Ténébris vit les épaules de Lunaya se soulever tant sa respiration était profonde. L'elfe lui chuchota :
- Tu te souviens... Tu m'as parlé de l'Ombre Rouge et tu as dit que tu ne pouvais plus être Ténébris... Que voulais-tu dire par là ?
Lunaya était embarrassée, cela se voyait. Ténébris la laissa continuer.
- J'ai plein de questions à te poser... La plus importante est sans doute celle-ci : est-ce que l'on se ressemble ? Je veux dire... Quand tu exécutais tes crimes, qu'est-ce que tu ressentais ? Tu n'es pas obligée de me répondre, c'est dur pour moi de parler de ça... C'est peut-être la même chose pour toi...
Les interrogations de l'elfe surprenaient Ténébris, mais celle-ci encaissa les questions sans broncher, impassible. Qu'allait-elle lui répondre ? Allait-elle lui répondre ? Ténébris ferma les yeux pour rassembler ses esprits. Elle se lança, se mettant à nu pour la première fois depuis tant d'années. Sa voix était douce mais pleine d'émotion.
- Lunaya... Tes questions me font chavirer, je ne te le cache pas. Tu vois ? J'en tremble ! Elle avança ses mains, dont elle avait peine à garder le contrôle. Je sens qu'au fond de toi, tu te demandes pourquoi j'ai commis tous ces crimes. Le point de départ m'est difficile à discerner. Elle faillit éclater en sanglots mais sut se reprendre au dernier moment. Je ne pouvais rien ressentir, quand je dupais, quand je tuais ces hommes, ces femmes, ces enfants... Rien ne pouvait m'atteindre, j'étais comme une muraille entourant un sombre château dont l'accès est impossible. Et puis, il y a eu Korbo. Ses poings se serrèrent difficilement. L'amour et la haine se sont côtoyés durant toutes les années pendant lesquelles il était à mes côtés. Les sentiments que j'éprouvais pour lui, qui m'avait domptée, ne peuvent se mesurer. Elle marqua un temps. Ce n'était désormais plus au nom de mon père que j'accomplissais chacune de mes actions, mais au nom de cet homme qui m'avait juré fidélité. Plus rien ne m'atteignait. Rien n'était plus beau, plus glorieux que le couple que nous formions alors.
Lunaya la regardait avec intensité. Ténébris ne sut dire quels sentiments parcouraient l'elfe alors qu'elle lui parlait. Le cœur de la prisonnière s'était mis à battre à tout rompre, rendant difficile son élocution. Elle poursuivit malgré tout, prête à affronter ce qu'elle n'avait jamais su s'avouer.
- J'étais heureuse. Les cadavres qui s'accumulaient sur notre passage célébraient en quelque sorte notre union infrangible. Peut-être était-ce ma façon de lui prouver mon amour ? Je ne sais pas. Ténébris eut un pincement au cœur. Une larme roula sur sa joue. Ce rêve vira au cauchemar. Korbo tua sa sœur, qu'il croyait morte, par mégarde. Il en fut anéanti... Il entra dans une colère noire. Il me brisa... moralement. J'avais beau lui hurler mon désespoir de ne pas avoir été à la hauteur, il restait sourd à mes appels... Il s'était mis à me haïr. La voix de la jeune femme se brisa, ses yeux s'emplirent de larmes qui roulaient les unes après les autres, infatigablement. Et puis il partit. Je ne le retins pas, trop meurtrie pour pouvoir exécuter le moindre mouvement. Il me laissa seule, livrée à moi-même. La haine m'envahit à mon tour, mais ce n'était pas à Korbo que j'en voulais le plus, quoique j'eusse voulu le tuer pour le fixer dans l'instant. J'étais devenue incontrôlable ; je me détestais, je me haïssais, je me maudissais, je me vomissais. Mais rien ne faisait cicatriser cette plaie cuisante. Je me mis à tuer sans vergogne. Je vis des visages tournés vers moi, des humains agenouillés devant mes lames tachées de sang, qui me suppliaient de les laisser en vie. Je n'en épargnai aucun. Tous moururent dans d'atroces souffrances que je ne soupçonnais pas. Elle ne regardait plus Lunaya, elle ne regardait plus rien, laissant les images, gravées dans sa mémoire, défiler inlassablement. La haine avait tout détruit en moi, y compris la conscience d'être poursuivie par les autorités. Un soir, alors que je me dirigeais vers un village que je prévoyais d'anéantir pour tenter d'enlever ce poids de mes épaules, on suivit mes traces. De surprise, je restai clouée sur place. On avait fini par me retrouver. On m'affaiblit davantage. Je ne pouvais rien faire.
Les yeux de la prisonnière brillaient. Elle s'arrêta de parler, laissant flotter un silence gêné. Elle reprit son récit :
- Inutile de te raconter la suite de l'histoire. Elle allait s'arrêter de parler lorsqu'elle se souvint de la première question posée par Lunaya. Je ne suis plus Ténébris. Ténébris fut anéantie par le départ de Korbo. Tu as pu assister à sa destruction complète il y a plus d'une heure. Je ne pourrais définir ce que je suis devenue. Mais la monstrueuse femme sanguinaire et aveuglée par l'amour de son pouvoir, par le pouvoir de l'amour, n'est plus.
La jeune femme s'interrompit. Elle n'attendait aucune réponse, aucune remarque, aucun jugement de la part de Lunaya. Elle s'allongea et ferma les yeux pour tenter d'apaiser ce cœur qui martelait sa poitrine.

Erza ne comprenait pas vraiment la réaction de Khyle ni pourquoi l'homme voulait être menotté. Erza ne pouvait s’opposer à cette idée, c'était là volonté de son ami. Elle mit donc les menottes au prisonnier et l'aida à se lever. Ce fut un effort difficile car la femme était complètement affaiblie par le mal qui la rongeait. Enfin arrivés au bureau, Erza s'assit tout comme Khyle avant de lancer la conversation :
- Khyle, j'aimerais que tu me tues d'une façon accidentelle, si tu vois ce que je veux dire... Je suis condamnée... Il ne me reste plus que quelques heures à vivre. Peux-tu le faire pour moi ? Je t'ai fait un papier de sortie de prison... S'il te plaît... tue-moi ! Je ne peux le faire moi-même...
Erza tendit un couteau à son interlocuteur.

Lunaya avait écouté Ténébris jusqu'au bout. Après un long silence, elle murmura presque :
- Je te remercie pour ces confidences, Ténébris.
Elle n'ajouta rien et repartit vers sa cellule. Elle s'assit par terre, dans son coin préféré et réfléchit à ce qu'elle pouvait faire pour passer le temps avant la fin du temps libre.
Pff... Autant dormir et m'échapper en rêve de cet horrible endroit. Je serai tout de même curieuse de savoir ce qu'est devenu l'Ombre Rouge après avoir abandonné Ténébris... L'elfe se roula en boule et s'endormit, sans deviner ce qu'elle allait rêver...

Erza n'en revenait pas, comment son grand ami pouvait-il lui faire ça... la trahir ?! Elle allait donc mourir avec tant de souffrances ?! Sûrement, elle devait s'y faire... Avant que Khyle ne pût sortir du bureau, Erza poussa un énorme cri de douleur et de tristesse. Elle allait perdre son ami dans d'atroces souffrances... Entre deux cris, Erza réussit à prononcer quelques mots presque indéchiffrables.
- Kh... yle... Mon... Fr... Je t'ai...
Khyle devrait agir s'il ne souhaitait pas la mort d'Erza.

- Moi oui ça va, mis à part le fait que je sois en ta...
Fireball entendit le cri déchirant d'Erza et accourut en ramassant une corde au passage ; alors qu'il passait à coté de l'énorme fenêtre, une mystérieuse forme noire qu'il ne parvint pas a distinguer le poussa dans le vide.
- AAAAHHHH !
Il réussit à se rattraper alors que la forme prenait la fuite. Une seule erreur et c'était la mort, il ne pouvait remonter seul, il devait juste attendre de l'aide et surtout ne pas tomber.

Darius, comme tous les autres, entendit le cri de sa chef. Il regarda autour de lui, et vit que seul Fireball était parti aider Erza. Soit il a un bon fond, soit il s'est adapté à sa vie en prison et il y tient désormais. Dans les deux cas, ça ne change rien au fait que je dois le suivre. Il jeta un bref coup d’œil à Laureya, vérifiant qu'elle restait bien pour surveiller les prisonniers, puis le garde partit au pas de course pour rattraper son retard.
- AAAAHHHH !
Bon, c'est pas Erza, cette fois, et ça ne ressemble pas à la voix de Khyle. Si c'était pour paniquer comme ça, Fireball aurait mieux fait de rester avec les autres.
En passant dans le couloir, il aperçut Fireball, tenant une corde sur son dos, s'agripper au rebord de la fenêtre.
- Tu sais, si tu veux te suicider, tu n'es pas obligé de remonter pour te pendre tu sais ? Si tu lâches le rebord, ça fonctionnera aussi.
Et pendant qu'il parlait, il remonta le prisonnier. A peine avait-il terminé qu'il se dépêcha de repartir voir ce qui arrivait à Erza. Quand il s'y fut presque rendu, il se souvint d'une chose. Ténébris ! Il l'avait laissée avec Laureya ! ENfin, Darius ne pouvait qu'espérer que la garde sût se maîtriser, parce que sa chef était prioritaire à la prisonnière.
- Mais mer** qu'est-ce qui se passe ici ?!
Il attendit la réponse pendant qu'il observait la scène. Erza se convulsionnait sur le sol en criant des syllabes, un couteau planté dans du papier sur la table avec Khyle à côté, le même Khyle qui se dirigeait tranquillement vers la porte.
Mais il faut donc que je m'occupe de tout ici, ou quoi ?
Attendre que les autres lui répondît... il détestait ça. Aussi attendit-il que Khyle se décidât à parler.

Lunaya avait rejoint sa cellule, laissant Ténébris dans les souvenirs qui la hantaient.
Soudain, un terrible cri vint briser le silence qui s'était installé.
- AAAAHHHH !
Quelques bruits de pas résonnèrent autour ; la prisonnière entendit la voix de Darius, qui s'exclamait :
- Mais mer**, qu'est-ce qui se passe ici ?!
Juron proféré, désastre assuré !, pensa-t-elle amèrement.

- Kh... yle... Mon... Fr... Je t'ai....
- Fait confiance ? devina Khyle, sa voix mélangeant sarcasme et déception. Je t'ai souvent admirée, Erza. Tu as toujours été dure avec les prisonniers, tu leur faisais regretter d'avoir commis tous leurs crimes. Néanmoins, je te l'ai déjà dit, la confiance que tu m'as accordée en si peu de temps a brisé l'image que j'avais de toi jusqu'alors. La confiance peut te paraître salvatrice, mais bien au contraire... quand elle est accordée à la mauvaise personne, elle peut devenir le pire des pièges.
Le regard profondément plongé dans celui d'Erza, Khyle ne se retourna pas lorsqu'il entendit un pas pressé suivi d'une voix qu'il connaissait bien. Le prisonnier baissa les paupières laissant ses iris jaunes à moitié occultés et retira le couteau enfoncé dans le bureau.
- Toutefois, Erza Knightwalker, même avec cette erreur que tu as commise, je t'apprécie beaucoup. Tu es l'une des rares personnes que j'ai réellement appréciées dans ma vie. Mais as-tu pris le temps de me regarder ? Je ne suis pas la meilleure personne vers qui il faut se tourner pour soigner un mal qui ronge corps et âme. Je ne peut pas te soigner et je suis quelqu'un d'indigne à mettre un terme à ta vie...
Cette fois, il ferma complètement les yeux puis prit une inspiration si profonde que ses épaules s'en soulevèrent. Les paupières toujours closes, il tendit le couteau derrière lui, vers Darius. S'il y avait quelqu'un de digne dans cette salle pour achever les souffrance d'Erza, c'était lui.

Lunaya sursauta. Etait-ce elle ou avait-elle bien entendu un cri ? Curieuse de savoir ce qui se passait, elle sortit en courant dans le couloir et se dirigea vers le bureau d'Erza.
Là, elle tomba sur une scène qui la laissa bouche bée : d'un côté Fireball en train d'être remonté par Darius, de l'autre, Erza se roulant par terre en gémissant, un couteau planté dans le bois de la table, et Khyle, tranquille, le tendait à Darius qui était arrivé. L'elfe ouvrit des yeux ronds et s'approcha de Darius avec l'intention de lui demander ce qui se passait. Elle avait à peine fait un pas qu'elle sentit quelque chose sur sa jambe qui la piquait.
D'abord, elle ressentit une légère piqûre en-dessous du genou, puis une sensation de brûlure et enfin une grande douleur. L'elfe hurla et perdit conaissance.

Darius entendit le discours de Khyle et l’observa un instant les yeux ronds, ne sachant pas trop quoi faire.
Mais qu'est-ce qui se passe ici ? Enfin, même si ça risque de me mettre dans la mer**, je dois bien exécuter la dernière volonté d'une mourante, à savoir l'achever.
Il prit le couteau des mains de Khyle, s'approcha de sa supérieure et la regarda un instant. Ses yeux étaient emplis de souffrance et de détresse. Son regard à lui seul lui prouvait que Khyle avait dit vrai, et que Erza voulait mourir. Aussi, d'un mouvement rapide et précis de celui qui a l'habitude d'égorger des gens, il ouvrit la gorge d'Erza. C'était selon lui le moyen le plus rapide de tuer Erza sans la faire souffrir. Avec le sang de la garde sur les mains, il se rendit compte de la fragilité de la vie, et il se promit d'en profiter au maximum au lieu de se protéger des événements extérieur. Mais ça, les autres n'avaient pas à le savoir tout de suite. C'est donc un regard impassible qu'il leva vers Khyle qui avait assisté à l'exécution de sa garde et vers Lunaya.
- Voilà, j'espère que tu es content, elle est partie maintenant, j'ai fait la tâche que tu avais trop peur d'accomplir.
Mais un instant, Lunaya... Mer** ! Elle n'avait sans doute pas entendu ce qui s'était dit, et penserait que le garde méritait de se retrouver dans une cellule, tout comme elle. Tout d'un coup, elle poussa un grand cri de douleur, Darius trouvait qu'il y en avait beaucoup aujourd'hui, et s'évanouit sur le plancher. Le garde vit brièvement une silhouette qui courait dans le couloir. Le garde ne prit pas la peine de se lancer dans une poursuite, d'après ce qu'il avait vu, la personne qu'il avait aperçue courait deux fois plus vite que lui. Maintenant que Erza était morte (de sa main), il était temporairement responsable de son étage puisqu'il était le plus expérimenté des gardes. Aussi commença-t-il à distribuer ses ordres.
- Toi, Khyle, retourne dans ta cellule, ce temps libre a assez duré et j'ai cru comprendre que tu n'appréciais pas vraiment cela de toute façon.
Il prit Lunaya sur ses épaules et se mit à courir en direction des cellules. En chemin, il trébucha sur quelque chose. C'était Fireball, qui ne semblait pas encore remis de sa presque chute dans le vide.
- Toi, aide ton ami à rejoindre votre cellule ou demande-lui de t'aider. Et je me fiche que ce ne soit pas ton ami, aide-le, point final. Tout ce que je veux, c'est que vous retourniez dans votre cellule, je me fiche comment.
C'est la première fois qu'un truc comme ça m'arrive, mais il faut que je reste clame. Si le responsable panique, la plupart va suivre le mouvement.
Arrivé au bout du couloir qui débouchait sur l'aire des prisonniers, il aperçut avec soulagement que Laureya n'avait pas tenté d'éliminer Ténébris.
- Bon allez hop tout le monde, on retourne dans sa cellule, ne dites pas que c'est Erza qui décide, vous faites ce que je dis ou je recommencerai le traitement que j'ai infligé à Khyle !
Pour la dernière menace, il n'était pas sérieux, mais cela avait visiblement fait son effet. De tous les prisonniers dans la salle, c'est-à-dire uniquement Liliana et Ténébris, seule cette dernière restait à sa place. Sans perdre son temps, il déposa Lunaya sur le sol, courut vers Ténébris, la souleva de terre et la porta dans sa cellule, où il l'enferma. Il apporta ensuite ensuite Lunaya dans sa cellule. Il dit alors à Laureya :
- Je tiens à te préciser que ma menace n'était pas sérieuse. Ensuite, il faut que je te le dise, Erza est morte et je vais aller l'annoncer à nos supérieurs. Je compte sur toi pour surveiller les prisonniers. Fireball et Khyle devraient revenir bientôt, tu peux les interroger si tu veux savoir ce qui est arrivé.
Là-dessus, il partit au pas de course vers un autre couloir pour informer ses chefs de la mort de sa supérieur.

Spoiler:

Ténébris avait été reconduite dans sa cellule ; Darius avait bien fait, car l'agitation qui régnait autour — cris, pas pressés, odeur du sang, échanges secs entre gardes et prisonniers — la dépassait complètement. Au moins, dans son cachot, elle ne risquait pas de se faire piétiner par des individus affolés courant dans tous les sens. Tranquillement, elle s'assit et contempla le mur qui se tenait, imposant, face à elle : il était malgré tout plutôt quelconque ; grisâtre, terne, en pierre probablement ensorcelée pour être très solide. Un simple mur. La jeune femme eut un discret rire amer car elle réalisait que la célèbre Ténébris, cette meurtrière si particulière, s'était retrouvée là, à contempler un vulgaire mur qu'elle n'avait pas le pouvoir de briser. De toute manière, elle n'en ressentait ni l'envie, ni le besoin. Ces conditions d'emprisonnement l'avaient aidée à recouvrer ses esprits et à amputer en elle l'horrible assassin qui avait pris le dessus toutes ces années.
Puis elle plongea dans ses pensées, qui, sans qu'elle sût pourquoi, la conduisirent à songer à Lunaya. Elle ignorait pourquoi elle avait joué cartes sur table, pourquoi elle s'était livrée aussi facilement, abaissant ainsi ses barrières mentales qu'elle avait bâties toutes ces années. Mais c'était fait. Ténébris en ressentit même un soulagement, comme une plaie qui pouvait enfin se refermer. Bien sûr, la cicatrice resterait à jamais gravée en elle, mais au moins, la blessure n'était plus cuisante.
La prisonnière, épuisée par les derniers événements, s'endormit, un sourire paisible se dessinant sur son visage.

Lunaya gémit et se retourna dans sa cellule. Elle avait l'impression que tout son corps était en feu. Elle ouvrit les yeux, mais elle n'eut pas le temps de distinguer complètement l'endroit où on l'avait emmenée. Ses paupières devinrent très lourdes, et l'elfe sentit qu'elle allait s'évanouir. Luttant contre son engourdissement, elle parvint à se traîner contre un mur et soupira de soulagement quand son dos fut en contact avec le froid de la pierre. Sa première réaction fut d'essayer de localiser l'endroit d'où semblait provenir le feu invisible qui se répandait en elle. Rapidement, elle découvrit que sa jambe droite était plus enflammée que le reste de son corps. Lentement, elle se redressa et la regarda de plus près.
Gagné ! C'était bien là qu'elle avait été piquée. Juste au-dessus du genou, on voyait une tache rouge assez grande qui commençait à virer au rouge foncé, voire même au violet par endroits, mais, surtout, une fléchette. L'elfe l'enleva aussitôt et l'examina. Composée d'une aiguille de bois acérée, elle était tachée non seulement de sang, mais aussi d'une substance noire qui semblait un peu visqueuse. Par prudence, elle n'y toucha pas. Cette piqûre a été volontairement causée par une fléchette, et c'est quasiment sûr qu'elle a été empoisonnée, sinon, je l'aurais reçue dans le cou. Mais qui aurait pu faire cela ? Et quel en était l’intérêt ?
L'elfe prit la décision d'en parler aux gardes, et, chancelante, se leva en se tenant au mur. Elle ne fit pas dix pas : la brûlure qu'elle ressentait depuis son réveil et qui s'était un peu atténuée quand elle s'était collée contre le mur revint brusquement. Pendant quelques secondes, elle tenta de résister, mais abandonna finalement la lutte et s'écroula en criant de nouveau.

Darius revint finalement à sa section, vidé de ses forces. Les événements s'étaient enchaînés trop rapidement depuis l'arrivée de Ténébris. Et pourtant, vu sa position, elle ne pouvait pas planifier grand chose. Sans doute y avait-il des traîtres qui n'attendaient que le bon moment pour se rebeller, ce qui était une perspective inquiétante.
Comme si j'avais besoin de ça ! pensa le garde avec abattement. En tout cas, s'ils souhaitent prendre possession de cet étage, je serais ravi de le leur laisser. Débrouillez-vous avec tous ces problèmes !
Il repensa ensuite à ce que lui avaient dit les autorités supérieures de la prison quand il leur avait appris la mort d'Erza. En bons chefs, ils lui avaient demandé de raconter ce qui s'était passé, ce qu'il avait fait, sans omettre un détail. Finalement, on lui avait annoncé qu'il devait regagner son étage et indiquer à des gens (des serviteurs ? des médecins ? des gardes ? Il n'en savait rien) où se trouvait le cadavre. On lui avait aussi dit qu'on ne savait pas encore qui serait son nouveau chef. Il y avait une forte probabilité que ce fût Shaco, ce qui ne l'avançait dans rien puisqu'il ne savait pas qui c'était. Et le revoilà, au milieu des regards intrigués, curieux de savoir ce qui s'était passé. Enfin un peu de repos... se dit-il
Et voilà que Lunaya se remettait à crier... Bon je peux pas la laisser comme ça.
- Laureya ? Assure-toi que Liliana ne va pas t'attaquer, puis sors ton autre prisonnière de sa cellule. Et s'il te plaît, ne t'oppose pas à moi sous le prétexte que je ne suis pas ton supérieur, elle a besoin de soins. Pas normal de s'évanouir comme ça, et même une fois ce n'est jamais un bon signe.
Le garde piqua ensuite un sprint vers le couloir qui menait au bureau du chef de l'étage, qui n'était malheureusement pas en état de l'aider, puis cria aux gens qui ramassaient le cadavre : - Laissez la morte là, il y a une vivante qui a besoin de secours !
Il repartit vers la pièce principale en espérant que les secouristes le suivaient et que Laureya l'avait écouté.

Laureya ? Assure-toi que Liliana ne va pas t'attaquer, puis sors ton autre prisonnière de sa cellule. Et s'il te plaît, ne t'oppose pas à moi sous le prétexte que je ne suis pas ton supérieur, elle a besoin de soins. Pas normal de s'évanouir comme ça, et même une fois ce n'est jamais un bon signe.
Pfffff ! Il la prenait pour qui, le garde ? Bien évidemment, elle était du genre à lui balancer en pleine figure qu'il n'était pas son supérieur, mais sa prisonnière avait besoin de soins, cela sautait aux yeux. Et puis, même si Lunaya l'avait eu une fois, cela ne voulait pas dire qu'elle était incompétente. Un peu vexée, Laureya ,qui avait déjà sauté sur ses pieds lorsque sa prisonnière avait hurlé, se contenta de faire un signe de tête a Darius qui partait déjà. La jeune garde ouvrit la cellule de Liliana. Elle prit l'elfe dans ses bras sans broncher et ses longs cheveux blonds glissèrent sur son corps. Laureya sortit, refermant la cellule dans laquelle son autre prisonnière devait rester. Son collègue était déjà de retour. Elle attendit ses ordres, ne disputant pas la place de chef temporaire. La blonde n'était pas stupide et savait Darius plus expérimenté qu'elle.

En revenant, Darius eut la joie de constater que sa collègue l'avait écouté. Première blonde capable de faire quelque chose de ses dix doigts que je rencontre depuis un moment, en voilà visiblement une qui n'est pas stupide. Elle n'est peut-être pas aussi... pas incompétente mais je la pensais moi prompte à réagir, pensa-t-il.
- Heureux de constater que tu as réagi comme il le fallait, j'ai connu bien des gens qui l'auraient laissée à son sort. Tu n'es visiblement pas aussi incompétente que je le pensais.
Le garde ne voulait pas être désagréable avec Laureya, il voulait seulement la féliciter tout en modérant un peu son enthousiasme.
- Tu serais gentille de m'aider à la transporter sur la civière que ces gens ont apportée. Il désigna du menton l'équipe qui était chargée de rapporter le cadavre de l'ancienne chef, tout en constatant avec satisfaction qu'elle l'avait écouté. Je pourrais facilement la transporter tout seul, mais il faut la manipuler délicatement tant qu'on ne sait pas ce qu'elle a, pour ne pas aggraver son état. Et je te le dis tout de suite pour éviter les questions, oui c'est la civière qui était censée transporter Erza, et non, ils ne l'avaient pas encore embarquée quand je suis arrivé.
Même si le garde était plus habitué à recevoir des ordres que d'en donner, il ne devait rien laisser paraître parce que, en tant que le plus âgé des deux, c'était lui qui connaissait le mieux le fonctionnement de la prison. Aussi se forçait-t-il à rester calme et à ne pas montrer son hésitation.
- Si tu veux, tu pourras l'accompagner, mais je dois rester ici pour surveiller les prisonniers. Je ne serais pas surpris qu'ils profitent de cette crise pour tenter de s'enfuir. Si tu y vas, occupe-toi bien d'elle et j'apprécierais de savoir rapidement ce qu'elle a.
Sur ces mots, il saisit les poignets de la prisonnière évanouie, puis attendit que Laureya l'aidât en soulevant sa prisonnière par les chevilles.
Même s'il lui en avait laissé le choix, il ne doutait pas qu'elle allait l'aider.

Bien entendu, Laureya avait l'intention de suivre sa prisonnière. Elle ne savait pas si le fait d'avoir vu mourir quelqu'un d'une maladie la rendait plus sensible à la santé des gens, mais la garde ne supportait pas de voir une personne souffrante ou malade. Ce qui était un peu ironique puisqu'elle était gardienne de prison... Mais bon, Laureya prit les poignets de Lunaya et aida Darius à la déposer sur la civière.
Lorsque l'équipe se dirigea vers l’infirmerie, celle-ci lui interdit de les suivre. La blonde, pas trop contente, marmonna un petit « Non mais quels idiots, ceux-là ! ... J'peux même pas suivre ma propre prisonnière... » quand celui qui semblait le chef de l'équipe la regarda, elle lui adressa un sourire angélique en rebroussant chemin. A peine quelques minutes plus tard, elle arrivait à son étage où ne restaient plus que Ténébris endormie, Liliana toujours silencieuse, Darius très vigilent, Khyle qui ne semblait pas en pleine forme et Fireball aussi silencieux. Au lieu de s'asseoir dans son coin, Laureya décida d'aller voir Darius pour plus d'informations. Et aussi pour chasser l'image de l'elfe inconsciente.
- Ils n'ont pas voulu que j'accompagne Lunaya. Mais que s'est-il passé avec Erza ? Et tu as une idée de qui sera notre nouveau chef ? Parce que si c'est toi je, démissionne.
Elle avait tenté de le faire sourire un peu pour détendre le silence de mort qui régnait à l'étage. Elle avait échoué. Alors la jeune garde reprit timidement :
- Désolée pour cette mauvaise blague... Tu es un excellent chef. Bravo pour ton travail...
Et elle attendit réponse à ses questions.

- Ils n'ont pas voulu que j'accompagne Lunaya. Mais que s'est-il passé avec Erza ? Et tu as une idée de qui sera notre nouveau chef ? Parce que si c'est toi je, démissionne. Désolée pour cette mauvaise blague... Tu es un excellent chef. Bravo pour ton travail...
Darius sourit à l'idée de la réaction de la garde quand il lui dirait ce qui était arrivé. Sans doute sa confiance en lui en prendrait-elle un coup.
- Eh bien, c'est vrai que je n'ai pas encore donné de précisions à personne sauf à nos chefs. Je crois que je vais l'annoncer aussi à nos prisonniers en même temps, même s'il y aura certaines choses que je ne dirai qu'à toi. Je te conseille d'écouter ce que je vais dire à nos prisonniers.
Le garde prit une inspiration puis se lança :
- Ecoutez moi tous, j'ai quelque chose à vous dire. Vous avez sans doute remarqué que certains événements inhabituels ont eu lieu ces derniers temps. Pour faire court, Erza, la chef de notre section, est morte il y a peu. Elle sera remplacée bientôt par un autre chef. En attendant, Laureya et moi avons la même autorité, ce qui fait qu'elle peut changer les ordres que je vous donne et vice-versa. On ne sait pas encore avec certitude qui sera le nouveau chef, mais si c'est bien celui qui est prévu, alors ce sera Shaco. Si j'en crois ce que l'on dit sur lui, je serai peut-être obligé de vous défendre pour que vous restiez en vie, alors ne jouez pas avec ses nerfs. Sur ce, bonne journée.
Il se retourna ensuite vers Laureya, qui avait visiblement écouté son discours, puis continua d'une voix basse pour que personne d'autre ne l'entendît. Ce qu'il allait dire était pour l'instant confidentiel.
- Je vais approfondir pour toi ce que j'ai dit. Pour commencer, et attends que j'aie fini de parler si tu veux m'attaquer, c’est moi qui ai tué Erza. C'était justifié, elle souffrait d'une maladie, et elle était en train d'agoniser quand je l'ai achevée. Si tu crois que je ne veux que m'en tirer sans conséquences, tu peux te renseigner auprès de Khyle, il a assisté à la scène. Je crois que c'est tout, si tu veux d'autres précisions, tu peux demander.
Et puis, d'un coup, des événements lui revinrent en tête.

Lunaya se faisant agresser, la silhouette d'une personne courant au fond du couloir et le chef des infirmiers. L’agresseur avait environ la même taille que l'autre ! Et surtout, Laureya n'avait pas eu l'autorisation d'accompagner sa prisonnière à l'infirmerie.

Peut-être n'étaient-ce que des coïncidences, mais il devait en avoir le cœur net.
- Laureya, je te laisse la surveillance de l'étage. Darius faisait de son mieux pour ne pas avoir l'air paniqué, il ne voulait pas l'alarmer. J'ai un truc très important à vérifier, je ne sais pas combien de temps ça va me prendre.
Il ramassa son marteau puis se dirigea lentement d'abord, puis de plus en plus rapidement vers l'infirmerie.
Il avait ce que l'on appelle un mauvais pressentiment.

Chaud. Froid. Chaud. Froid. Sa température... clignotait. Oui. il n'y avait pas d'autre mot. Sa température clignotait, passant en une fraction de seconde du froid le plus glacial au chaud le plus brûlant. L'elfe porta une main tremblante à son visage, y essuya la sueur qui le trempait, tenta avec plus ou moins de succès de se souvenir de ce qui s'était passé. Une seule chose lui revenait en mémoire : elle était une cible. Une cible sans défense bloquée dans une tour en plein milieu du désert de Muliba. La seule chose à faire était de prévenir les gardes.
Lunaya regarda autour d'elle : du blanc. Du blanc crème partout. L'infirmerie. Elle se redressa et, dans un énorme effort, s'extirpa des couvertures et se leva. Elle connaissait l'endroit, elle y était déjà allée à son arrivée. Elle repoussa les rideaux qui l'isolaient et marcha jusqu'à une chaise proche et regarda autour d'elle. Personne. Elle fouilla dans une poche intérieure. Elle en sortit son jeu de dames, sa Boîte à Secrets... et la fléchette. Bien équilibrée, décorée de plumes à l'arrière et de dessins. Sa pointe était couverte d'une substance bleu nuit qui était sans nul doute du poison.
Elle sentit soudain ses jambes s'affaisser et comprit qu'elle retombait dans l'inconscience. Elle mobilisa toute sa volonté et réussit à avancer jusqu'à la porte de l'infirmerie. Elle traversa les nombreux couloirs qui la séparaient de son étage.
Lorsqu'elle arriva dans sa section, elle eut la chance d'apercevoir Laureya converser avec Darius. Elle s'approcha et réussit à articuler :
- Laureya... Darius... J'ai besoin d'aide... Il y a un agresseur à Barek !

- Laureya... Darius... J'ai besoin d'aide... Il y a un agresseur à Barek !
En tournant un coin de corridor, Darius faillit foncer dans Lunaya. Sa première pensée fut : Mais qu'est-ce qu'ils font à l'infirmerie, de laisser les prisonniers se promener en liberté comme ça ?! Je vais devoir mettre ça dans mon rapport... Et ce fut immédiatement suivi d'un intense soulagement quand il se souvint de la raison pour laquelle il était en train de partir. Il allait vérifier si elle était bien à l'infirmerie, au cas où l’agresseur l'aurait attaquée, ce qui n'était visiblement pas le cas. Puis il entra en une faible colère. Il lui déclara calmement et d'un ton froid :
- Pour commencer Lunaya, tu n'aurais pas dû quitter l'infirmerie dans ton état. Ensuite, tu n'aurais pas dû te promener seule dans les couloirs dans cet état quand tu sais qu'il y a un agresseur à Barek qui en a après toi pour une raison indéterminée. Et finalement, nous savions déjà qu'il y avait un agresseur à Barek. J'étais là quand on t'a blessée, ne l’oublie pas. Et d'après le scène que tu as vue avant de t'évanouir, il ne t'est pas venu à l'esprit que je pourrais être moi-même l'agresseur ? Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'un garde liquide son supérieur.
Après ce long reproche, il eut un peu pitié de l'abattement qu'il lisait dans les yeux de la jeune femme. Il termina ensuite d'un ton plus doux. Il avait lui aussi déjà été en bas de l'échelle et savait ce que l'on ressentait dans de pareils moments.
- Malgré tout, j'apprécie les efforts que tu as faits pour nous avertir. Et ne t'en fais pas, ce n'est pas moi qui t'ai attaquée. Tu pourras te rapproche de Khyle pour savoir pourquoi j'ai fait ce que j'ai fait, il a vu une plus grande partie de la scène que moi. En attendant, il faut quand même que tu retournes te faire soigner. Je laisse Laureya t'accompagner. Après tout, malgré ce que j'ai dit, je pourrais t'éliminer sans que cela se sache si nous étions seuls.
La raison que le garde avait évoquée était vraie, mais ce n'était pas la seule. D'abord, Laureya aurait plus de temps pour réfléchir aux derniers événements en étant toute seule avec sa prisonnière. Mais c'était aussi et surtout parce qu'il n'avait pas oublié le désir de vengeance de sa collègue. De cette façon, Darius pourrait en plus garder un œil sur sa prisonnière qui semblait endormie, mais il ne pouvait pas en être sûr à cette distance. Il alla s’asseoir sur son siège près de la cellule, puis attendit. Peut-être un prisonnier aurait-t-il une question.

Spoiler:

Laureya s'était précipitée dès qu'elle avait vu Lunaya tourner la coin. Darius, qui avait été plus rapide qu'elle, ne sembla pas remarquer la présence de la jeune adulte dans son dos. La blonde écouta le sermon de son collègue, enregistrant le moindre détail de ce qu'il disait. Evidemment, Laureya avait confiance en Darius et savait qu'il ne pouvait être l'agresseur. La jeune garde se demanda pourquoi il l'envoyait elle, alors qu'il était plus fort et meilleur protecteur. Son cerveau encore peu méfiant se dit simplement qu'il préférait garder le reste des prisonniers. Obéissant aux ordres indirects de Darius, la jeune femme passa devant ses yeux perçants et prit sa prisonnière dans ses bras, comme si elle avait été un nourrisson. Elle ne broncha pas sous son poids. Laureya regarda dans les yeux qui semblaient cacher un milliard de secrets de son collègue.
- Je m'occupe d'elle. Prends soin de Liliana pendant mon absence, elle semble la plus facile des proies. Et puis tu devrais vérifier que Khyle aille bien, il n'a pas dit un seul mot depuis qu'Erza est... partie. Ils étaient proches, et même si ce n'est qu'un prisonnier, j'aimerais que tu vérifies s'il va bien. J'y vais.
Son regard bleuté chercha celui de l'homme mais ne le trouva pas. Laureya adressa un bref signe de tête a Darius et partit, sa prisonnière presque inconsciente dans ses bras. La jeune garde ne mit que quelques minutes à atteindre l'infirmerie où elle déposa l'elfe dans un lit vide, sans demander l'avis de personne. Alors qu'elle s'assurait que personne, à part le médecin, n'avait accès à la chambre, ses pensées dérivèrent, telle une rivière coulant dans le cœur d'une montagne.
La blonde pensa à Deawan qui lui manquait. Puis à ses parents. Puis à Ténébris... Combattant les habituelles larmes qui montaient, Laureya chassa l'attirante pensée de Ténébris morte et ses poignards ensanglantés. Non, elle ne pouvait pas... et ne le voulait pas. Voyant qu'elle perdait le contrôle d'elle-même, la garde fixa son regard sur la pièce, ignorant le cours de ses pensées. Laureya ravala ses larmes, ne laissant qu'un visage de glace.

Spoiler:

Darius avait écouté ce que sa collègue lui avait dit et il se tourmentait un peu sur ce qu'il devait faire. Devait-il aller voir Khyle après ce qu'il y avait eu entre eux ? Ou souffrait-il tant que Darius allait devoir le réconforter ? Finalement, il fit son choix.
Pendant qu'il se dirigeait vers la cellule du prisonnier, il pensa à comment lui parler. Arrivé près du jeune homme, le garde prit une inspiration pour se donner un peu de courage, puis commença à lui parler.
- Khyle, je peux te parler un instant ? Je voulais voir comment tu allais après... l'incident avec Erza. J'ai cru comprendre que tu t'entendais bien avec elle... ? Si tu n'es pas bien après ces événements, j'ai le pouvoir, en tant que responsable temporaire de l'étage, de t'envoyer à l'infirmerie pour choc psychologique.
Darius était conscient que Khyle trouvait sans doute bizarre le fait que le garde s'inquiétât pour un prisonnier, aussi décida-t-il de continuer à lui parler sans attendre de réponse.
- Tu dois sans doute trouver étrange que je te parle. Je reconnais que la seule fois où je t'ai parlé avant, cela n'a pas très bien fini. Mais malgré ce que tu as fais, tu es un être humain et je dois être à l'écoute de ce dont tu as besoin. Si nous sommes gardes, c'est avant tout pour vous surveiller, mais nous devons aussi savoir pardonner, puisque justice a déjà été rendue. Je n'ai pas à te faire souffrir plus que nécessaire, même si j'en ai le pouvoir et le droit. Si tu souhaites me parler, dis-le. Si tu ne veux pas, dis-le aussi.
Son discours terminé, le garde attendit, plein d'appréhension, que Khyle lui répondît. Il savait par expérience que c'était ce moment qui allait déterminer de ses relations avec le jeune homme.

Quand Darius s'approcha des barreaux de sa cellule, Khyle demeurait accroupi dans un coin en manipulant machinalement sa pièce d'échecs dans sa main, comme il le faisait d'habitude. Pendant que le garde lui parlait, le jeune homme écoutait attentivement ses paroles, mais sans lever ses yeux sur lui. Lorsque le garde eut achevé son discours, Khyle n'eut aucune autre réaction que de poser son regard sur la pièce qu'il faisait tournoyer entre ses doigts.
- C'est bien en tant qu'être humain que j'ai commis ces... crimes dans mon passé. fit-il calmement. C'est pour cela que je n'en souffre pas.
Khyle marqua une pose. Le garde devrait être intrigué par ce qu'il venait de dire. Le jeune homme décida de changer de sujet afin de ne pas laisser le temps au garde de ruminer ses paroles :
- Ma relation avec Erza était quelque peu...compliquée. « Fausse amitié » est le mot correct pour désigner ce qu'il y avait entre nous. Je ne désire pas approfondir ce sujet avec toi, mais, contrairement à ce que tu devrais penser à présent, ce n'est pas à cause de notre petit incident que je ne désire pas parler de cela auprès de toi. Loin de ça. Se quereller avec quelqu'un qui ne fait que son travail ne fait pas partie de mon caractère.
Soudainement, Khyle posa la pièce d'échecs sur le sol et finit par lever les yeux. Néanmoins, ils étaient perdus dans le vague, comme à la recherche de quelque chose d'invisible.
- Comment se porte Ténébris ?
La voix du jeune prisonnier était si basse et si neutre que l'on pouvait se demander si c'était vraiment à Darius qu'il s'adressait, et non à un fantôme.

D'un bout à l'autre de son discours, Khyle avait surpris Darius. Mais c'était surtout sa question qui l'avait le plus étonné. Le jeune homme n'était quand même pas amoureux de Ténébris ?! C'était la seule explication qui venait à l'esprit de Darius, mais il la trouvait très improbable. Finalement il lui répondit, parce que Khyle ne pouvait rien faire de dangereux avec une information comme cella-là...
- Eh bien, elle semble dormir depuis un moment ; ou alors elle se repose. Même avec une réputation comme la sienne, elle ne me cause pas de problèmes, et j'en suis presque déçu. Mais pourquoi...
Darius ne termina pas sa phrase. Il avait toujours été un mauvais diplomate et Khyle risquait de ne pas lui répondre. Il préféra attendre pour confier la mission de savoir ce que Khyle voulait à Ténébris et à Laureya. Mais pas tout de suite, il allait attendre que le nouveau chef soit arrivé, les événements s'enchaîneraient moins vite et il aurait plus de temps à consacrer à ce mystère.
- Voilà, tout est dit, je crois, si tu as besoin d'autre chose, tu n'as qu'à m’appeler.
Il retourna s'installer au milieu de la pièce pour pouvoir surveiller tous les prisonnier, en surveillant surtout Liliana puisque, comme l'avait dit sa collègue, elle était plus vulnérable que Ténébris ou que Khyle et Fireball selon le garde.

Fireball etait revenu dans sa cellule et était encore sous le choc de la mort d'Erza. Il était également blessé a la jambe et était revenu en boitant. Il demanda à Darius :
- Qui va diriger cette prison, maintenant ? Toi ? Laureya ? Ou quelqu'un d'autre d'aussi fou que nous ?
Après lui avoir demandé, il s’allongea sur son lit et entendit soudain un rire dans la nuit, comme quelqu'un qui se moquait de la mort d'Erza.
Ce comportement dégoûtait Fireball même si étrangement, quelques années plutôt il s'en serait moqué lui aussi.
Il posa une dernière question à Darius :
- Pourquoi tu es si gentil avec nous ? C'est notre existence qui vous a engendrés. La plupart des gardes nous ignorerait, aurait envie de nous battre en sachant pertinemment qu'il n'y aurait personne pour les en empêcher. Mais vous, vous êtes différents des autres prisons que j'ai pu connaître...
Il toucha ses signes devenus rouges et s'endormit.