte ?!
Son air s'était endurci. Laureya n'aimait pas vraiment la violence, ce qui était assez ironique pour un garde. Ce n'est qu'après qu'elle réalisa qu'elle avait affiché ses pensées sans y réfléchir. La jeune regretta presque lorsqu'elle vit le regard de Darius se poser dans le sien. Malgré cela, Laureya tenta de relever Khyle...
Alors qu'elle peinait à le déposer surs sa couchette, une larme coula sur sa joue. Et si Darius la détestait, maintenant ? Elle avait tellement changé. Elle avait été jusqu'à présent dure et froide, mais depuis l'arrivée de Ténébris, tout changeait. Laureya avait l'impression de redevenir celle qu'elle avait été avant son entraînement.
Celle qu'elle était il y avait de cela 7 ans.

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