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 Aeïa et Negaveïa, les lunes du dernier espoir (anciennement entre deux lunes)

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MessageSujet: Aeïa et Negaveïa, les lunes du dernier espoir (anciennement entre deux lunes)   Aeïa et Negaveïa, les lunes du dernier espoir (anciennement entre deux lunes) EmptyJeu 17 Jan - 20:04

Musique conseillée pour la lecture (Paper Bag Records - Fifty Fifty): https://soundcloud.com/paper-bag-records/02-fifty-fifty
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Samedi 9 Novembre, VIIe cycle de l’année intermédiaire

Cher Anatole,


Déjà un mois de passé depuis qu’il est revenu sur Alysia et que les Légendaires ont échoué à leur tâche. Malgré les tentatives de nos dirigeants, personne n’est jusqu’à présent capable de dire où ils peuvent être en ce moment.
Les rumeurs disent que Jadina s’en serait retournée à Orchidia afin de guérir ses blessures. Il ne  m’est cependant pas possible de te le confirmer à l’heure actuelle. Quant aux autres, le fait qu’ils aient ou non survécu  reste un mystère.

Je ne sais si nos dernières chances de survie se sont envolées avec eux. Pour ma part et comme tu le sais, je n’avais jamais eu l’occasion de tirer au fusil jusqu’à présent. Autant dire que me demande bien comment je pourrais faire face à un dieu. On dit que nous subissons des pertes énormes et qu’ils recrutent à tour de bras de la chair à canon. Me concernant je n’ai pas vraiment eu le choix.

Ma ville n’est plus qu’un champ de ruines. Amélia et les autres n’ont malheureusement pas survécu. Par chance je n’étais pas présent sur les lieux à ce moment là. Il me serait bien impossible de t’écrire si tel avait été le cas. Je ne sais ce qu’il en est pour toi. J’espère que nous aurons la chance de nous recroiser autrement que de l’autre côté.
On dit qu’il n’a pas encore atteint les frontières de votre monde. Puisse le temps jouer avec vous. A l’est, le ciel est rouge. Les vulturs ne nous laissent pas de répit. Les fabuleux sont venus nous prêter main forte mais une mission plus importante leur a été confiée et ils n’ont pu demeurer dans nos lignes.

Le front recule sans cesse. Nous ne cessons de perdre nos positions, c’est peut être la dernière lettre que je t’écris. Depuis que je suis arrivé dans le bataillon orobanien, je n’ai cessé de voir des proches tomber. La mort nous lit tous : orobaniens, orchidiens, dorayliens…Elle n’épargne personne et pèse sur la tête de chacun.
Nombre d’entre nous ont perdu ce à quoi ils tenaient, leur famille, leurs amis, leur ville entière parfois. Un compagnon d’infortune est originaire de Matasa.  Il paraîtrait qu’il n’en demeure plus qu’un cratère. Ses habitants ont eu moins de chance que nous. Le Castelwar ne fait pas de cadeau.

La peste a été répandue dans les villages intermédiaires. « A » ne se préoccupe pas des zones sans importance. Selon lui, elles ne méritent pas qu’il se déplace en personne. Même ses infernaux n’y mettent pas les pieds. Nous n’avons pas ce problème ici. L’eau ne manque pas et les vivres non plus.

De la tente où je t’écris, j’entends clairement les bruits de canons qui hurlent à l’horizon. Nous n’avons pas le choix, soit nous luttons, soit nous nous laissons mourir. Parfois je me dis que j’aurais préféré mourir chez moi, avec eux.
Plus le temps avance plus il est difficile de se battre. Il n’y a en effet plus que des ruines à défendre et des cadavres à protéger.
Je n’ai plus de maison où me reposer. Plus de personnes à visiter, tout n’est plus que cendres.
Le Castelwar se dirige vers Jaguarys. Nous ne pouvons pas empêcher ce massacre. Nous sommes totalement impuissants. Les dieux nous ont abandonnés.

Nous sommes seuls, définitivement seuls. Si jamais je venais à mourir, je me demande qui se souviendrait de moi dans quelques mois. Qu’en sera-t-il dans plusieurs années ? Qu’aurais-je fait de louable qui mérite que mon nom perdure ?
J’ai mis le paquet en sûreté comme tu me l’avais demandé. Tu l’y trouveras à la place convenue.
Je te souhaite bon courage. Peut être nous reverrons-nous bientôt.

Humaines amitiés,


Art’hur Pennington





Un homme arriva en catastrophe dans la tente où écrivait Arth’hur.

-Eh Art, faut y aller maintenant, ils arrivent, tu peux pas rester là !

-J’arrive ne t’en fais pas.  Pars devant. Je terminais juste quelque chose d’important.

-Ahaha, tu écrivais une lettre. Il se pencha pour tenter d’en lire le destinataire. Tu n’as pas peur qu’elle revienne cette fois-ci ? Il afficha un sourire moqueur

-Celle-ci ne reviendra pas.

- Tu as l’air bien sûr de toi, je te rappelle que tu disais déjà ça pour les 3 précédentes.

-Celle-ci ne reviendra pas ! Elle est à destination du monde elfique. Il n’est pas encore touché. Il n’y a donc aucune raison pour que cette lettre me revienne car, cette fois-ci, le destinataire est bel et bien vivant. Et puis, je suis désormais ton supérieur, tu n’as rien à redire.


Art’hur plaça l’enveloppe sur une pierre d’ambre taillée qu’il avait disposée sur une table. La couleur orange verdit progressivement et la lettre s’évanouit. Puis, il rangea la pierre dans sa veste et suivit son compagnon dans la plaine.

Le jeune homme n’était peut être là que depuis une quinzaine de jours, pourtant, il était l’un des vétérans de son bataillon. C’est sans doute d’ailleurs la raison pour laquelle on l’avait décoré lieutenant avec si peu d’expérience. Les titulaires faucons d’argent étant morts au combat.
L’armée Alysienne de coalition peinait à s’imposer près du littoral. En outre, leur présence ne faisait que limiter une destruction inévitable du monde qu’ils connaissaient. S’ils la retardaient, chacun avait à l’esprit que leur action n’avait aucun effet durable. Quelques heures, quelques jours seulement, voilà ce qu’ils y gagnaient.


La plaine qui bordait l’ex-Rymar était désormais un charnier à ciel ouvert. On y enterrait des hommes à la pelle. Ces mêmes hommes qui étaient eux même enterrés, quelques heures plus tard, par d’autres. Mais, désormais la place sous terre manquait et la bonne volonté aussi. Ainsi jugeait-on bon de ne plus toucher aux corps décédés.
En dehors de faire le bonheur des écureuils à cornes, les dépouilles de soldats disparus donnaient au lieu une atmosphère sinistre et suffocante.


Après avoir enjambé le corps inanimé de l’un de ses amis, Art’hur dégaina son épée et lança le signal aux soldats présents sur le campement.
Il savait qu’ils ne reviendraient pas mais, que pouvait-il résolument faire d’autre ?!
Puis, se tournant vers celui qui était entré dans la tente


-Actimaël, toi tu ne pars pas à la mort aujourd’hui. J’ai mieux à te proposer.

Il lui jeta un cylindre de cuir.

-Pars quérir l’aide de Caramaël et demande lui un repli rapide de nos troupes vers la vallée. Je ne pense pas que nous tiendrons la nuit face à ces volatiles de malheur. Plus tôt nous aurons levé le camp, mieux ce sera. Je refuse de perdre davantage de vies cette semaine.

Il fit un pas en direction du front tout en continuant à parler.

Des informations que j’ai pu obtenir d’Oroban, un infernal serait également à nos trousses. Ne faisons pas de vieux os ici.


-Ne serait-il alors pas souhaitable d’utiliser les cristaux pour ce type de priorité ? l’interpella Actimaël

-Effectivement, mais les risques d’interception sont encore trop grands et des informations de ce type conditionnent nos vies.

Actimaël ramassa le cylindre et monta sur un culbutar. Art’hur lui tendit alors une lettre blanc cassé surmontée d’un sceau en cire vert émeraude.


-Du courrier à poster ? Tu as enfin compris que ta pierre était un attrape touriste ? se moqua le cavalier

-Non, il s’agit de ta lettre de mutation, je t’ai réaffecté au bataillon de la 5e unité navale Orchidienne.Tu la rejoindras une fois ta mission terminée. Par là-bas la situation est encore calme. Fais de ton mieux pour rester en vie, déserte si tu en as l’occasion. Au point ou nous en sommes, mieux vaut passer pour un lâche que de mourir pour rien. Le jeune lieutenant lui fit ses adieux et s’en détourna pour le champ de bataille.

Perchées au dessus de lui, à des kilomètres des massacres qui avaient lieux sur Alysia, se détachaient Aeïa et Negaveïa, les deux lunes jumelles d’Alysia.  Témoins passifs et silencieux, elles en demeuraient immobiles. Ni la poudre, pas plus que l’odeur d’un corps qui cuit au soleil ne semblait affecter la neutralité qu’elles inspiraient. Leur pâle lumière blanche glissa lentement le long de la lame d’Art’hur avant qu’elle ne disparaisse dans le corps d’un vultur. La nuit promettait d’être longue.


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MessageSujet: Une chanson qui vaut de l'or   Aeïa et Negaveïa, les lunes du dernier espoir (anciennement entre deux lunes) EmptyDim 20 Jan - 1:10

Musique conseillée pour la lecture (September Second - Michel Pettrucciani) : https://www.youtube.com/watch?v=HqRAwbDP290

Les vers utilisés pour ce chapitre sont empruntés à "Hungry Lucy - A Girl Alone"
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Dimanche 10 Novembre, VIIe cycle de l’année intermédiaire

L’eau ruisselait sur l’une des fenêtres de la taverne des trois licornes, la pluie tombait drue au dehors. Meïko s’amusait à suivre les gouttes des yeux en essayant de pronostiquer laquelle allait disparaître en premier sous le croisillon de bois.

-Elles sont belles n’est-ce pas ?

Olymp’hic était le patron de l’établissement depuis près d’un demi-siècle. Fortement conservé par l’alcool, il avait profité de l’accident jovénia pour élargir sa clientèle aux enfants. Le vieil homme venait de surgir furtivement derrière elle sans qu’elle ne l’ait remarqué.


-De quoi parlez-vous ? l’interrogea t-elle

-Des lunes sapristi !!! En plus tu as de la chance elles sont pleines ce soir.

-Oui vous avez raison, Aeïa et Negaveïa sont magnifiques cette nuit : si blanches, si lumineuses…

-En parlant d’idée lumineuse, si tu retournais travailler, je ne te paie pas pour rêvasser à la fenêtre…fustigea t-il.

Olymp'hic l’agrippa vivement par le bras et lui indiqua le chemin.

Meïko redescendit dans la grande salle sous le regard noir et inquisiteur de son employeur. Sans trop savoir pourquoi, elle était de plus en plus ailleurs ces temps-ci. Pourtant, la guerre était à leurs portes et tout le monde était sur les nerfs.

Olymp’hic l’avait embauchée en tant que pianiste et c’est à cette tâche là qu’elle s’exécutait chaque soir. Elle en était même devenue au fil des semaines la vedette de la taverne et nombreux étaient ceux qui venaient spécialement pour la voir.

L’instrument d’un noir corneille contrastait avec sa longue robe blanche pailletée. Après avoir attaché ses longs cheveux elle s’installa devant lui et en ôta le couvercle en cèdre. Les touches d’ivoire révélées, elle chercha le regard approbateur du vieil homme. Puis, l’ayant trouvé sur la mezzanine, elle fit danser ses doigts sur le clavier et commença un morceau


- In the cold November sky*
I saw my past trailing by
Illusions sent me astray
My chances gone


-Elle chante bien non ? murmura un groupe d’amis avant d’acquiescer de manière unanime

-I lost you in the dark
I lost your beating heart
I lost you to the years
I lost you through my tears
So often I cry for you
Do you cry for me too?


Un homme but sa choppe de bière d’une traite avant de la lever vers le ciel et de tomber à la renverse.

-As the snow begins to fall
Darkness traps me in her walls
Longing to see your face
Dare I imagine


Un homme poussa une pile de pièces vers une femme assise en face de lui. Vraisemblablement il venait de perdre aux cartes.

-I lost you in the dark
I lost your beating heart
I lost you to the years
I lost you through my tears
So often I cry for you
Do you Cry for me too?


-I lost you in the dark

Meïko leva les yeux pour chercher à savoir qui lui avait rendu la réplique mais, en désespoir de cause continua à jouer comme si de rien n’était.

-I lost your beating heart
I lost you to the years
I lost you through my tears
So often I cry for you
Do you Cry for me too?


Un groupe de faucons d’argent la dévisageait de manière insistante. A en juger par le coup de coude de l’un d’entre eux, suivi du regard malicieux de son interlocuteur, il était fort probable qu’ils l’envisageaient comme leur dessert.

-Did you know my name
My face a whithered frame


La porte de la taverne s’ouvrit d’un coup sec et un homme en armure bleu azur marcha jusqu’à la table des faucons d’argent. Il s’adressa au premier chevalier attablé, le visage creusé et l’air inquiet. De là où elle était, Meïko ne pouvait pas entendre ce dont il était question. Cependant, la situation semblait complexe. Ils ne l’écoutaient plus, chacun prenant à présent appui sur la table pour écouter le nouvel arrivant. La chanson glissait sur eux comme de l’eau sur un clocher.

Ils étaient encore à leur table mais en réalité leur esprit était transporté dans les plaines. Ces plaines ensanglantées et dévastées vers lesquelles tout Alysia avait les yeux tournés. Ces plaines de conflits et d’espoir qui retenaient le souffle de tout un monde.


-I'm not what you have known

Tout le petit groupe se leva. Un à un ils quittèrent l’établissement à la hâte. L’un deux revînt sur ses pas pour arracher le faucon d’argent restant à sa contemplation de la pianiste.  

-You're a girl…

-…alone La voix était à nouveau sortie de nulle part et fut très vite engloutie par un tonnerre d’applaudissements.
La dernière note prit fin et chacun vînt tout à tour féliciter l’artiste.
L’homme à la choppe titubait et devait se maintenir aux chaises pour avancer. Il s’adressa à elle dans un élan de lucidité :


-F’ébait trèèèèèèssss joooli, oui oui, trèg joli. Il fut pris d’un spasme.
Mais vous…vous, moag voug ne m’aurez pag aveg vooottreeee muuusique. Il éclata de rire puis se mit à blémir de peur.Non moooaaa vouuus ne m’aurez paaaas. Je saaaaiis. Oui moaa je saaaiis qui vous êtes. Il but une gorgée d’hydromel avant qu’un serveur ne lui ôte sa bouteille.

-Onnn neee diraaiiit pas comme ça aveeeg votre robe mais... Il se concentra pour parler normalement. Vous êtes venus pour nous….pour nous…Quelqu’un aurait quelque chose à boaarrre ?! Serveurrrrr, j’aaaiii soiifff.

Un homme en costard bleu turquoise, qui était jusqu’alors accoudé au comptoir termina son café et réajusta son chapeau sur sa tête. Il attrapa l’ivrogne par l’épaule et l’aida à se maintenir debout.

-En voilà bien des manières pour un homme de votre âge. Même si vous avez retrouvé votre apparence d’enfant, cela ne vous autorise en rien à proférer en ces lieux ce genre de propos racistes. Ganesh, puisque tel était son nom, remonta ses lunettes rose crème sur son nez et continua.

-Veuillez excuser l’attitude de cet homme mademoiselle, il semblerait qu’il n’apprécie que peu les personnes de couleur.  Je tiens par ailleurs à vous présenter mes meilleurs compliments quant au morceau que vous nous avez exécuté ce soir. Je reviendrai assurément pour avoir le plaisir et l’honneur de vous en voir jouer d’autres. Pour l’heure, je me fais le protecteur de cet homme et vais m’assurer qu’il rentre chez lui sans encombre.

Puis, veillant à ce qu’Olymp’hic ne l’entende pas :

-J’aurais peut être également une offre à vous faire mais nous en parlerons une prochaine fois.

Il posa une bourse sur la table et poursuivit :

-Cela devrait suffire à éponger ses dettes et vous manifester ma profonde gratitude pour cette soirée.

Ganesh tourna les talons avec « son chargement ». Il déplia un parapluie aux allures étranges puis s’évanouit dans la nuit.
Olymp’hic descendit de la mezzanine tout en astiquant un verre avec un chiffon.


-Curieux client, tu l’avais déjà vu ? s’enquit-il

-Pas avant ce soir et cela m’étonne vu les couleurs vives qu’il arbore sur son costume. Il est rare que d’aussi nobles clients se joignent à nous.

Elle ouvrit la bourse et la vida sur la table.

Les pièces s’entrechoquèrent pour former un monticule d’or, de bronze et d’argent. La beauté des pièces elfiques n’avait d’égal que leur valeur. Chacune d’elles ayant été habilement ciselée à la main. Leur conception ne pouvait en outre se faire qu’à partir des minerais les plus purs que l’on puisse trouver dans cet autre monde.  Quant à la somme, elle suffisait à elle seule à racheter tout le quartier.


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MessageSujet: Pause café sur le champ de bataille   Aeïa et Negaveïa, les lunes du dernier espoir (anciennement entre deux lunes) EmptyDim 3 Mar - 23:27

Musique conseillée pour la lecture : Dream is Collapsing (Inception)
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Lundi 11 Novembre, VIIe cycle de l’année intermédiaire

      Dans l’obscurité des plaines, un groupe de faucons d’argent attendait son heure à l’abri d’un arbre.  L’atmosphère était anormalement sèche et le vent ne soufflait pas. Une lumière blanche et pénétrante se reflétait sur leurs armures, les faisant ainsi miroiter comme un monticule de saphirs. La nuit ne les affectait nullement, pas plus que cela n’était le cas pour l’armée adverse. Chacun se tenait immobile dans l’attente du premier coup de feu.

     Ikaël tenait tête à Anathos au sommet de la colline. Derrière eux se trouvaient respectivement les fabuleux, les infernaux mais aussi Ténébris, Jadina ainsi que, Gryf et Shimy.

     Un bruit de métronome résonnait autour des combattants. Tel un battement de cœur, il ondulait de manière périodique dans un battement assourdissant. La lumière des bougies projetait son ombre sur le champ de bataille. D’avant en arrière, il glissait sur les arbres, sur les armures et dans les esprits.

      La fine ombre, dansait sur les armées, passant de l’une à l’autre dans un cliquetis de métal. Peu lui importait le sang présent sur les mains des hommes, peu lui importait les valeurs qu’ils défendaient.

     Le temps passant, les aller retour se firent de plus en plus courts et la tour d’obscurité vînt s’immobiliser à mi chemin entre Anathos et Ikaël.

  Après dix bonnes minutes, d’attente, ce fut le dieu damné qui prit la parole en premier :


-Moi, Anathos, dieu d’Alysia, je vous ordonne de rendre les armes immédiatement. Si vous n’obtempérez pas sur le champ, vous devrez en payer les conséquences. Il s’était exprimé d’une manière sèche et ferme sans pour autant avoir à bouger les lèvres.

-Je n’ai que faire de vos conseils Anathos, assassin de mon frère et traitre à notre monde. Nous ne vous laisserons pas passer. Répliqua Ikaël sur un ton approchant celui de son interlocuteur.

-Ouaaaaaissssss cria la foule d’une seule voix.

    Soudain, Jadina s’éleva dans les airs, perchée sur son bâton aigle. La lumière verte qui en émanait recouvrit les soldats d’un long voile émeraude. Il ne fallu que quelques instants supplémentaires pour qu’elle ne fonde sur un groupe de vulturs, les projetant au sol à la vitesse d’un chokapyk au galop.

     Mais, la violence de l'impact, la fit chuter de son aile volante et elle roula sur la côté. A peine eut-elle repris ses esprits qu’une ombre circulaire grandissait autour d’elle.

     L’objet la fit disparaître sans qu’elle ne pu rien y faire. Le combat s’arrêtait ici pour elle.


      Quant à ses amis restés aux côtés d’Ikaël, la situation ne s’annonçait pas meilleure que la sienne. Un tremblement de terre secouait à présent toute la plaine et la chose qui en était à l’origine se rapprochait.
   La gradation de l’intensité des secousses et la diminution de l’écart les séparant n’avait en effet pas échappé à Gryf. Pourtant il ne sentait rien, ses sens ne l’aideraient pas cette fois-ci.

      Un arbre fut déraciné, puis un autre, puis encore un autre, tout bougeait autour d’eux. Shimy perdit l’équilibre et sa tête heurta un rocher.
Une masse de fourrure amétrine s’empara alors de Gryf et deux crocs luisant se plantèrent dans ses épaules.


-Non mais ça va pas non, tu es en train de me détruire mes figurines là. Allez ouste !!!! La voix disputa l’animal et celui-ci fut chassé du plateau de jeu.

L’enfant s’empara des figurines cassées et les analysa à la lumière d’une bougie.

-Pauvre Gryf, tu es dans un sale état… Je suis certain qu’Anathos lui-même ne t’a pas amoché à ce point. Enfin…il soupira

Je me demande si tu reviendras un jour… Nous aurions bien besoin de toi ici. En ce qui me concerne je ne nous laisserai pas faire, je prendraaiiii les armmmesss et… attrapant un parapluie pour s’en servir d’épée  je tuerai Anathos et ses alliés. Il empala un manteau accroché au mur. Puis, je libérerai Alysia et je reprendrai le flambeau !!!
Ahaha, mais pour ça il faudrait que père me laisse m’engager dans l’armée…  Et ça, ce n’est pas prêt d’arriver malheureusement. Il grimpa la marche qui le séparait de la cuisine, s’empara d’un sachet de pâté et le versa dans une gamelle.
Arwen, cesse de devenir invisible et viens manger !

Le félin apparu dans le couloir, un arbre dans la gueule.

-Raaaahhh, j’y ai passé une soirée entière sur ce chêne, repose-le tout de suite !!! lui intima le garçon. Eh, reviens ici !!!!

Alors que l’enfant allait se lancer à la poursuite, on toqua à la porte.


-Allons, bon, qui cela peut-il bien être, à une heure si avancée. Un bref regard à l’horloge du salon lui indiqua qu’il était minuit et quart passé.
Arwen, nous réglerons nos comptes plus tard, je te défends de sortir tu entends !

     Avisant la table du salon, il donna un rapide coup dans l’un de ses pieds. Celui-ci s’incurva de quelques degrés et se bloqua net. Aussitôt, le terrain de jeu situé quelques mètres plus loin dans la pièce bascula jusqu’à entrer dans le mur. Quelques secondes plus tard il ne restait plus à sa place qu’un immense tableau de trois mètres sur deux représentant une montagne enneigée. Le pied de la table reprit sa position initiale.

-Cette fois je pense que tout est en ordre, allons-y. Il se dirigea vers la porte d’entrée  et l’ouvrit.

  Dans entrebâillement, son père lui faisait face. Il était soutenu par un homme à l’allure singulière. Ce dernier était en effet vêtu d’un costume bleu turquoise presque translucide.
De sa main libre, l’individu ôta son chapeau et s’inclina légèrement.


-Bien le bonsoir jeune-homme, je suis Ganesh, pardonnez ma visite nocturne mais, êtes-vous bien Vanyar, fils de cet homme ? L’homme au chapeau désigna d’un geste de la tête celui qu’il portait et le hochement affirmatif de son interlocuteur le fit continuer :
Parfait parfait. Figurez-vous que je l’ai trouvé à la taverne voisine et…

Vanyar prit une moue gênée, Ganesh termina,

Ne vous inquiétez pas, j’ai arrangé les choses, vous n’avez pas de tracas à vous faire pour ce qu’il a pu se passer là-bas. Il réhaussa ses lunettes Votre père ne connait juste pas ses limites. Me permettez-vous d’entrer un instant ? Ceci, ne serait-ce que pour le déposer sur quelque divan et pour me reposer quelque peu.

-Bien sûr, allez-y, merci encore. Vous savez, je ne sais plus vraiment quoi faire avec lui. Depuis la mort de ma mère il part totalement en vrille et il y a un peu inversion des rôles…répondit Vanyar en refermant la porte à clef. Prendrez-vous quelque chose à boire ? Je crois qu’il doit aussi rester une ou deux cartouche de tabac de Rymar si cela vous tente.

-Je vous remercie mais cela ne sera pas nécessaire. Un simple café me suffira. Où puis-je poser votre père ?

-Sur le canapé devant l’imageur ce sera très bien. C’est noté, je suis à vous dans une seconde. Précisa Vanyar

   De là où il se trouvait, le jeune garçon avait une vue panoramique sur la ruelle. Ceci de de par l’existence d’une vaste fenêtre au dessus du plan de travail de la cuisine. Le café coulant dans la tasse qu’il servirait à Ganesh, il prit appui sur le meuble. Tout à coup l’homme au chapeau l’interpella depuis le salon.

-Cela vous dérange t-il si j’allume votre imageur un instant ? s’enquit celui-ci

-Non, non, pas le moins du monde –il toussa- Euh, oui oui bien sûr. Précisa t-il tout en posant la tasse pleine sur le côté et en se faisant couler un deuxième café.

  L’imageur de la cuisine, connecté à celui du salon s’alluma lui aussi. Un homme apparu à l’écran, un objet à la main. Il portait de longs cheveux violets et un manteau blanc finement découpé :

-Ces lumites sont en réduction jusqu’à la semaine prochaine. La semaine prochaine seulem...

      L’image disparue et fut remplacée par une autre. On y voyait une femme totalement vêtue de noir. Elle expliquait en quoi la présence d’Anathos était bénéfique pour Alysia et les avantages présentés pour ceux qui faisaient le choix de se ranger de son côté. A la voir, on comprenait aisément que les médias étaient tombés sous le coup de la propagande.

-Avez-vous accès aux chaînes elfiques d’ici ? interrogea Ganesh

-Oui bien sûr, c’est le bouton violet avec une lune blanche.

  Le café était désormais prêt et Vanyar chercha un plateau dans un placard. A l’écran, une procession d’elfes richement vêtus portait un coffre en argent devant la famille royale. Toute la foule bordait la route sur laquelle évoluait le cortège.

  Le présentateur expliquait la portée historique d’une telle cérémonie, présentait en détails les différentes actions qui se déroulaient et faisait de brefs cours culturels.

  Mais, dans le cadre supérieur droit, un homme encapuchonné remontait la foule. Sa démarche laissait penser qu’il tentait de se maintenir au même niveau que le roi. Par ailleurs, il tenait la main à sa ceinture comme prêt à dégainer un poignard.

  Soudain, un homme en costard bleu turquoise se plaça derrière l’hypothétique meurtrier et l’éloigna du roi. Les cafés étant prêts, Vanyar redescendit vers le salon.

  S’il trouva bien son père allongé prêt de l’imageur, Ganesh lui s’était volatilisé. Après l’avoir longuement appelé, Vanyar alla jusqu’à la porte d’entrée pour la refermer dans l’éventualité où son invité serait parti précipitamment.

  A ce titre,  un post-it se trouvait bien collé à même le panneau « Merci de votre hospitalité, affaires urgentes à régler. Bien à vous. Ganesh ». Cependant le cadenas était effectif.

Une soudaine angoisse s’empara du jeune homme. Se pouvait-il que l’homme ayant potentiellement empêché l’attentat soit Ganesh ? Non cela était matériellement impossible.  Comment un homme pouvait être ici et là-bas à la fois ?

  Vanyar recula jusqu’au mur et y plaqua ses mains. Son contact était rassurant, il ferma les yeux et entreprit alors de se rassurer. Mais, le jeune garçon réalisa très vite avec stupeur que, le mur de son salon d’habitude si lisse, était constitué d’innombrables pierres de taille.

Alerté par le cri d’un volatile marin, il rouvrit les yeux.


Face à lui, un immense champicorne dominait un jardin somptueusement taillé. Les ruelles étaient curieusement paisibles et le soleil trônait haut dans le ciel. Sans nul doute, il pouvait affirmer avec presque certitude qu’il se trouvait à présent dans le monde elfique.

Tambouriner sur le mur n’y changerait rien, Vanyar semblait bel et bien piégé dans un monde aussi fabuleux qu'inconnu.


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MessageSujet: Chez les elfes rien de nouveau   Aeïa et Negaveïa, les lunes du dernier espoir (anciennement entre deux lunes) EmptySam 9 Nov - 16:18

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Octör 28 Plumaire, Année des deux lunes



Une chouette d’un noir charbon s’ébroua pour faire tomber la mince pellicule de neige qui la recouvrait. L’hiver battait son plein à Wilénia, une petite ville de province située à quelques lieues à peine de la capitale. Dans de nombreux cercles elfiques, la présence d’un tel oiseau était un mauvais présage. Les chouettes elfiques pouvant rester plusieurs dizaines d’années sans jamais avoir besoin de se poser, il était relativement rare d’en voir en dessous de 1000 pieds.

Leurs yeux émeraude balayaient le monde comme autant de caméras infra rouge. En outre, elles étaient capables de juger un homme simplement en l’apercevant quelques centaines de mètres plus bas.

Certains colportaient même que lorsque l’une d’elles se posait sur un bâtiment, celui-ci comportait nécessairement un traitre. Les histoires en ce sens n’étaient d’ailleurs pas en manque et chacun y allait de son anecdote à ce sujet.

Si une telle superstition n’avait aucune valeur scientifique, il avait été en revanche prouvé de manière certaine que la naissance d’une chouette coïncidait précisément avec l’ouverture d’un portail entre le monde d’Alysia et le monde elfique. Le nombre de personnes transitant par ces ouvertures influait également sur le nombre de chouettes crées. De même, la taille des chouettes variait avec celle du portail de passage. Ceci sans qu’il y ait une véritable équivalence entre ces deux mesures.
Il n’y avait cependant aucun lien entre la durée de vies des populations de rapaces nocturnes et celle du maintien d’un passage trans dimensionnel.

Et c’est ainsi que ce 28 Plumaire de l’année des deux lunes, l’une d’elle vînt trouver refuge dans le bas relief de la cathédrale Saint Eliane.

La neige tomba sur la foule qui se pressait pour entrer dans l’édifice, tous se rendaient à la cérémonie organisée en l’honneur des récolteurs d’algues opales. Vanyar était parmi eux.

Coincé dans le monde elfique, le jeune garçon avait alors entrepris de rejoindre le lieu même des cérémonies qui étaient retransmises dans son monde. De ce fait, il espérait pouvoir remettre la main sur Ganesh afin que ce dernier lui apporte quelque explication sur ce qu’il se passait ici.

Comment était-il possible qu’il se soit retrouvé dans le monde elfique sans avoir quitté son salon ? Etait-ce bien Ganesh qui avait écarté cet homme encapuchonné de la procession ? Qui était-il vraiment ? Autant de questions auxquelles Vanyar ne pouvait pour l’heure par répondre.

De part et d’autre, de magnifiques elfes étaient vêtus de robes pourpre et or.  Ils cheminaient en deux files ininterrompues et venaient prendre place sur les bancs en chêne positionnés devant l’autel.

Le jeune humain, ne manquait pas d’attirer les regards médusés voire accusateurs de cette autre race. C’est pourquoi, il décida de prendre place derrière une colonne, à l’abri des regards. Depuis son arrivée, il n’avait vu aucun homme en costume bleu turquoise, il avait donc commis une erreur d’appréciation. Mais, se lever et partir maintenant pouvait s’avérer dangereux alors même que la cérémonie venait tout juste de commencer.

-Que l’esprit lumineux d’Albus descende sur nous chers amis !*

-Viens en paix, Creper est là pour prendre la garde à ta place !

La foule venait de répondre d’une seule voix à l’invocation d’un elfe en robe émeraude. Ce dernier surplombait la salle de son estrade et prenait appui sur un écritoire.

-Par delà les commémorations qui nous réunissent aujourd’hui, sachez que le monde elfique suffoque, Anathos marche sur nous. Les humains, comme à leur habitude, ne réussissent jamais ce qu’ils entreprennent. Notre communauté est en péril car le dieu maléfique a à présent assez de clefs pour créer un trou béant dans notre monde. Les dimensions sont perméables et ce qui nous sépare du monde d’Alysia n’est pas très loin de flancher. Bientôt mes amis, nos deux mondes se télescoperont avec les conséquences désastreuses que cela peut engendrer…

Vanyar  écoutait, dubitatif le discours de celui qui s’apparentait à un chef de culte elfique. Son mépris à l’égard des humains  le révoltait mais cette colère fut vite dissipée face aux sombres nouvelles d’Anathos qui lui furent apportées. S’il suivait bien cet elfe, Alysia et le monde elfique étaient condamnés. Il n’y avait donc nulle part où aller, tout le monde était voué à mourir. Voilà qui n’était guère réjouissant…

-Il n’y a rien en ce monde qui puisse enrayer le dieu des ténèbres dans sa volonté de destruction totale. Tout comme l’ancienne Alysia jadis, il semblerait que nous soyons condamnés quoi qu’il arrive. Les interrogatoires menés sur nos cousins piranhis n’ont rien donné, ils ne connaissent aucune autre arme divine dont ils auraient eu la garde.

Qu’entendait-il exactement par « interrogatoires ? » S’agissait-il de méthodes de torture ? Le chef reprit :

-Nous n’avons pas lésiné sur les moyens pour les faire parler mais, même sur le seuil de la mort, aucun n’a souhaité coopéré.


Une elfe de l’assistance prit la parole :

-N’est-ce pas nous montrer plus cruels qu’Anathos lui-même que de faire subir à nos frères de sang de tels châtiments ?

Une fois rassise, l’elfe vêtu de vert poursuivit :

-Comprenez bien que nous sommes à ce jour la seule race connue qui soit immortelle en ces dimensions et donc la seule race pure devant survivre envers et contre tout. Les dieux l’ont voulu ainsi en nous créant.  A ce titre, je compte bien m’opposer fermement à ce renégat divin. Les elfes vivront, un dieu ne peut aller contre cette volonté.  
Nous nous battrons jusqu’à ce que mort s’en suive. Ne laissons-pas mourir la meilleure race qui soit sans réagir. S’il ne peut en rester qu’une, ce sera la nôtre. J’en fais le serment devant Ysérim.

La femme de l’assistance acquiesça et ses amies présentes à ses côtés semblaient partager le même point de vue.

-Rien n’arrive jamais par hasard voyez-vous, quoi qu’il arrive c’est le début d’une nouvelle ère, d’un nouveau départ. Profitons de l’occasion pour reprendre en main notre destin ! reprit de plus belle l’homme d'église.

Vanyar sentit un regard insistant se poser sur lui, il tourna la tête et découvrit un elfe vêtu d’une robe bleu turquoise. Quand avait-il pu apparaître ? L’elfe tourna la tête et croisa le regard du jeune homme.

-Alors comme ça on est en manque d’aventure ? Vous avez bien fait de m’avoir suivi, je vous cherchais justement.

-Ganesh ? Oui, Vanyar en était à présent certain, il ne pouvait s’agir que de lui.

Ganesh rajusta ses lunettes et reprit la parole à voix basse:
-Vous avez de la chance que je sois passé par là, sans mon sortilège de dissimulation, vous n’auriez pas survécu très longtemps.  D’un geste de la tête il désigna les oreilles du jeune humain.

Ce dernier ayant instinctivement porté ses mains à l’endroit indiqué, il ne put que constater qu’elles étaient à présent beaucoup plus longues.

-Comment…

-Nous discuterons de ça une autre fois, pour l’heure, nous sommes attendus et je suis certain que notre hôte doit s’impatienter. Ganesh posa la main sur l’épaule de Vanyar et tous deux disparurent instantanément. 

Une table se matérialisa alors face aux deux compagnons de voyage, l'homme encapuchonné de la cérémonie leur faisait face assis sur une chaise. Le feu dansait dans une cheminée non loin de là répandant dans la pièce une odeur de charcuterie fort agréable. Ils s'étaient téléportés !

-Bienvenue dans l'équipe Vanyar ! L'homme à la capuche avait prononcé cette phrase sans préavis ni présentation. Que pouvait donc bien signifier cette mise en scène. Tout cela était-il prévu depuis longtemps ? "L'encapuchonné" dégagea son visage afin de laisser apparaître deux longues oreilles d'elfe ainsi qu'une chevelure bleue.




-Retour à la cathédrale-

Lorsque la cérémonie prit fin et que la foule se massa à l’entrée de la cathédrale, un jeune elfe agrippa la robe de sa mère et s’écria :

-Maman maman, tu as vu, a pu chouette, a pu chouette !

-Oui oui, il n’y a plus de chouette. Rentrons maintenant.

La mère, qui n’avait pas vu l’animal en entrant en accusait l’imagination de son fils mais, il n’en était rien. Plus tôt dans la matinée, il y avait bien eu un oiseau maudit qui s’était posé sur le bâtiment. En témoignait la plume charbon juchée sur un monticule de neige et qui brillait à la lueur du soleil. Où l’animal avait-il bien pu passer ?

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*Authentiquement entendu lors d'un voyage ( la phrase ne nommait cependant qu'une entité générique).

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MessageSujet: Ganesh tombe le masque   Aeïa et Negaveïa, les lunes du dernier espoir (anciennement entre deux lunes) EmptyDim 7 Déc - 23:42

Musique conseillée pour la lecture ( The Number 23 : Opening Title) : https://www.youtube.com/watch?v=oGx5P1N22pI&feature=youtu.be&list=PLD22774538518B02F) : 

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Octör 28 Plumaire, Année des deux lunes


Vanyar, encore troublé par sa deuxième téléportation de la journée resta un moment figé. Sur l’un des murs de la pièce, une mosaïque de photographies faisait figure de décoration sommaire. En outre, le portrait d’un elfe, d’un humain d’un jaguarian ou d’un être d’une espèce qu’il ne connaissait pas y étaient représentés sur chacune d’entre elles. Un numéro y était adjoint ainsi qu’une date elfique. Certaines photos étaient transpercées d’un poignard ou partiellement déchirées.


-Joli n’est-ce pas ? J’ai mis plusieurs mois à constituer ce tableau de chasse et je n’en suis pas peu fier. L’homme à la capuche avait perçu l’intérêt de Vanyar pour son étrange patchwork.


-C’est bien vous qui avez voulu assassiner le roi elfique à la cérémonie pas vrai ? Vous m’avez fait enlever parce que vous saviez que je vous ai vu sur l’imageur ! L’interpella Vanyar toujours perplexe sur le sens de sa présence dans le monde elfique et de surcroît dans cette étrange pièce.


-Hum, assassiner le roi tout de suite…Tout n’est pas tout blanc ni tout noir mon garçon. L’homme prit appui sur la table, recula sa chaise puis se leva et se dirigea vers la fresque. Vois-tu, en ces temps de guerre les apparences sont parfois trompeuses et il ne faut pas se fier à ce que nos sens nous donnent à voir. Il sortit un poignard et griffa la photo du roi elfique accrochée sur le mur.


Si Kash Kash est encore en vie alors il n’est pas dans ce monde. Cette poupée que tu as pu voir n’est pas notre roi mais un infernal, une pale copie créée par Anathos avec pour objectif d’œuvrer à la perte du monde elfique. L’avantage du front, malgré toute son horreur, c’est que la mort chemine avec son étendard brandi devant elle. Mais, il existe une autre menace bien moins visible qui pénètre nos murailles à l’insu de tous : la corruption politique ! Il détacha la photo de Kask Kash du mur.


L’armée d’Anathos achète le vote des parlementaires du Congrès elfique et fait ainsi des propositions de lois totalement ubuesques. Quand il ne paralyse pas indirectement les prises de position en faveur du renforcement des défenses Alysiennes, Anathos sape nos défenses et affaiblit le budget de notre armée. L’elfe se rendit devant la cheminée et tourna le dos à ses deux interlocuteurs avant de poursuivre.


Or, le mois dernier nous avons également appris que certains dirigeants trop…« rebelles » s’étaient vus remplacer par des clones diaboliques. L’actuel danger est qu’Anathos devienne politiquement maître du monde elfique. A tout moment il lui est ainsi possible de diligenter une armée afin d’exterminer les piranhis ou de conduire nos citoyens à une mort certaine. Pour l’heure, le Congrès n’est pas encore totalement acquis à sa cause et un blocage institutionnel l’empêche d’agir à sa guise mais cette situation basculera, c’est une question de jours à présent.


Il broya la photo dans sa main gauche avant de changer de ton et de s’adresser à Ganesh.


Et si vous ne m’aviez pas empêché, j’aurai pu y parvenir, j’aurais pu tuer cet infernal et sauver de nombreuses vies.


Ganesh, aussi impassible qu’à son habitude prit la parole :

-Soit et après, vous seriez reparti en chantant, une chope d’alcool à la main ? Ganesh attrapa ses lunettes, les plia et les posa sur la table. Ecoutez Salazar, tuer l’infernal de Kash-Kash n’aurait servi à rien, Anathos aurait remplacé le monarque à venir et vous auriez gagné une semaine tout au plus mais en y sacrifiant votre vie. Cela en valait-il vraiment la peine ?


Salazar se précipita vers la table à laquelle étaient assis ses deux interlocuteurs et y planta son poignard à quelques centimètres seulement de Ganesh.


-Il suffit ! Bien sûr que ça en valait la peine, ce sont des vies qui étaient en jeu. Mais qu’en savez-vous à la fin, vous n’êtes même pas de notre espèce ! Ah elle est belle votre petite vie –Monsieur j’observe tout sans intervenir depuis mon vaisseau spatial-. 


*Reprenant le poignard et menaçant Ganesh avec.*

N’empêche que si vous aviez fait correctement votre boulot, nous n’en serions pas là.


Le poignard fondit en une fine poussière bleue turquoise. Vanyar les interrompit et s’adressa lui aussi à Ganesh.


-Bon, quelqu’un pourrait-il me dire ce qu’il se passe à la fin ? Pourquoi suis-je arrivé dans le monde elfique depuis mon salon ? Qui êtes-vous et comment puis-je retourner chez-m…


-Le désires-tu vraiment ?
Ganesh venait de lui couper la parole sans pour autant tourner la tête dans sa direction. Le regard perdu dans le vague, il contemplait la porte en chêne qui lui faisait face et enchaîna afin de ne pas laisser au jeune homme le temps de répondre.
N’as-tu pas dit vouloir tuer Anathos et ses alliés afin de –je te cite- « libérer Alysia » ?


-Comment savez-vous ?


-Parce que c’est un envoyé des dieux ! Ce clown était censé protéger les pierres divines mais il n’a réussi qu’à enchaîner les échecs et n’a pas daigné intervenir lui même… Non franchement envoyer Darkhell faire votre sale boulot était bien joué. Salazar ne finit pas sa phrase et se stoppa net, figé.

-Modérez-vous Salazar, je reste votre supérieur direct et vous me devez le respect. Qui plus est, vous savez pertinemment que par mon statut, je me trouvais soumis à une non-ingérence divine. Qu'aurais-je pu faire d'autre sinon contourner les règles par ce biais ? Ganesh claqua des doigts ce qui eu pour effet de relâcher l’emprise magique qu’il avait sur Salazar.


-Mais, le gardien n’est-il pas censé avoir été tué de la main d’Anathos lors du début de la guerre ? demanda Vanyar surpris par pareille révélation. Les légendes à ce sujet y sont légions et nombreux sont les humains à avoir vu au loin la boule de feu de l’explosion.


-Si, je suis malheureusement bel et bien mort ce jour là. Ganesh pointa la porte qui se trouvait face à lui avec la paume de sa main. Une fine opercule en forme de losange s’ouvrit alors de celle-ci et une intense lumière se mit à se répandre contre le mur.


Salazar s’écarta pour pouvoir assister à la projection. Des images se mirent à défiler rapidement pour ne plus former qu’un seul et unique film venant soutenir les propos qui allaient suivre.


-Lorsque mon vaisseau fut frappé par le dieu maléfique, mon enveloppe corporelle –ou tout du moins ce qu’il en restait- fut précipitée dans les eaux sombres de la mer du Sud en même temps que les pierres qu’elle contenait. En revanche mon esprit était quant à lui sauvegardé sur un canal magique secondaire ce qui m’a permis de le restaurer à partir d’un alysien consentant. Me revoilà donc sur pieds mais ma puissance magique n’est plus aussi importante qu’elle ne le fut jadis.


-Je réitère donc ma question –relança Vanyar- Pourquoi suis-je ici ?


-J’allais y venir, laissez-moi le temps de terminer mon exposé je vous prie.


Une image d’Anathos fit son apparition sur le mur suivi d’un champ de bataille représentant la lutte incessante entre les vulturs et les faucons d’Argent. 


-Cela ne vous aura pas échappé, nos troupes…enfin vos troupes se font décimer. Or comme l’a très justement souligné Salazar, le monde elfique ne présente guère de rempart suffisant pour pallier aux ténèbres d’Anathos. Sitôt qu’il sera tombé à son tour, réussir à récupérer vos deux mondes sera une mission autrement plus compliquée que celle d’empaler  un vultur à la force de l’épée. C’est pourquoi je vous propose de requérir l’aide de l’ancienne Alysia afin de…


-Mais l’ancienne Alysia n’a-t-elle pas été…détruite elle aussi ? Peut-on également restaurer un monde entier à partir d’un canal magique ? s’inquiéta Vanyar.


-C’est exact -reprit le gardien-. Alysia première du nom a bien été détruite mais rien ne disparaît jamais totalement. Ainsi, l’ancienne Alysia n’est pas très loin et il suffit pour cela de lever les yeux. 


Le plafond de la pièce disparut pour laisser place à la voute céleste. 


Mon cher Vanyar je vous présente Aeïa et Negaveïa, les lunes d’Alysia ou devrais-je dire ce qu’il reste de l’ancienne Alysia. Ces lunes sont notre dernier espoir de survie et c’est pourquoi j’ai vocation à m’y rendre avec votre escorte pour m’y ressourcer et vous donner les outils nécessaires à la reconquête d’Alysia.


-Attendez, vous voulez dire que nous allons nous rendre dans l’espace, vous, moi et ce…gamin…pour sauver le monde…rien que ça ?! rétorqua Salazar d’un ton suffisant.


-S’il accepte c’est ce que j’ai prévu oui mais rassurez-vous, d’autres alysiens nous rejoindront dans cette quête très bientôt.


-En d’autres termes je peux faire une croix sur la possibilité de rentrer chez-moi n’est-ce pas ?


-Oh je ne vous retiens pas Vanyar mais voyez plutôt ceci. 


A l’écran, une journaliste se tenait devant une ville en feu tout en détaillant autant que possible l’important bombardement qui venait d’avoir lieu.


-Comme vous pouvez le voir derrière-moi, cette nuit fut rude pour tous les orobani…


-Hé mais c’est la taverne des trois licornes…la vache elle est méconnaissable. Mais…oh non ma maison, Papa, Arwen ils sont…


-Morts ? Oui probablement comme beaucoup d’autres ce soir. Navré pour vous Vanyar mais les morts s'enchaînent tels des dominos par les temps qui courent. Ganesh reprit ses lunettes et éteignit l’écran.
Or, c’est justement pour éviter que de nouvelles pertes soient à déplorer que je vous propose mon aide à vous ainsi qu’à Salazar dont le talent de dénicheur d’espions n’a d’égal que son immaturité. Mettons un terme à tout ceci et finissons cette guerre. Vous qui vouliez prendre les armes,  je vous les donne avec joie. En vous attirant ici j’espérais en réalité que vous comprendriez quel combat nous menions et que vous adhériez à la cause. Il semblerait néanmoins que je vienne de vous sauver la vie.


-Oui et par la même occasion de m’empêcher tout retour possible…


-Bon et bien je suppose que je vais devoir me contenter de ce sentiment de résignation rétorqua Ganesh en se relevant en même temps que disparaissait la voute céleste. J’ai fait réserver l’intégralité des chambres de l’étage, choisissez celle que vous voulez, nous prendrons la mer demain matin. Ah Salazar, veillez à vous débarrasser de toutes vos clefs elfiques avant le départ. Si ce que je crains et vrai, alors Anathos a bel et bien mis la main sur l'usine les produisant. Il serait donc regrettable qu’il nous fasse suivre par ce biais.  


-Dois-je comprendre que vous allez pallier au pouvoir des clefs par votre pouvoir de téléportation ? l’interrogea Salazar


-Téléporter une embarcation toute entière ? Là vous me surestimez…n’oubliez pas que mes pouvoirs se sont vus amputer de plus de deux tiers de leur puissance originelle. Non, nous profiterons d’un point de rupture dans la surface des mondes, je vous expliquerai tout cela une fois les amarres larguées et le port disparu.  


A l’autre bout de Wilénia, alors que la ville dormait d’un sommeil récupérateur, un groupe de matelots chargeait d’importants tonneaux sur l’embarcation mandatée par Ganesh pour son périple.  Le port était calme et rien ne laissait transparaître les événements terribles qui frappaient le monde d’Alysia de l’autre côté de la membrane interdimensionnelle. 


Alors que les elfes dormaient sur leurs deux oreilles, nombreux étaient en effet les orobaniens à avoir péri quelques heures plus tôt dans leur sommeil. Mais la guerre, même infiniment silencieuse était dans tous les esprits et le monde elfique n’en était pas exempt. A ce titre et comme le soulignait Salazar, les apparences peuvent être trompeuses. Sitôt les matelots éloignés, le couvercle d’un tonneau situé dans la cale ténébreuse se souleva timidement puis se referma presque aussitôt.

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